Porte Ouverte Magazine

Travaux compensatoires et pauvreté

By Propos recueillis par Jennifer Cartwright ,
ASRSQ

Ouvrir ses portes aux participants du programme de travaux compensatoires

La Société de Saint-Vincent de Paul offre une aide d’urgence à toute personne vivant une situation difficile et qui nécessite un soutien ponctuel. En général, l’aide prend diverses formes : écoute, nourriture, vêtements, meubles, références. L’organisme va cependant bien au-delà de cette mission en permettant à des individus incapables d’acquitter les contraventions reçues d’y effectuer leurs travaux compensatoires.

Le Porte ouverte a rencontré M. Gilles Gendron, gérant du comptoir St-Vincent de Paul Riviera et de la Basse-Lièvre.

On aide les démunis parce qu’on veut surtout leur montrer que la vie n’est pas noire tout le temps.

De quelle façon se déroule l’accueil des participants?

Les organismes de référence nous appellent pour savoir si nous sommes prêts accueillir une personne qui doit réaliser des travaux compensatoires. 95 % du temps, ce sont des hommes. On demande quel âge a le participant et si nous sommes le premier organisme à le recevoir. Généralement, je n’accepte pas quelqu’un à qui on tente d’offrir une deuxième chance, puisqu’il a eu des problèmes ailleurs. Ceux qu’on accepte sont ajoutés à l’horaire, ce qui ne réduit pas le temps des employés réguliers. Ça nous permet d’améliorer le magasin, le service, et, surtout, de réduire la charge de travail des employés permanents. Ça leur donne de l’expérience, ce qui peut leur ouvrir des portes ensuite. Parce que certains n’ont jamais travaillé… Plusieurs viennent de l’aide sociale. Depuis que je suis ici, nous en avons gardé quatre. Quand quelqu’un voit qu’il est apprécié, tu devrais voir son visage!

Quand je les appelle, je spécifie qu’il y a un code vestimentaire à respecter (pas de fond de culotte aux genoux!) et qu’ils doivent avoir envie de travailler, qu’ils ne doivent pas venir simplement pour «faire leur temps». On veut qu’ils apprennent pour qu’ils puissent ensuite trouver autre chose. Travaux compensatoires et communautaires confondus, nous accueillons entre 12 et 15 personnes chaque année.

Vous travaillez aussi avec d’anciens détenus... 

Oui. Ils sont vraiment charmants. Peut-être qu’ils ont fait du tort, peut-être qu’ils vont en faire d’autre, mais ils sont vraiment polis et très respectueux. Avant ça, je n’aurais jamais voulu m’approcher d’un prisonnier! Souvent, quand ils sont en maison de transition ils viennent travailler ici, ce qui leur ouvre des portes ensuite.

Pourquoi la St-Vincent de Paul accepte-t-elle de recevoir des participants du programme de travaux compensatoires?

Parce que c’est ceux qu’on aide le plus. Nous les aidons à avancer dans la vie. Et à apprendre. On aide les démunis parce qu’on veut surtout leur montrer que la vie n’est pas noire tout le temps.

Quel genre de travaux font-ils?

Souvent, les garçons travaillent sur le camion. Ils vont chercher les dons, les meubles, aident aux livraisons. Ceux qui ne peuvent pas être sur le camion sont chargés de nettoyer le magasin, d’aider dans le tri ou de faire les boîtes. Les femmes font surtout le triage, placent les marchandises dans le magasin et s’occupent de la caisse.

Qu’est-ce que ça vous apporte d’avoir ces gens-là ici?

Ça réduit un peu la charge de travail de mes permanents. Le travail avance plus vite, ça nous permet, par exemple, de finir les boîtes d’hiver ou d’été. Ça nous aide beaucoup.

Qu’est-ce qui est le plus difficile?

Les garder intéressés. Surtout les gars, qui se désintéressent facilement. Il faut toujours avoir quelque chose à leur faire faire, sinon ils veulent partir. Et plus ils sont jeunes, plus c’est difficile. Quand ils sont plus vieux, ils sont plus responsables. Pour les jeunes, la vie c’est comme un jeu…

Effectuez-vous un suivi des travaux effectués?

Les gars ont des comptes à rendre, et moi aussi. Par contre, c’est rare que les organismes appellent, sauf quand ils reçoivent le rapport final, s’ils ont des questions. Ce que j’ai à faire, c’est noter les heures travaillées et en informer l’organisme.

Si demain matin le programme de travaux compensatoires prenait fin, quel serait l’impact sur la Société St-Vincent de Paul?

Aucun. Il n’y aurait pas d’impact parce qu’ils ne remplacent pas mon personnel régulier. On donne beaucoup plus qu’on ne reçoit, en réalité…

Est-ce qu’il y a des réticences de la part du personnel à travailler avec les participants du programme de travaux compensatoires?

Non. Il y en a qui sont curieux, curieuses, surtout, mais c’est tout. On dit aux filles de ne pas laisser traîner leur bourse parce que ce sont des gens qui ont des dettes. Mais non, personne n’a peur. S’ils nous sont envoyés, c’est qu’il n’y a pas de danger. Si quelqu’un m’était envoyé avec une escorte, ce serait différent.