Lorsque des personnes incarcérées reprennent une place positive dans la société, c’est un succès pour toute la collectivité. Mais malgré un nombre très élevé de réussites, combien de nouvelles entendons-nous en lien avec des personnes qui sortent de prison et qui arrivent à bâtir une famille, trouver un travail, se « refaire une vie » ?
Aucune.
Pourtant la grande majorité des personnes judiciarisées qui suivent des programmes et sont soutenues dans leurs démarches par des professionnels dédiés, se réintègrent pleinement dans nos communautés. C’est la preuve que leur réhabilitation a fonctionné.
En cette Semaine nationale de la réhabilitation sociale, nous souhaitons souligner le travail mené par les centaines d’organismes communautaires québécois, qui œuvrent à soutenir ces individus judiciarisés et à briser les préjugés. Un travail exigeant, sans vagues, comme il est souvent le cas pour le milieu communautaire, mais qui a un impact majeur pour le Québec.
Les organismes de réintégration sociale et communautaire : un maillon essentiel
Dans l’ombre, ces organismes vont s’assurer de l’accompagnement psychosocial et de la réintégration au marché de l’emploi des personnes judiciarisées, afin de leur permettre de redevenir des citoyens actifs, de payer des impôts et de contribuer positivement à la société. Ce sont eux qui portent en grande partie le fardeau de l’avenir des personnes judiciarisées, et ce dans des conditions souvent difficiles. Le travail de milieu en est un de terrain, de compétence et d’expérience, qui est appelé à intervenir dans des contextes d’urgence, en faisant souvent plus avec moins, dans des horaires inhabituels et avec des salaires exigus. Il n’y a pas de télétravail dans ce type d’intervention.
Or, le financement instable et la pénurie de main-d’œuvre spécialisée demeurent des enjeux de taille. Le gouvernement québécois a marqué des pas dans la bonne direction dans les derniers mois en offrant son soutien au milieu communautaire. Mais un appui structurant, fondé sur une vision à long terme, permettrait de reconnaître à sa juste mesure l’importance de cette pierre angulaire de notre filet social. La réhabilitation est le seul moyen de réellement protéger nos communautés à long terme, et cette protection passe par des services d’accompagnement et d’encadrement communautaires adéquats : le travail de ces organismes continue bien au-delà de la sentence et des mandats judiciaires.
Briser les préjugés
D’autant plus qu’aider les personnes judiciarisées à se refaire une vie est loin d’être facile. D’une part, un casier judiciaire nuit grandement à la recherche d’emploi et de logement, augmente les primes d’assurances automobile et habitation et limite les déplacements aux États-Unis. D’autre part, le chemin de la réhabilitation est sinueux et exige l’appui autant des professionnels que de la communauté, qui doit faire face à ses propres préjugés. Car les problèmes en lien avec la réintégration sociale se situent aussi dans le regard porté sur les personnes en processus de réhabilitation.
Nous devons prendre conscience qu’à la base, nous ne sommes pas tous partis de la même ligne de départ : le passé familial, la pauvreté, les inégalités dans le système scolaire, l’insécurité alimentaire, les fréquentations, les dépendances ont un ascendant déterminant sur l’adulte que nous devenons. Considérons, par exemple, que 60 % des personnes incarcérées n’ont pas terminé leur secondaire, 39 % ont un membre de leur famille immédiate qui a connu des démêlés judiciaires et 60 % ont déjà été victimes de violence. Le portrait est parlant.
La réhabilitation sociale permet de donner une seconde chance à des personnes qui n’en ont parfois même pas eu une première. Et adéquatement financée, elle permet de protéger nos communautés.
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