Revue Porte Ouverte

Approches alternatives

Par Arielle Berghman,
Thérapeute assistée par l’animal, Institut Philippe-Pinel de Montréal

La thérapie assistée par l’animal en milieu de psychiatrie légale

Depuis 2002, la thérapie assistée par l'animal fait partie intégrante du traitement des patients de l'Institut Philippe-Pinel de Montréal (IPPM). Tout d'abord introduite au sein de l'unité des adolescents, très vite la méthode d'intervention de Madame Arielle Berghman est appliquée à tout l'hôpital. Cette méthode facilite grandement la prévention de la délinquance et complète l'évaluation psychiatrique des patients, leur traitement psychologique et pharmacologique ainsi que le programme de réadaptation sociale avant la libération.

Tout d’abord, il faut spécifier qu’il existe un terme générique pour définir la relation volontaire entre un patient et un animal : la zoothérapie.

Sous cette appellation, je distingue trois catégories :

La visite sympathique d’une personne à une autre personne avec un animal de compagnie. Cette visite n’exige aucun certificat ni diplôme, ni aucune aptitude particulière concernant l’animal.

La zoo-animation (communément appelée dans le jargon « activité assistée de l’animal » ou AAA) qui demande, comme son nom l’indique, la présence d’un animateur et celle d’au moins un animal. Une formation d’animateur est requise, ainsi qu’une attestation en zoothérapie (minimum 50 heures) prouvant la compétence de gérer des animaux socialisés en présence d’un groupe de spectateurs. La plupart du temps, il s’agit de rencontres de groupe allant jusqu’à dix ou vingt personnes qui assistent à une activité récréative. Les bénéficiaires sont la plupart du temps passifs et distraits par l’animateur et ses animaux. Ces derniers sont obligatoirement éduqués à être sociables et fort attirés par les gens.

La thérapie assistée par l’animal (appelée TAPA ou TAA) exige un diplôme en relation d’aide, un certificat de formation en zoothérapie (minimum 500 heures), ainsi que les attestations prouvant la connaissance des animaux utilisés (certification en éducation canine, équine, etc.).

Selon mon approche (développée, peaufinée et remodelée depuis 1998), les animaux sont soigneusement sélectionnés par le zoothérapeute et ne nécessitent aucune spécification. Le zoothérapeute est le seul à pouvoir les adapter à ses patients. Les animaux font partie intégrante du processus de traitement. Chaque identité animale correspond à un symptôme comportemental observé. Tous les patients sont actifs dans leur processus thérapeutique. Un ou plusieurs objectifs sont établis pour chacun d’entre eux avec l’étroite collaboration des professionnels spécialisés selon la problématique. L’évolution est mesurée et enregistrée et toutes les rencontres sont individuelles. Le thérapeute assisté par l’animal doit connaître la majorité des comportements et le fonctionnement des animaux qu’il a choisi pour un objectif précis. L’individualité animale étant primordiale dans les séances, le thérapeute assisté par l’animal doit avoir une connaissance approfondie de cette dernière.

L’être humain a cette faculté de s’abandonner au niveau de ses réactions face à un animal, même si un autre être humain l’observe.

Quelques principes de base

L’anthropomorphisme est l’un des outils thérapeutiques. Toutes les projections du patient sur l’animal sont notées et utilisées pour faciliter l’expression du vécu.

Tous les comportements de ce patient en relation avec les animaux reflètent ses capacités relationnelles originelles avec ses pairs. Dans les psychothérapies traditionnelles, le patient est constamment confronté à l’humain qui est le déclencheur inconscient de toutes ses souffrances relationnelles. Une relation de confiance doit s’établir entre le thérapeute et son patient. Souvent, de nombreuses séances sont nécessaires avant que le patient ne s’ouvre sur son vécu – dans certains cas, cela n’arrivera jamais - tandis qu’en thérapie assistée par l’animal ce dernier sert d’écran ou de filtre dans les séances.

La relation de confiance avec le zoothérapeute se fait par procuration… En effet, celui-ci est directement assimilé à l’animal et n’est plus aussi menaçant. Cela signifie que le zoothérapeute doit être conscient qu’il n’est pas le premier interlocuteur réel de son patient. Cela lui permet le recul suffisant pour faire ses observations et pour éviter lui-même le plus possible de faire des projections sur son patient ou sur l’animal. Cela implique que le zoothérapeute ne peut en aucun cas avoir un contact avec son patient sans l’animal ou sans y faire référence. Il s’agirait alors de psychothérapie traditionnelle et le zoothérapeute perdrait son enveloppe translucide et il serait trop à l’avant-plan.

