Porte Ouverte Magazine

La radicalisation en détention

By David Henry,
Directeur général, Association des services de réhabilitation sociale du Québec (ASRSQ)

Instauration de la Semaine de la réhabilitation sociale

La réhabilitation sociale est le meilleur moyen de protéger nos communautés de la criminalité à long terme. Pourquoi et comment ? C’est exactement pour répondre à ces questions que l’Association des services de réhabilitation sociale du Québec (ASRSQ) a décidé de créer la Semaine de la réhabilitation sociale qui a eu lieu du 15 au 18 octobre cette année. 

Le 8 octobre 2019, l’Assemblée nationale du Québec a adopté une motion présentée par Mme Geneviève Guilbault, ministre de la Sécurité publique du Québec afin « que l’Assemblée nationale reconnaisse officiellement le Semaine de la réhabilitation sociale, une initiative de l’ASRSQ (…) ». Par cette motion, l’Assemblée nationale « affirme que la réinsertion sociale est la meilleure façon de réduire les risques de récidive des personnes contrevenantes et, ce faisant, de protéger la population à long terme ». Dans cette motion l’Assemblée nationale reconnait « la précieuse contribution de l’ASRSQ qui, à travers ses 65 organismes communautaires et ses 2 regroupements, participe activement à la réintégration sociale et communautaire des personnes contrevenantes » ainsi que « le rôle essentiel joué par les Services correctionnels du ministère de la Sécurité publique, qui depuis 50 ans, privilégient une approche axée sur la réinsertion sociale (…) ».

 

Au cours de cette Semaine, les 65 organismes membres de l’ASRSQ qui donnent des services à plus de 35 000 personnes judiciarisées par année au Québec ont organisé une vingtaine d’évènements à travers la province pour démystifier la réhabilitation sociale dans leurs communautés. Ce sont des journées porte ouverte, des conférences, des expositions, des ateliers (notamment d’art-thérapie), des projections documentaires et du bénévolat pour redonner à la communauté, qui ont eu lieu tout au long de cette Semaine. La Semaine de la réhabilitation sociale s’est terminée par la cinquième édition du Cabaret de la Seconde Chance qui a eu lieu le vendredi 18 octobre au National à Montréal. Ce projet artistique s'adresse au grand public en mettant en scène, des artistes professionnels reconnus, des intervenants et des personnes de talent ayant la particularité d'avoir eu, à un moment ou un autre, des démêlés avec la justice. Cet événement se veut d'abord et avant tout une activité de sensibilisation, visant à réduire les préjugés et à réaffirmer l'importance de la réintégration sociale et communautaire des personnes

contrevenants ainsi que l'implication de la communauté dans ce processus. Le Cabaret de la Seconde Chance présente un spectacle de qualité dans une salle professionnelle où le public peut découvrir des talents multidisciplinaires. C’est une occasion de mettre nos préjugés initiaux de côté et de se laisser toucher par des êtres humains pour ce qu’ils sont et non pour ce qu’ils ont fait.

 

Plus de 90% des personnes incarcérées vont éventuellement finir leur sentence et sortiront d’un établissement de détention. Avec quel type de support et d’encadrement ces personnes devraient-elles réintégrer nos communautés et devenir nos voisins ?

 

Dans notre imaginaire collectif, la prison ou la police sont souvent les institutions associées à notre sécurité et avec raison. Mais, les maisons de transitions, les services d’employabilité spécialisés, les programmes de travaux compensatoires, les services en santé mentale, en dépendance, en justice réparatrice ou en traitement de la délinquance sexuelle contribuent à éviter des récidives en réhabilitant les personnes judiciarisées. Ce sont aussi des maillons indispensables à la sécurité de nos communautés. La Semaine de la réhabilitation sociale permet de célébrer leur travail qui est souvent fait dans l’ombre. Selon l’ASRSQ, réhabiliter pleinement une personne contrevenante, c’est agir à la fois sur les dimensions sociale, communautaire et personnelle de sa condition humaine.

La réhabilitation poursuit alors trois objectifs :

  • La réintégration sociocommunautaire (par le biais de programmes spécialisés en hébergement, employabilité, dépendance, s’assurer du respect des conditions de remise en liberté, etc.)
  • Le développement personnel (par le biais de programmes spécialisés favorisant le développement d’habiletés sociales, parentales, etc.)
  •  La réconciliation (par le biais de programme en justice réparatrice par exemple)

Les échecs de la réhabilitation sociale sont souvent soulignés à grands traits et nos succès très modestement célébrés. Et pour cause ! Quand nous réussissons notre travail, ces personnes reprennent leur place, travaillent, contribuent au développement de leurs communautés et ne souhaitent plus afficher publiquement leurs passés. Selon une étude de l’ASRSQ, 71% des résidents en maison de transition effectuent leur séjour sans reproche et 91% quittent sans avoir récidivé ou quitté en liberté illégale. Ainsi, nous pouvons affirmer que les maisons de transition parviennent à leur objectif de prévention, car la récidive en cours de séjours est très rare (1,25%).

La réhabilitation sociale des personnes judiciarisées est l’affaire de tous les citoyens-nes, c’est un enjeu de société et de vivre-ensemble.