Revue Porte Ouverte

Approches alternatives

Par David Henry,
ASRSQ

Profession : criminologue. Analyse clinique et relation d’aide en milieu carcéral

Philippe Bensimon est docteur en criminologie et travaille pour le ministère de la Sécurité publique depuis 22 ans. Il a œuvré une quinzaine d’années en milieu carcéral et par la suite a consacré sept années à la recherche. Il enseigne à l’Université de Montréal depuis 1999. Ses quatre précédents livres sont : Les faux en peinture (2000), Pénis sans visage, Le fléau mondial de la pornographie (2007), Tableaux maudits (roman, 2007) et La citadelle (roman, 2008). Son plus récent ouvrage, Profession : criminologue. Analyse clinique et relation d’aide en milieu carcéral, constitue en quelque sorte le legs de l’auteur à la profession puisqu’il cède la totalité de ses redevances à la Société de criminologie du Québec.

Déboulonner un mythe?

La profession de criminologue est entourée de nombreux mythes véhiculés notamment par les médias. Dans la pensée populaire, on l’imagine désormais comme une sorte de profiler qui pourchasse à longueur de journée des tueurs en série sadiques. On peut l’imaginer aussi dans un laboratoire ultrasophistiqué en train de chercher des indices pour résoudre une enquête policière. D’emblée, M. Bensimon souligne que peu d’ouvrages se sont penchés sur « une profession qui n’existe qu’au Canada et de façon beaucoup plus marquée, au Québec ». Essentiellement, un jeune diplômé en criminologie peut choisir trois milieux de travail : en établissement, dans la communauté et dans le domaine de la recherche et de l’enseignement. En établissement, le criminologue encadre les détenus de leur admission jusqu’à leur mise en liberté et en communauté, il contribue à poursuivre le travail effectué en détention et favorise la réinsertion sociale du contrevenant. Loin des clichés et fort de son expérience, l’auteur replace donc le contexte de travail du criminologue, définit ses rôles et ses devoirs comme professionnel.

Essentiellement, un jeune diplômé en criminologie peut choisir trois milieux de travail : en établissement, dans la communauté et dans
le domaine de la recherche et de l’enseignement.

Profession : criminologue

Cet ouvrage décrit donc en détail le travail du criminologue en détention. La grande expérience de l’auteur lui permet de prodiguer de nombreux conseils pratiques et il formule très rapidement le constat suivant : il y a un abîme entre la théorie et la pratique. C’est pour éviter le désenchantement qu’il a vu de trop nombreuses fois dans les yeux de ses stagiaires que l’auteur a entrepris de décrire la réalité de ce métier.

En guise d’introduction, il aborde brièvement l’historique de la prison au Canada, le rôle de l’agent de correction et les différents enjeux liés aux services correctionnels. Par la suite, il s’interroge sur les capacités que doit développer le criminologue en milieu carcéral (empathie, satisfaction et motivation au travail, attitudes, gestion du stress, conflits, etc.). À ma connaissance, jamais une publication en français n’avait abordé ce sujet de manière si détaillée. Ensuite, l’auteur consacre un chapitre à la relation d’aide en milieu carcéral. À ce sujet, il rappelle que le taux de suicide est 7,5 fois plus élevé en détention que dans la population en général. Il souligne d’ailleurs qu’il « y a beaucoup plus de suicides dans les prisons que dans les pénitenciers. Au Canada, de 1995-1996 à 2004-2005, 120 suicides furent enregistrés au sein des pénitenciers (9,15 % par 10 000 détenus). Pour la même période mais en prison, 207 suicides ont été constatés (39,5 % par 10 000 détenus) ». L’auteur explique ensuite en détail le travail du criminologue (comment lire un rapport, comment mener une entrevue, ce que devrait contenir un rapport d’évaluation, les différents outils actuariels). Il conclut sur les futurs défis des services correctionnels (vieillissement de la population, gestion des gangs en détention, l’isolement volontaire) et par une réflexion qui englobe tant la sociocriminologie (la représentation sociale du crime, qui pousse un individu à choisir de commettre un geste criminel) que la pyramide des besoins de Maslow. Finalement, l’ouvrage se termine sur une impressionnante bibliographie de 90 pages.

Il s’agit d’un ouvrage de référence pour tous les futurs criminologues et les gens de la profession. Il permettra aux étudiants de se faire une meilleure idée de leur futur travail, des qualités nécessaires ainsi que des difficultés professionnelles qu’ils pourraient rencontrer. Pour les praticiens, cet ouvrage est un encouragement (l’auteur dédicace d’ailleurs son livre « à tous ses confrères et consœurs de travail qui œuvrent à l’ombre des murs ») leur offrant la possibilité de se renouveler et de se retrouver comme professionnel. Finalement, pour le grand public cet ouvrage, peut-être un peu long, permet une meilleure compréhension de cette profession et du travail qui est fait « en dedans ».