Revue Porte Ouverte

Les cercles de soutien et de responsabilité

Par Jean-Claude Bernheim

Anatomie de la prison contemporaine, nouvelle édition

Cette nouvelle édition de l’Anatomie de la prison contemporaine (1990) est fort bienvenue. En effet, cette édition non seulement rend compte de plusieurs recherches récentes, mais aussi elle présente une analyse beaucoup plus critique que l’ancienne. Une critique qui est souvent implicite, ce qui la rend d’autant plus percutante.

À titre d’exemple, on peut citer la notion de sous-culture, qui s’applique aussi bien aux détenus qu’au personnel de surveillance. Il en ressort que leur articulation se fait de manière autonome, tout en étant tributaire du fonctionnement et des intérêts de l’institution. L’existence de ces deux mondes parallèles, mais codépendants, est entre autres tributaire du discours de façade qui reflète l’image que l’institution veut projeter, mais qui ne correspond pas nécessairement à la réalité que vivent les uns et les autres.

Ainsi, le dilemme auquel le personnel est confronté — réinsertion vs répression (contrôle) — est très bien décortiqué. De plus, les auteurs prennent en considération le fait que les professionnels, dont les tâches sont strictement axées sur la réhabilitation, créent une compétition dont les surveillants sortent perdants. Par conséquent, aux difficiles conditions de détention s’ajoutent les conflits entre les catégories de membre du personnel.

Le sujet crucial de l’analyse de la prison porte sur sa définition : est-elle totalitaire? Les auteurs, finalement, ne répondent pas spécifiquement à la question. Par contre, ils exposent clairement les éléments constitutifs de la prison totalitaire. La lacune de leur analyse tient au fait qu’ils n’ont pas défini, dès le départ, ce qu’est et ce que comporte le totalitarisme, pour ensuite vérifier si cette définition et les composantes se retrouvent dans l’institution carcérale. Malgré tout, leur démonstration de la soumission grandissante des détenus face à l’institution est éclairante.

Ainsi, malgré une terminologie nouvelle et fort attrayante, on voit donc qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil à l’ombre de la prison. (p. 166)


Anatomie de la prison contemporaine, nouvelle édition Par Marion Vacheret et Guy Lemire Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 2007, 190 p