Revue Porte Ouverte

Les Autochtones et le système de justice pénale

Par Amnistie international Canada francophone

Campagne La PEINE DE MORT, ça finit toujours mal !

Immorale, inutile, irréversible, inefficace, irrémédiable, injuste, coûteuse, discriminatoire, la peine de mort, ça finit toujours mal. Négation absolue des droits humains, il s'agit d'un meurtre. Un meurtre de plus, commis par l'État, avec préméditation et de sang-froid. Un meurtre infligé au nom de la justice.

Depuis 2003, chaque année, deux pays en moyenne abolissent le recours à la sentence capitale pour tous les crimes.

Depuis des décennies, Amnistie lutte, avec beaucoup de succès, afin d'abolir ce châtiment. Le mouvement mondial actuel tend vers l'abolition universelle et dans les faits seuls une vingtaine de pays procèdent encore à des mises à mort. Depuis 2003, chaque année, deux pays en moyenne abolissent le recours à la sentence capitale pour tous les crimes – le dernier en date étant la Lettonie, en janvier 2012.

Les exécutions fléchissent, mais des difficultés subsistent. Avec la campagne «La peine de mort, ça finit toujours mal !», Amnistie internationale souhaite mettre fin aux mythes entourant toujours la peine capitale, sauver des personnes à risque d'être exécutées et contribuer à faire reculer le recours à cette condamnation.

Plusieurs mythes persistent au sujet de la peine de mort, souvent loin de la réalité. Ces idées reçues sont un obstacle à l'abolition universelle de cette peine cruelle. Elles expliquent en partie les taux d'appuis importants au sein par exemple de la population américaine pour le maintien de la peine de mort, ou au sein de la population canadienne, en particulier au Québec, pour son rétablissement.

Mythe #1 : Avec la peine de mort, la société est plus en sécurité 

Depuis l'abolition de la peine capitale en 1976 au Canada, le taux d'homicides a diminué de près de 42%. Par ailleurs, le taux de récidive pour un délit violent de la part d'un condamné à vie en libération conditionnelle est de moins de 0,1%. Aux États-Unis, les 17 États sans peine de mort ont un taux de meurtres égal ou inférieur au taux national.

Mythe #2 : La peine de mort coûte moins cher que de garder des criminels en prison

Dès qu'un procureur demande une sentence de mort au moment de l'accusation, tout un processus s'enclenche, et celui-ci engendre des frais qui, chez nos voisins du sud, sont deux à trois fois plus élevés qu'une condamnation d'emprisonnement à vie.

Mythe #3 : La peine de mort permet aux familles des victimes de faire le deuil

De nombreux témoignages de familles de victimes démontrent que même après l'exécution du présumé coupable, aucun soulagement n'est ressenti. Loin de permettre de cicatriser leurs plaies, une condamnation à mort vient faire revivre les souffrances de la famille chaque fois qu'un appel est entendu. Plusieurs familles de victimes considèrent aussi qu'il est inutile d'infliger la même souffrance qu'elles endurent aux familles des condamnés.

Tous les êtres humains ne sont pas égaux devant la peine de mort

Le but premier de cette campagne est de parvenir à sauver la vie de deux condamnés à mort, Fatima Hussein Badi, du Yémen et Hamid Ghassemi-Shall, un Irano-Canadien, qui risquent tous deux d'être exécutés à tout moment.

Fatima Hussein Badi et son frère Abdullah Badi ont été arrêtés le 13 juillet 2000 pour le meurtre du mari de Fatima. Après qu'Abdullah Badi ait avoué, sous la torture et sous des menaces de viol envers sa sœur, avoir commis l'homicide, ils furent tous deux condamnés à mort. Abdullah fut exécuté en 2005. Bien qu'un organe judiciaire ait estimé en 2003 que Fatima n'avait pas pris part à l'homicide, l'État yéménite maintient quand même la sentence de peine de mort.

Hamid Ghassemi-Shall, un citoyen canadien, a été arrêté, avec son frère Alborz Ghassemi-Shall, alors qu'il visitait sa mère en Iran. En 2008, Hamid et Alborz, après un procès inéquitable, présentant comme seule preuve un prétendu échange de courriel entre les deux hommes, ont été condamnés à mort pour espionnage. Alborz est mort d'un cancer en 2010. Hamid risque toujours d'être exécuté et le gouvernement canadien n'a pas fait beaucoup d'effort pour le sauver.

Au pays

Car hélas, la politique du Canada vis-à-vis de la peine de mort a changé depuis que le gouvernement conservateur est au pouvoir. Chez nous, la peine de mort a été abolie pour les meurtres ordinaires en 1976 (en 1998 pour les crimes militaires). En 2005, le Canada a ratifié le Deuxième protocole se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques visant à abolir la peine de mort, celui-ci impose donc au Canada d'obtenir la clémence pour tous ses citoyens et de ne pas permettre que, par son inaction, ils soient exécutés.

Pourtant des membres du gouvernement fédéral ont soutenu récemment que le recours à la peine capitale pouvait être considéré comme acceptable dans les pays où il existerait un système de justice basé sur la primauté du droit. Ceci en dépit du jugement sans équivoque de la Cour fédérale dans l'affaire Ronald Allen Smith, ce Canadien en danger d'être exécuté par les États-Unis, selon lequel le fait pour le gouvernement canadien de cesser de chercher à commuer la peine de mort d'un citoyen canadien en peine de prison à vie est illégal.

Le gouvernement canadien ne met pas toujours les énergies suffisantes pour soutenir au niveau diplomatique les Canadiens condamnés à mort à l'étranger. Dans la politique rendue publique en 2009, il est en effet écrit que «les facteurs varieront d'un cas à l'autre selon les circonstances». Peut-il exister politique plus arbitraire?

Vers l'abolition universelle

Des progrès constants ont été accomplis durant les dix dernières années. En 2002, seuls 111 États avaient aboli la peine de mort dans leurs lois ou leur pratique. Depuis l'instauration de la Journée mondiale contre la peine de mort, trente États ont aboli ce châtiment. Malgré de grands progrès, la lutte doit continuer car des milliers de personnes sont encore exécutées chaque année.

Parmi les 58 États qui maintiennent encore la peine de mort dans leurs lois ou leur pratique, seuls 21 ont effectivement procédé à des exécutions ces dernières années.

Tant que la peine de mort ne sera pas abolie partout à travers le monde, les membres d'Amnistie internationale, et en particulier ceux qui militent au sein de la coordination pour l'abolition de la peine de mort (www.amnistiepdm.org), se mobiliseront sans relâche et appelleront les États à mettre fin à ce châtiment injuste.