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The good, the bad and the ugly: Profile of a useless dialogue in the land of law and order

Malgré le fait qu’en 2007 le taux de criminalité au Canada ait atteint son plus bas niveau en plus de 30 ans, la loi et l’ordre demeurent l’une des priorités du gouvernement conservateur. Pour s’en convaincre, il suffit de se pencher sur leurs nombreux projets de loi et prises de position des derniers mois; ces derniers s’inscrivent dans une ligne dure à l’intérieur de laquelle la répression semble primer sur la prévention. Fait à noter : nul autre parti politique ne semble toutefois avoir une vision différente à proposer.

D’un côté, la répression…

Depuis leur arrivée au pouvoir, les conservateurs ont été très actifs au niveau de la justice pénale, utilisant la notion de sécurité comme leitmotiv autour duquel s’articulent leurs campagnes. Les exemples sont nombreux. Des 120 millions de dollars investis pour éliminer les drogues dans les pénitenciers, pas un sou n’ira à la prévention, pas plus que le programme ne s’interroge sur les causes de la toxicomanie. Récemment, Stockwell Day a annoncé la mise sur pied d’un projet pilote de surveillance électronique : les contrevenants y participant devront porter un bracelet doté d'un récepteur GPS signalant leur position à un réseau de surveillance. La nouvelle Loi sur la lutte contre les crimes violents fait notamment augmenter certaines peines minimales, crée de nouvelles infractions, prévoit des dispositions plus sévères sur la mise en liberté sous caution et augmente l’âge du consentement à des activités sexuelles à 16 ans. Dans le cas de crimes graves, dès 14 ans un accusé est cependant considéré assez mûr pour être jugé devant un tribunal pour adultes! De plus, au Canada l’imposition de peines minimales est jugée inefficace (et extrêmement onéreuse) par de très nombreux avocats, juges, professeurs de droit et criminologues.

Malgré les demandes répétées de nombreux acteurs du secteur de la santé, le gouvernement refuse d’instaurer des programmes d’échange de seringues en détention sous prétexte qu’il n’appuie pas « l’utilisation de drogues illégales ou ne facilite pas [leur] utilisation au sein du système carcéral » et que les détenus, comme tous les Canadiens, sont responsables de leur santé (!). Pourtant, des pays comme la Biélorussie, l’Iran et l’Espagne ont instauré ce genre de programme, faisant ainsi la preuve de l’efficacité de telles mesures dans la propagation du VIH et de l’hépatite C. Pendant ce temps, les conservateurs ont aboli un programme de tatouage sécuritaire dans les pénitenciers - avant la réalisation de l’évaluation finale – qui permettait de réduire considérablement les risques liés à cette pratique très courante en détention : selon le Réseau juridique canadien VIH/sida, un détenu sur deux se serait fait tatoué en 2004. Ils ont justifié leur décision en arguant que les contribuables n’avaient pas à payer les tatouages des personnes incarcérées. L’État débourse toutefois les 20 000$ nécessaires annuellement pour soigner les détenus infectés par ces deux pathologies.

Ils ont aussi voté contre une motion réaffirmant l’opposition du Canada à la peine de mort et décrété que les contrevenants incarcérés à l’extérieur du pays seraient désormais rapatriés au « cas par cas »: d’après le ministère de la Sécurité publique, « rapatrier des criminels enverrait le mauvais message aux Canadiens ».

Alors que pour la troisième année consécutive le nombre de crimes enregistré au pays a diminué, le ministre de la Justice a récemment déclaré que « le taux de criminalité au Canada est inacceptable et [avoir] l’intention de [s’y] attaquer », affirmant que son gouvernement ne fait que répondre à la demande de la population d’en faire plus. Tant les médias que les politiciens s’acharnent à faire croire que la criminalité est un problème grave au Canada : il en découle que, selon une étude de l’Université de Lethbridge, un Canadien sur trois pense aujourd’hui que le crime est un problème « très sérieux ».

… et de l’autre, la prévention

Au Canada comme au Québec, l’argent alloué aux services correctionnels est principalement investi dans les infrastructures, souvent au détriment de la réinsertion sociale. C’est d’autant plus vrai depuis le dépôt du rapport d’un comité d’examen « indépendant » chargé d’aiguiller le processus de transformation du Service correctionnel du Canada actuellement en cours : la construction de complexes régionaux et la sécurité statique accaparent les fonds et sont présentées comme une véritable panacée. En outre, la construction d’établissements de détention est souvent présentée par les élus locaux comme un excellent moyen de stimuler l’économie par la création d’emplois (qui oublient alors les 241$ quotidiens que coûte un détenu fédéral à l’État). Le rapport suggère aussi l’abolition de la libération d’office, ce qui risque de faire en sorte que plusieurs détenus demeureront incarcérés jusqu’à la fin de leur peine, pour ensuite être libérés sans condition ni surveillance. En plus de représenter une menace pour la sécurité publique, cette mesure pourrait contribuer à une augmentation considérable de la population carcérale ainsi que des coûts, déjà élevés, de l’incarcération. Et s’il y a bien des programmes favorisant la réinsertion sociale, la plupart ont été conçus pour des individus purgeant de longues sentences. Les peines fédérales ayant tendance à diminuer, leur accessibilité est de plus en plus difficile.

Partout au pays, le nombre d’incarcérations augmente, les libérations conditionnelles se raréfient - malgré que l’importance de la libération progressive ait été maintes fois démontrée - et les ressources communautaires sont sous-utilisées. Par ailleurs, nombreux sont les individus souffrant de problèmes de santé mentale (10 % de la population carcérale en 2007) ou de toxicomanie qui, faute d’alternatives, sont incarcérés, ce qui ne fait qu’accentuer leur exclusion.

En ce moment, les États-Unis - qui ont le plus haut taux d’incarcération au monde - réalisent que le coût économique et social de l’incarcération massive et des peines minimales est astronomique, que de telles mesures sont inefficaces, contre-productives et qu’elles ne réduisent pas la récidive. Résultat, de plus en plus d’États changent, ou sont sur le point de le faire, leurs pratiques.

Pendant ce temps, la justice pénale canadienne s’engage dans la voie choisie par les États-Uniens il y a 20 ans - celle-là même qui les a menés à l’impasse.