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By David Henry,
Directeur général, Association des services de réhabilitation sociale du Québec (ASRSQ), criminologue

A major reform of parole in Quebec

Vendredi dernier le gouvernement du Québec a adopté rapidement le projet de loi omnibus 72 qui permet entre autres aux restaurateurs de vendre de l’alcool plus facilement, une demande importante pour cette industrie qui souffre terriblement de la pandémie mais ce projet de loi met également en place un changement fondamental dans le processus de libération conditionnelle chapeauté par la Commission québécoise des libérations conditionnelles (CQLC).

La majorité des décisions d’octroyer ou de refuser une libération conditionnelle à une personne détenue sera désormais prise par un seul commissaire au lieu de deux comme c’est le cas actuellement. Une exception est faite pour les décisions qui concernent des dossiers de violence conjugale, d’agression sexuelle ou sur décision du président de la Commission.

La libération conditionnelle est un mécanisme qui facilite la réhabilitation sociale des personnes incarcérées. Le fait de libérer une personne dans la communauté au tiers de sa sentence avec un encadrement et une supervision adéquate permet de mieux protéger nos communautés à long terme. D’ailleurs, les personnes qui obtiennent une libération conditionnelle récidivent moins que les personnes qui purgent toute leur sentence et qui sont libérées sans accompagnement dans la communauté (étude du Ministère de la Sécurité publique du Québec, 2018). Selon le dernier rapport annuel de gestion 2019-2020 de la CQLC, le taux de récidive des personnes en libération conditionnelle était de 4,2% (0,6 % pour une accusation liée à des délits contre la personne).

Il est possible que ce projet de loi amène une plus grande efficacité et efficience de la Commission, notamment en limitant le nombre de reports et en permettant un plus grand nombre d’audiences (43% des personnes incarcérées renoncent à présenter une demande de libération conditionnelle). Mais il nous semble que la collégialité et la discussion clinique sont des éléments importants d’une prise de décision éclairée sur l’octroi d’une libération conditionnelle surtout pour des cas complexes. D’ailleurs, les décisions de la commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC) se font toujours à deux membres notamment pour cette raison. De notre point de vue, la libération conditionnelle est une mesure de protection de la communauté. Or, les données actuelles n’indiquent pas que des « mauvaises » décisions sont prises (le taux de récidive étant très bas en libération conditionnelle) mais nous craignons que de faire reposer la décision sur un seul commissaire puisse diminuer l’octroi et l’accès à la libération conditionnelle pour les personnes incarcérées. En effet, il est possible que la demande d’une personne contrevenante qui possède un dossier complexe et qui présente un niveau de risques et besoins important soit désavantagée du fait que la décision repose sur l’imputabilité d’un seul commissaire.

Il nous semble qu’il s’agit d’un changement majeur dans le fonctionnement et la prise de décision de la CQLC et nous regrettons l’absence d’un débat public sur cette question.

Publiée dans Le Devoir le 17 décembre 2020