Revue Porte Ouverte

Une approche différente : la justice réparatrice / restaurative

Par Catherine Rossi,
Professeure, programme de Criminologie, École de service social, Université Laval

La ville de Québec accueille le 11ème Symposium National sur la Justice Réparatrice en novembre 2015

Chaque année, le Canada célèbre, lors de la 3ème semaine du mois de novembre, la Semaine Nationale de la Justice Réparatrice, avec le concours du Service correctionnel du Canada. Cette année, les 16 et 17 novembre 2015, la ville de Québec a été désignée pour accueillir et organiser le onzième Symposium National sur la Justice Réparatrice 2015, à l'occasion duquel la semaine nationale sera célébrée. L'événement se tient à l'Hôtel Delta, au centre-ville de Québec.

Ce symposium est co-organisé par le Regroupement des organismes de justice alternative du Québec, flanqué de deux de ses membres, les organismes de justice alternative l'Autre Avenue, à Québec, et l'Interface, à Lévis; ainsi que l'Université Laval, tous quatre hôtes officiels. Événement pancanadien, il entend réunir, lors de deux journées entières, l'ensemble des acteurs privilégiés de la justice réparatrice au Canada : médiateurs pénaux et animateurs de rencontres ou de cercles provenant de l'ensemble du territoire; spécialistes des mesures de prévention et règlement des différends, professionnels œuvrant au développement de mesures réparatrices (allochtones comme autochtones, en justice des majeurs ou des mineurs); responsables d'initiatives réparatrices fédérales ou locales; professionnels de la justice et magistrats; professeurs et chercheurs universitaires; représentants institutionnels ainsi qu'à leurs côtés, auteurs, victimes, citoyens et bénévoles désireux de partager leurs expériences.

Ce Symposium est, traditionnellement, un événement qui a pour objectif de réunir annuellement l'ensemble des spécialistes du domaine, et en particulier des praticiens, afin de réfléchir aux programmes offerts d'un océan à l'autre et de débattre ensemble des défis en cours. Il est la plupart du temps enrichi du témoignage de certains des usagers de ces programmes, victimes ou auteurs d'actes criminels en particulier. Depuis ses débuts, le symposium a toujours eu un thème imposé : « Au cœur de l'innovation ». Ce titre rassembleur encourageait les praticiens, chercheurs ou décideurs à travailler et retravailler la notion de justice réparatrice, vue comme un champ de pratiques innovateur, et voir à la diffusion de ses applications concrètes. On remarque cependant que depuis les années 2010, la justice réparatrice, si elle reste toujours un champ novateur, se démarque néanmoins par la question des défis qui encadrent sa concrétisation opérative. Dès lors, pour l'année 2015, a été ajouté à l'organisation de cet événement un sous-titre éloquent : « Innover, consolider, pérenniser ». Ce faisant, les membres du comité organisateur et scientifique entendent, cette année, attirer l'attention sur une problématique particulière : une fois l'innovation réalisée, encore faut-il en assurer le développement, le déploiement et la pérennité. Or, à l'heure actuelle, le concept général de justice réparatrice reste protéiforme et rassemble des perspectives pas toujours consensuelles, des manières de faire pour certaines totalement acceptées, pour d'autres, contestées. Le grand public, les institutions, les décideurs politiques, s'ils sont tous convaincus, in fine, des promesses de la justice réparatrice (qui n'a que rarement, ou jamais, déçu les usagers qui s'en prévalent ou les organismes qui la diffusent), échouent pourtant à parvenir à l'imposer de manière généralisée dans la pratique. La mise en œuvre des programmes de justice réparatrice, au Québec comme dans le reste du Canada, peine à se mettre en branle, et l'offre de service n'est toujours pas disponible de manière harmonisée. La justice réparatrice en est-elle arrivée désormais à un carrefour d'approches et de pratiques qui exigera à terme, de la part de ses promoteurs, de faire des choix décisifs? La justice réparatrice a-t-elle un avenir en plein cœur de systèmes de droit formalisés et institutionnalisés, et si oui de quelle manière et sous quelle forme? Pourra-t-elle conserver ou laisser de côté ses couleurs communautaires et alternatives originelles sans que la pérennité de ses principes et ses enjeux soient remis en question? Quels défis attendent les praticiens et professionnels dans un avenir prochain, et quel sera le prix de tels défis? Telles sont les questions sur lesquelles praticiens et chercheurs de tous horizons travailleront durant deux jours complets.

Notons que cette année, ces débats seront enrichis par la présence d'une forte délégation provenant de la scène internationale : la justice réparatrice (dite restaurative sur le vieux continent), qui y est en développement depuis des années, vient de faire une entrée très remarquée et très officielle dans le code de procédure pénale de la France : des représentants des institutions françaises seront donc à l'honneur. Par ailleurs, le symposium accueillera des chercheurs mondialement connus provenant de Belgique et des États-Unis, ainsi que des praticiens et usagers spéciaux provenant d'Amérique du Sud ou d'Asie.