Si un service essentiel comme celui des policiers ou des pompiers tenait à bout de bras, la réaction publique serait immédiate. Lorsqu’il s’agit de la sécurité de la population, on veut que les choses fonctionnent.
Tout comme pour les maisons de transition au Québec, qui encadrent et accompagnent les personnes qui sortent d’un établissement de détention. Leur apport à la société est peut-être encore méconnu, mais il est indispensable.
Pourtant, ces organismes peinent à livrer leurs services. En cause : la pénurie de main-d’œuvre, comme pour bien d’autres secteurs. C’est le cas de la seule maison de transition de la Gaspésie, par exemple, qui est obligée de fermer ses portes à la fin mars par manque de personnel, et malgré tous les efforts accomplis pour continuer d’opérer. Cette fermeture ampute toute la région d’un filet social important.
Les conditions d’emploi non compétitives et souvent difficiles, les exigences contractuelles et les frais d’exploitation gonflés par l’inflation viennent rendre de plus en plus difficiles l’embauche et la rétention du personnel qualifié, ainsi qu’à assurer des programmes adaptés et diversifiés aux personnes en liberté conditionnelle. Qu’arriverait-il si nous devions fermer plus de maisons de transition?
La situation en chiffres
Ce réseau souffre de l’exode de ses professionnels vers le secteur public, avec lequel l’écart salarial est de 29% pour les mêmes qualifications. C’est la raison évoquée par 89% des employé(e)s qui quittent leur poste, selon un sondage mené à l’automne dernier par l’Association des services de réhabilitation sociale du Québec.
Au cours des 24 derniers mois, le taux de roulement moyen au sein des maisons de transition a été de 54%. Pour plus de la moitié (56%), il est impossible d’offrir aux postes cliniques indispensables un salaire compétitif avec le marché du travail actuel. Alors, la pression s’accentue sur le personnel-cadre qui doit trop souvent assurer des quarts de travail de soir, de nuit et de fin de semaine.
En plus d’une pénurie de personnel sans précédent, nous constatons une complexification des besoins des personnes qui sortent de détention. L’accroissement et la gravité des problématiques en santé mentale, en dépendance, de santé physique en plus des déficits cognitifs liés au vieillissement de la population carcérale sont souvent cumulés et nécessitent une intervention et un savoir-faire de plus en plus pointu, et qui ne s’improvise pas.
Un service tout aussi essentiel
Le système québécois est précurseur, et il incarne une vision humaniste en prônant la réintégration sociale et la réhabilitation plutôt que la coercition. Et il fonctionne! En preuve, le très faible taux de récidive des résidents en maison de transition (1,25%). Et une fois sorties, ces personnes contribuent à nouveau à l’économie du pays.
Depuis 50 ans, ces organismes font officiellement partie de notre système de justice, agissant comme un tampon entre la détention et la communauté. Ils voient à la réhabilitation sociale des personnes incarcérées, les aidant à trouver un emploi, un logement et une place positive dans la société.
Mais si on ne veut pas que la qualité du suivi clinique s’affaiblisse, le financement doit être à la hauteur des besoins réels du secteur pour que, collectivement, on puisse continuer de bénéficier de ce service essentiel. En sécurité publique, le financement de la détention est toujours beaucoup plus important que le financement accordé au suivi et à l’encadrement en communauté des ex-détenus. Pourtant, plus de 90% des personnes détenues finiront par être libérées de prison et redeviendront nos voisins. Qui voulez-vous comme voisin? Une personne qui sort sans aucun accompagnement ou bien une personne qui sera encadrée par une équipe de professionnels pour la supporter dans sa réintégration sociale?
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Signataires :
Lorraine Michaud, directrice générale, CRC Arc-En-Soi, Rivière-Du-Loup et Maria
Chantal Lessard, directrice générale, CRC ATNQ, Amos
Marie-Ève Théberge, directrice générale, Auberge Sous Mon Toit, Granby
Judith Deslauriers, directrice générale, Transition Centre-sud, Montréal
Steeve Thomassin, directeur général, Maison de transition de Montréal, Montréal
Carl Veilleux, directeur général, Société Emmanuel-Grégoire, Montréal
Geneviève Latreille, directrice générale, Maison Joins-Toi, St-Hubert et Granby
Raymond Cotonnec, directeur général, CRC Curé-Labelle, St-Jérôme
Patricia Arseneault, directrice générale, CHC Lafleur, Ste-Angèle-de-Prémont
Claudine Bertrand, directrice générale, Via-Travail, Montréal
Diane Tremblay, directrice générale, CRC Le Pavillon, Québec
Jean-François Cusson, directeur général, CRC Carpe Diem, Laval
Stéphanie Tremblay, directrice générale, CRC Joliette, Joliette
Michèle Michaud, directrice générale, REHAB, Lévis et Vallée-Jonction
Richard Gagnon, directeur général, Agence sociale spécialisée de l’Outaouais, Gatineau
Martin Bélanger, directeur général, Le répit du passant, Rimouski
Annie Morel, directrice générale, Service d’aide en prévention de la criminalité, Sherbrooke
Luc Gagnon, directeur général, corporation Maison Charlemagne, Montréal
André Bonneau, directeur général, CRC Roberval, Roberval
Ruth Gagnon, directrice générale, Société Elizabeth Fry du Québec, Montréal et Québec
Luc Bellemarre, directeur général, CRC Maison Jeun’Aide, Montréal
Valérie Maltais, directrice générale, Association canadienne pour la santé mentale, section Saguenay, Chicoutimi
Christine Lamarche, directrice générale, Maison Painchaud, Québec
Merris Centomo, directrice générale, Maison Cross Roads