Il est fascinant de voir les réactions relationnelles de tous les patients lors de leur premier contact avec l’animal sélectionné pour eux. Dès les premières minutes, le zoothérapeute est capable de déceler le système relationnel que son patient entretient dans sa vie en général puisque tous les comportements émanent de lui-même, que ce soit avec un animal ou un humain. L’être humain a cette faculté de s’abandonner au niveau de ses réactions face à un animal même si un autre être humain l’observe. Il ne se rend pas compte que clairement il domine dans la relation ou qu’au contraire qu’il a de la difficulté à poser ses limites.

L’intervention

Lorsque j’applique ce que je nomme « la théorie du miroir », le chien est généralement l’animal qui répond le mieux aux besoins du traitement zoothérapeutique. Le chien est un prédateur, omnivore, grégaire, sédentarisé et trop souvent « humanisé ». Certains chiens ne reconnaissent même plus le langage de leur propre espèce !

Le chien donne une réponse comportementale immédiate à son « interlocuteur » (le patient). Le thérapeute assisté de l’animal doit reconnaître l’impact relationnel entre l’animal et le patient afin de travailler les objectifs nécessaires à la création d’un changement intrapsychique de la personne.

Le discernement entre la responsabilité comportementale du chien et celle du patient est primordial. Il s’agit de départager l’influence de l’un sur l’autre afin d’éviter des interprétations erronées. Avec cette méthode d’intervention, la relation s’améliore et procure le plaisir et la motivation nécessaire à la poursuite spontanée du processus thérapeutique. Il se crée une ouverture à l’apprivoisement de l’autre sans qui la relation ne serait pas possible. Tant le chien que le patient trouvent des compromis d’attitudes.

Aux premiers contacts, la relation avec l’animal est inexistante. Évidemment, il y a des échanges de regards et même des contacts physiques par le biais des caresses, mais il s’agit bien de contacts et non pas de relation. Toutes les peurs inconscientes sont apparentes pour le zoothérapeute qui décode les comportements. Les comportements défensifs du chien et du patient foisonnent.

À la seconde étape du traitement, je peux parler d’une relation instable entre le patient et l’animal. C’est le cœur de la thérapie. Les peurs deviennent plus conscientes grâce aux reflets faits par le zoothérapeute qui, ne l’oublions pas, bénéficie toujours de l’écran animal. Cela lui permet de refléter physiquement les comportements, les paroles et les pensées du patient. Les touchers sont effectués avec l’intensité énergétique variable selon l’objectif thérapeutique. Ceci est également une différence fondamentale avec la psychothérapie traditionnelle en face à face.

Les peurs devenant plus conscientes, le besoin de protection peut émerger. C’est grâce à ce besoin de protection que l’alliance thérapeutique prend toute sa place. Le zoothérapeute commence à se montrer en tant que personne et se dégage progressivement de son écran animal. C’est à cette étape précisément qu’a lieu l’apprentissage des outils de communication et leur utilisation.

À la troisième et dernière étape du traitement, il existe réellement une relation au moins satisfaisante avec les différents chiens qui ont contribué au changement intrapsychique du patient. Les comportements inadéquats et nuisibles visibles à la première étape se sont modifiés, tempérés et surtout adaptés aux différents systèmes relationnels auxquels n’importe quel individu peut être confronté. Les peurs étant plus conscientes, les mécanismes de défense se sont métamorphosés en mécanismes de protection. Le patient a appris à faire bon usage des outils de communication enseignés à la deuxième étape. Le transfert des comportements entraînés avec l’animal se fait automatiquement avec l’humain, puisque les changements se sont opérés à la source du problème relationnel : la souffrance.

Quelques objectifs visés

La TAA offre - au même titre qu’une psychothérapie traditionnelle en face à face - un travail sur soi qui développe la confiance en soi, la conscientisation et, par conséquent, la responsabilisation des pensées qui génèrent les actes. Elle développe le contact avec la réalité, ce qui permet d’avoir des objectifs réalistes et travaille la gestion de la frustration. 
L’objectif principal inavouable mais tellement courant consiste à distinguer clairement la violence de l’affirmation. Finalement, elle permet le développement des habiletés sociales et sensibilise à la compassion et au respect d’autrui.

Conclusion

La zoothérapie est un terme générique qui englobe les visiteurs animaliers, les animateurs avec des animaux et les psychothérapeutes assistés par l’animal. Chaque secteur correspond à un besoin spécifique et bien distinct.

La TAA offre une aide psychologique socio-cognitivo-affective. Ma méthode d’intervention, en évolution depuis 1998, se distingue des autres par l’utilisation de l’individualité animale en corrélation à la problématique et à la personnalité du patient. On distingue également mon approche par l’évolution relationnelle de l’animal parallèlement à celle du patient.

Toute personne désireuse d’une aide pour la gestion de problèmes relationnels peut bénéficier de cette approche, peu importe l’âge, le sexe, l’handicap ou le niveau de difficulté relationnelle.