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Articles et textes signés par l'ASRSQ

Par David Henry,
coordonnateur de l'Association des services de réhabilitation sociale du Québec (ASRSQ)

et Michel Gagnon,
directeur général de la maison Cross Roads et du Service Option-Vie

Une triste journée…

C'est une triste journée pour le Canada car jeudi passé, le projet de loi S-6 a été adopté mettant fin à ce qu'on appelait « la clause de la dernière chance ». Cette clause permettait aux délinquants condamnés à une sentence-vie (25 ans d'emprisonnement avant d'avoir la possibilité d'obtenir une libération conditionnelle) de solliciter, après au moins 15 ans d'incarcération, une date d'admissibilité anticipée à la libération conditionnelle. Il s'agissait donc d'un processus judiciaire, où un jury populaire permettait aux délinquants de présenter une demande de libération conditionnelle après avoir purgé une sentence minimale de 15 ans. La Commission des libérations conditionnelles du Canada examinait ensuite la demande et accordait ou non une libération conditionnelle.

C'est une triste journée pour le Canada car si cette mesure concernera moins d'une dizaine de personnes par année, les conséquences seront énormes pour ces contrevenants qui devront attendre minimalement 10 années supplémentaires en détention avant de pouvoir faire une demande de libération conditionnelle. Quand on pense qu'un détenu sous juridiction fédérale coûte plus de 100 000$ par année aux contribuables…

C'est une triste journée pour le Canada car depuis la mise en place de cette mesure en 1984, 136 délinquants ont pu bénéficier d'une libération conditionnelle en vertu de cette clause. Aucun de ces 136 contrevenants n'a récidivé pour un délit de même nature en 27 ans. Si cette mesure n'avait pas été en place, la plupart de ces 136 personnes seraient encore en détention à l'heure actuelle, alors que l'expérience démontre qu'ils ont su se réintégrer et contribuer positivement dans notre communauté en respectant les lois, en travaillant et en payant des impôts.

C'est une triste journée pour le Canada car une étude internationale menée en 1999 sur les durées moyennes d'emprisonnement pour un contrevenant purgeant une peine à perpétuité pour meurtre au premier degré montre que la durée moyenne purgée au Canada (28,4 ans) dépasse celle de tous les pays examinés (Belgique : 12,7 ans; Angleterre : 14,4 ans; Suède : 12 ans), y compris les États-Unis (18,5 ans), sauf pour ce qui est des contrevenants américains qui purgent une peine de prison à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle (29 ans). Pourtant, la durée de l'incarcération n'a pas d'impact sur le taux d'homicide d'un pays.

C'est une triste journée pour le Canada car encore une fois le débat sur le système de justice pénale a penché du côté de l'idéologie plutôt que des faits et de la raison. Le retrait de la « clause de la dernière chance » porte atteinte au principe de réinsertion sociale comme objectif de la peine alors que la plupart des études démontrent que la réinsertion sociale demeure la meilleure façon de protéger la société de façon durable. Pourquoi abolir une mesure efficace, qui dépendait d'un jury populaire (donc de la communauté) et qui a fait ses preuves?