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Reply: What is the value of a court judgment?

Dans une lettre publiée dans Le Devoir le 4 septembre, Me Marc Bellemare écrit une diatribe contre les systèmes de libération conditionnelle au Canada et déplore « cette farce monumentale ». Les nombreuses erreurs et raisonnements fallacieux de la lettre nous obligent à rectifier certains faits, le lecteur pourra ainsi se faire sa propre opinion.

Tout d'abord, Me Bellemare écrit que « le criminel s'en tire tout sourire avec une libération hâtive quasi automatique. Cette libération intervient généralement au sixième d'une peine de moins de deux ans qui relève des prisons québécoises et au tiers d'une peine supposément grave de deux ans ou plus purgée dans un pénitencier fédéral ».

Pourtant selon la Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC), en 2012-2013, le taux d'octroi de la semi-liberté (préparation à la libération conditionnelle totale, généralement 6 mois avant) était de 68% et le taux d'octroi d'une libération conditionnelle totale (au tiers de la sentence) de 29%. Dire que les délinquants sortent quasiment automatiquement au tiers de leur sentence est au mieux de la désinformation au pire de la mauvaise foi puisque seuls 29% d'entre eux bénéficieront de cette mesure au niveau fédéral. D'ailleurs, Sécurité publique Canada dans son rapport statistique écrit qu'en 2012-2013, 3,3% des libertés conditionnelles totales de ressort fédéral ont pris fin suite à la perpétration d'une infraction sans violence et 0,3 % suite à une récidive accompagnée de violence. Il faut bien comprendre que la mesure de libération conditionnelle est une mesure importante des systèmes correctionnels au Canada qui peut faciliter la réinsertion sociale d'un individu et protège également à long terme les communautés. Ainsi, plus une personne est incarcérée longtemps, plus ses chances de réinsertion seront difficiles, mettant l'ensemble de la communauté à risque…. N'oublions pas que 95% des détenus sortiront un jour. D'ailleurs, les libérés conditionnels (au tiers de la sentence) achèvent leur sentence avec plus de succès (c'est-à-dire sans bris de conditions ou de nouvelle infraction) que les personnes qui sortent en libération d'office (au deux tiers de leur sentence).

Au niveau provincial, Me Bellemare veut faire croire que la majorité des détenus sortent au sixième de leur sentence, belle farce ! Selon la Commission québécoise des libérations conditionnelles (CQLC), en 2012-2013, sur les 3 824 décisions rendues seulement 257 permissions de sortir au sixième de la sentence (en préparation de la libération conditionnelle) ont été accordées, soit moins de 7%. La tenue de pareil propos de la part d'un avocat ne peut que laisser songeurs quand on connaît les chiffres officiels.

Me Bellemare imagine que le système de libération conditionnelle au Canada « discrédite complètement les juges et les peines qu'ils prononcent ». Ben voyons, comme si les juges lorsqu'ils rendent leurs sentences ne savaient pas que l'individu pourrait (notez bien l'usage du conditionnel, car la libération conditionnelle est devenue l'exception et non la règle) bénéficier d'une libération conditionnelle. À ce sujet, Me Bellemare entretient le préjugé qu'un individu qui sort en libération conditionnelle est libre comme l'air… rien n'est moins vrai. Une personne qui bénéficie d'une libération conditionnelle (que ce soit au niveau fédéral ou au niveau provincial) sera suivie jusqu'à la fin de sa sentence par un agent de libération conditionnelle ou de probation, devra se soumettre à des conditions restrictives, éventuellement sera assigné à résidence… et le moindre manquement aux conditions signifie un retour en détention.

Le fait d'opposer systématiquement le droit des victimes et le droit des détenus est parfaitement inutile en effet, ce n'est pas en réduisant les droits des uns qu'on améliore ceux des autres… Les victimes ont besoin d'être traitées avec considération et respect, d'être mieux informées du fonctionnement du système de justice, d'être rassurées et aidées (soutien psychologique et financier) pour faire face aux conséquences du crime. Mais les contrevenants, dont la majorité se retrouvera un jour dans la communauté, doivent aussi pouvoir purger une partie de leur peine dans la communauté afin de permettre un encadrement de leur réinsertion tout en prévenant la récidive.