Revue Porte Ouverte

Une approche différente : la justice réparatrice / restaurative

Par Laurent Champagne,
Aumônier Complexe Archambault et coordonnateur de l'Aumônerie Communautaire de Montréal

Guérir les blessures en mettant en pratique les principes de justice réparatrice

Depuis plus d'une quarantaine d'années, les aumôniers qui travaillent dans les établissements carcéraux fédéraux sont sollicités annuellement par le Conseil des Églises pour la Justice et la Criminologie (CEJC) pour réaliser des activités spéciales dans les murs. Ainsi, le CEJC organisait originellement « la semaine du prisonnier » car l'objectif était alors de faire valoir les droits des détenus et surtout que l'on parle d'eux dans la société et qu'ils soient reconnus comme des personnes à part entière bien qu'ils aient commis des actes devant être punis.

Depuis une quinzaine d'années, notre réflexion s'est tournée vers les principes de la justice réparatrice dans notre ministère auprès des détenus tout comme avec le personnel et les personnes de la collectivité que nous côtoyons. Premièrement, « la semaine du prisonnier » s'est transformée en « Semaine nationale de la justice réparatrice » encouragée par le Service correctionnel du Canada (SCC) ainsi que les partenaires communautaires comme le CEJC et le Centre de services de justice réparatrice. Réparer ou restaurer les personnes éprouvées par le crime, soit comme victime soit comme agresseur, est la solution aux blessures engendrées. Au début, nous cherchions à aider les deux groupes séparément mais l'expérience des Rencontres Détenus-Victimes (RDV) fut tellement concluante que nous devions dorénavant y avoir recours. En 2005, un projet national a vu le jour avec le CEJC et la collaboration des aumôniers et des groupes de victimes : une courtepointe conçue par des victimes et des offenseurs a été réalisée. Chacun devait créer un carré de tissu en y racontant son histoire. Ce travail réunissait concrètement autour d'une même table des personnes blessées par un acte criminel et mettait en action nos principes philosophiques. La collaboration entre les deux groupes de participants était le fruit des RDV réalisés dans les mois précédents. L'entraide et les discussions autour de la table cimentaient les histoires de chaque participant et le but était commun : démontrer qu'ensemble nous pouvons guérir et construire une société plus unie.

La participation des aumôniers est des plus nécessaires car il faut bien préparer les détenus à ce processus de justice réparatrice. La justice réparatrice a pris beaucoup d'importance dans notre ministère. Nous avons développé des ateliers avec des victimes et des détenus. En équipe régionale, nous sommes arrivés à trouver un thème envié par l'aumônerie nationale et les responsables du programme de justice réparatrice du SCC : La justice réparatrice, un risque qui vaut la peine. L'affiche de la rencontre produite par un détenu a été un grand succès car elle montre comment la victime rencontre son offenseur et quels sont les obstacles qui empêchent les personnes de guérir. Habituellement c'est ensemble que cette guérison est possible car c'est ensemble que l'évènement criminel s'est vécu. Il ne faut pas oublier un autre groupe de personne qui vit les conséquences du crime : la société. Elle doit faire partie du processus de réparation car elle a été victime et elle est la toile de fond où chacun des acteurs devra retrouver sa place éventuellement.

Il faut être ouvert au dialogue et à la possibilité de changement chez l'autre, tant victime qu'offenseur. Les aumôniers travaillent en collaboration avec les partenaires communautaires qui offrent de tel programme ou atelier car l'humain y trouve une source de guérison et la possibilité de réparer les torts engendrés par l'offense. La justice réparatrice est comme un catalyseur qui rejoint toutes les philosophies et les théologies des différents groupes confessionnels et même des athées car elle offre une nouvelle voie : la guérison au lieu de la punition.

Notre plan d'action quinquennal à l'aumônerie : L'Humain au cœur de notre action nous a permis de réaliser notre mission en nous assurant que les principes de justice réparatrice en étaient le fondement et la fin. Malheureusement, les aumôniers ont été dans la tourmente des coupures et de la transformation du SCC et ont dû s'acclimater aux nouvelles façons de faire mais nous sommes toujours motivés par les principes de la justice réparatrice car nous sommes au service de ces femmes et hommes incarcérés qui veulent réparer les blessures des victimes.

Cette année, le thème régional de la Semaine nationale de la justice réparatrice est : Humaniser la justice… Un mouvement plein d'espérance avec comme atelier d'ouverture Les étincelles qui ont tout changé. Dans l'atelier de clôture, nous allons réfléchir sur la possibilité de vivre la justice avant la sentence car cela est possible.