Porte Ouverte Magazine

Criminalité : impacts sur les proches

By Laurence Forté-Perreault,
Agente à la liaison et aux programmes, ASRSQ

Le casier judiciaire a aussi des impacts sur les proches

Dans une société où une proportion importante de la population possède un casier judiciaire, il existe un grand flou autour de la notion même du casier judiciaire. Ainsi, au Canada, le casier judiciaire ne se réfère à aucune définition officielle et n’est défini dans aucune loi. Lorsque l’on s’intéresse aux questions reliées au casier judiciaire, on tend à penser qu’il s’agit d’un problème qui touche les autres et particulièrement les délinquants. Pourtant, cette problématique ne concerne pas uniquement les personnes condamnées et judiciarisées, mais aussi les proches et les familles de ceux et celles qui possèdent un tel casier. Personne n’est à l’abri d’en vivre les difficultés.

Selon la Gendarmerie royale du Canada, près de 4 200 000 individus détiendraient un casier judiciaire, soit 14% de la population adulte. En communauté, ces personnes judiciarisées sont confrontées à un ensemble d’éléments contraignants. Ainsi, plusieurs éprouvent des ennuis à se trouver un emploi, souscrivent malaisément à une police d’assurance, sont victimes de discrimination lors de la recherche d’un logement et parviennent difficilement à traverser les frontières canadiennes. Sachant que les impacts du casier judiciaire ont également des effets directs et indirects sur les proches des individus judiciarisés, il devient nécessaire de considérer le casier judiciaire et ses conséquences comme une problématique sociale préoccupante.

Les assurances multirisques

Au Québec, il peut s’avérer très difficile pour les personnes judiciarisées et leurs proches de souscrire à une police d’assurance multirisque. Légalement, les assureurs sont en droit de demander si une personne a des antécédents judiciaires. Certaines compagnies refuseront d’assurer une personne qui possède un casier judiciaire ; d’autres vont proposer une assurance, mais la prime sera fortement majorée (du double au quadruple) et appliquée à toutes les personnes vivant sous le même toit. Ne pas avoir accès à une police d’assurance peut se révéler très handicapant pour ces individus puisque de nos jours, adhérer à un tel service de protection est essentiel. La loi sur l’assurance automobile oblige les automobilistes à détenir une police d’assurance de 50 000$ en responsabilité civile ; certaines institutions bancaires exigent une attestation d’assurances avant d’accorder un prêt ; certains clients refusent aussi de faire affaire avec une personne qui n’est pas dotée d’une assurance. La portée de cette politique est doublement inquiétante d’autant plus qu’elle affecte également la famille des personnes judiciarisées. Selon les compagnies d’assurances, vivre avec une personne ayant un casier judiciaire équivaut à en détenir un. Ainsi, être le conjoint ou le parent d’une personne qui a un casier judiciaire peut vous priver de la possibilité de vous assurer ou d’être indemnisé.

Dans de telles conditions, il pourrait être tentant de nier son passé judiciaire ou celui d’un proche, mais dans l’éventualité où le requérant effectue une demande d’indemnisation, l’assureur peut résilier le contrat ou refuser de l’indemniser, sous prétexte qu’il a produit une fausse déclaration lors de la soumission. Les compagnies d’assurances semblent d’avis que la présence d’un casier judiciaire représente un facteur de risque important, notamment au niveau du risque moral.

Selon les compagnies d’assurances, vivre avec une personne ayant un casier judiciaire équivaut à en détenir un.

Malgré plusieurs demandes de l’ASRSQ, nous n’avons jamais pu consulter aucun calcul ou donnée actuariels qui justifient cette politique discriminatoire à l’endroit des personnes judiciarisées et leurs proches. D’après nos estimations, il y a environ 700 000 personnes qui ont un casier judiciaire au Québec. Sachant la position des compagnies d’assurances sur les clients judiciarisés et leur proche, il est possible de supposer qu’un grand nombre d’individus sont touchés par cette problématique

Les déplacements transfrontaliers

Tout comme les assurances, les déplacements transfrontaliers peuvent présenter une embûche considérable pour les personnes judiciarisées et leurs proches. Tout d’abord, il est primordial de comprendre le pouvoir décisionnel absolu que détient un pays sur les entrées des étrangers.

Chaque pays a le plein droit d’accepter ou de refuser l’accès d’un individu sur son territoire. L’entrée dans un pays n’est pas un droit, mais bien un privilège. Aux États-Unis la présence d’un casier judiciaire représente un facteur probant d’inadmissibilité, même lorsqu’il est question de faire une simple escale dans un aéroport américain. Ce qui veut dire qu’une famille ayant réservé et payé, des mois à l’avance, leurs vacances en Floride, pourrait se voir refuser l’entrée aux États-Unis si un des membres de la famille possède un casier judiciaire. En ce qui a trait aux autres pays, les politiques d’entrées varient. Puisque les conditions peuvent changer, il est recommandé de consulter le bureau du gouvernement du Canada à l’étranger pour confirmer les exigences du pays qu’on souhaite visiter.

Cet article ne présente qu’une infime partie des conséquences permanentes de la judiciarisation d’une personne sur elle-même et sur ses proches. Incontestablement, le casier judiciaire enchaîne les personnes judiciarisées et leur famille au passé, en nuisant à la réintégration sociale et communautaire de ceux-ci. Lorsqu’une problématique touche autant d’individus, il devient nécessaire de trouver des solutions permettent d’en diminuer les contrecoups. Toutefois, maints éléments restent encore à être élaborés, notamment en matière d’assurance et de voyage, où les individus et leur proche n’ont pratiquement aucun recours.

Pour plus de renseignements sur les impacts du casier judiciaire, nous vous invitions à consulter notre site internet : www.casierjudiciaire.ca.