Revue Porte Ouverte

L’Art et la réintégration sociale et communautaire

Par Émilie Altimas,
Adjointe administrative à l’ASRSQ et coordonnatrice du Cabaret de la Seconde Chance

Cabaret de la Seconde Chance : quand la vulnérabilité s’arrime avec le talent

Depuis 2015, se tient au mythique amphithéâtre du Gesù à Montréal, le Cabaret de la Seconde Chance (C2C), marrainé par la comédienne Guylaine Tremblay. Il s’agit d’un événement artistique qui s'adresse au grand public, chapeauté par l’Association des services de réhabilitation sociale du Québec (ASRSQ). Il met en scène des personnes de talent ayant la particularité d'avoir eu, à un moment ou un autre, des démêlés avec la justice mais également des artistes professionnels reconnus et des intervenants du réseau communautaire. Le C2C présente un spectacle de qualité professionnelle où le public peut découvrir des talents multidisciplinaires. La soirée débute par une exposition d’art visuel dans le hall, où les gens sont amenés à admirer les œuvres de peintres, photographes, sculpteurs et autres. À 20 h, les portes de l’amphithéâtre s’ouvrent pour laisser place au spectacle, dont les numéros peuvent prendre de multiples formes : musique, poésie, slam, humour, danse, etc. 

L’événement, dont les deux dernières éditions se sont tenues à guichet fermé, vise à réduire les préjugés et à réaffirmer l’importance de la réintégration sociale et communautaire des personnes judiciarisées et, plus particulièrement, de l’implication essentielle de la communauté dans ce processus. Mais il s’agit d’abord et avant tout d’une occasion de passer une excellente soirée à être diverti et parfois même être ému par des gens de talent qui, le temps d’un soir, osent nous partager un peu de leur vécu, et ce, en toute vulnérabilité. Car bien que l’idée soit de mettre en lumière le talent de la personne et non ce qu’elle a pu faire dans le passé – nous ne mentionnons jamais s’il s’agit d’un ex-contrevenant ou d’un intervenant sur scène – bien souvent, une personne ayant vécu une période plus ou moins grande d’incarcération, garde cette impression qu’elle porte une étiquette au visage qu’elle a été « en-dedans ». Sous cet angle, il faut beaucoup de courage pour se présenter au monde et faire face à ses propres préjugés, blessures et autres souffrances afin d’offrir aux spectateurs une partie intime de soi-même. 

La réaction unanime du public présent témoigne de ce partage touchant et nous espérons humblement contribuer par ce projet à recréer des liens entre la communauté et des personnes qui aspirent à une seconde chance. 

Depuis nos débuts, nous avons pu accueillir des artistes de marque venus nous soutenir tels que Marie-Denise Pelletier, Luce Dufault, Claire Pelletier, Florence K, Ima, Chloé Sainte-Marie, la poétesse Innue Joséphine Bacon, Mononc’ Serge, Marie Philippe, Sylvie Desgroseilliers, les comédiens Luc Guérin, Debbie Lynch-White, Élise Guibault, Danielle Proulx, Amélie Grenier, Fred-Éric Salvail, Mélanie Pilon, Jason Van Asten et Salomé Corbo.

Pourquoi cette initiative?

Les chiffres rapportent que plus de 90 % des détenus viennent un jour à sortir de détention. La réintégration sociale et communautaire à travers un encadrement, un suivi et des services adéquats doit être offerte à ces personnes en détention et à leur sortie. À travers le Cabaret, nous souhaitons sensibiliser les gens à cette cause qui représente, selon nous, le meilleur moyen de protéger nos communautés à long terme. « On peut enfermer quelqu'un pendant des années, le fouetter tous les soirs parce qu'il a fauté, puis le mettre dehors. Ou bien on peut choisir de lui offrir de l'aide, une période transitoire vers une sortie réussie. La question à se poser n'est pas de savoir laquelle des deux méthodes est la meilleure, mais laquelle des deux personnes on préfère comme voisin. Si on ne se donne pas les moyens d'accueillir les ex-détenu(e)s, on ne bâtira jamais une société ni plus juste, ni plus sécuritaire. Avec le Cabaret de la Seconde Chance, nous espérons accueillir le plus grand nombre de citoyens possible pour leur faire vivre une expérience positive en matière de justice », explique Daniel Benson, animateur de la soirée. 

Saviez-vous que…

  • 4,2 millions de Canadiens ont un casier judiciaire.
  • En 2014-2015, les prisons provinciales du Québec ont admis plus de 43 483 personnes.
  • Au 31 mars 2015, 14 865 personnes étaient détenues dans un pénitencier fédéral.
  • En 2013-2014, l'incarcération d'un détenu fédéral coûtait en moyenne 115 310 $ par année; un détenu provincial coûtait 63 335 $ tandis que la garde d'un contrevenant dans la collectivité coutait seulement 34 432 $.
  • En 2014-2015, 2,7 % des libertés conditionnelles totales de ressort fédéral ont pris fin suite à la perpétration d'une infraction sans violence et aucune suite à une récidive accompagnée de violence.
  • Entre 2006 et 2016, le nombre de personnes incarcérées dans un pénitencier fédéral a augmenté d'environ 10 %.
  • Depuis 1998, le taux global de criminalité a diminué de 28,1 %.

Sources : GRC, Sécurité publique Canada, Sécurité publique Québec

À noter qu’il ne s’agit pas d’un événement-bénéfice. Tous les fonds recueillis par la vente de billets servent entièrement à l’organisation de l’événement.