Revue Porte Ouverte

Les cercles de soutien et de responsabilité

Par David Molzahn,
Conseiller spécial auprès du directeur général de l’Aumônerie

et Christina Guest,
Agente de projet, Direction de l’Aumônerie, Service correctionnel du Canada

Les premiers pas des cercles de soutien et de responsabilité

Une foule s’était rassemblée à l’extérieur de l’établissement. Les gens préparaient des pancartes, scandaient leurs messages et l’inquiétude montait. Les enfants tenaient des cartes qui demandaient des collectivités sûres. Pourquoi cette agitation? Un délinquant sexuel condamné à une longue peine était mis en liberté après avoir purgé la totalité de sa peine dans l’établissement. Cette situation représente le contexte dans lequel le premier service des cercles de soutien et de responsabilité (CSR) a été offert.

Dix ans plus tard, une réunion est tenue dans la communauté, réunissant des familles, des bénévoles, des représentants des services correctionnels et des personnes qui, après avoir purgé une peine pour crimes sexuels, vivaient maintenant en toute sécurité dans la collectivité. Ce rassemblement marque le dixième anniversaire des cercles de soutien et de responsabilité. Le commissaire du Service correctionnel du Canada (SCC), à titre d’invité d’honneur, est convié à s’adresser au groupe pour souligner cette étape importante.

Depuis plusieurs années, l’Église mennonite jumelle des bénévoles de la collectivité à des détenus des établissements carcéraux canadiens, ce qui permet à ces délinquants de recevoir régulièrement des visiteurs. En 1994, la loi qui impose l’incarcération de certains délinquants pendant toute la durée de leur peine est entrée en vigueur au Canada; cette loi prive certains délinquants d’un processus graduel de mise en liberté qui pourrait permettre la mise en place de services de soutien nécessaires et la création de liens imputables.

«À ce jour, les résultats des recherches sont extrêmement positifs en ce qui concerne le rôle des CSR dans la réduction des taux de récidive et des dommages causés aux victimes et à la collectivité.»

Les premiers délinquants libérés en application de cette nouvelle loi se préparaient à retourner dans une collectivité où ils n’avaient ni famille, ni amis, ni soutien, ni endroit où vivre. De plus, parce qu’ils avaient purgé la totalité de leur peine, le SCC n’avait plus aucun pouvoir sur la façon et l’endroit où ils allaient s’établir. Sans appui et sans abri, les ex‑détenus se sont tournés vers les bénévoles de l’Église mennonite dont ils avaient fait la connaissance en prison. Certains de ceux-ci étaient leurs seuls amis dans la collectivité. Les initiatives des CSR ont été créées pour combler ces besoins simples, mais urgents.

Un aspect étonnant des projets de CSR est que le travail est fait, en grande partie, par des bénévoles. Les CSR sont des groupes de quatre à sept personnes déterminées à renforcer la sécurité publique dans leur collectivité en fournissant au quotidien un soutien intensif, chaleureux et pratique aux ex‑détenus. Les bénévoles ne sont pas que des professionnels comme des médecins, des pasteurs, des gens d’affaires, des policiers, des agents de libération conditionnelle et des professeurs, mais aussi des non ‑professionnels comme des personnes au foyer, des retraités, des travailleurs et des étudiants. Bien que les bénévoles proviennent souvent de groupes confessionnels, la plupart d’entre eux sont de simples citoyens qui se soucient de leur collectivité. Les bénévoles sont soigneusement sélectionnés. Ils reçoivent 40 heures de formation initiale et s’engagent à participer à des activités de formation continue.

Pendant leur apprentissage, ces bénévoles sont affectés à un groupe appelé un cercle. Chaque cercle fournit quotidiennement un soutien individualisé à un ex‑détenu. En retour, ce dernier s’engage à respecter un plan de gestion de cas qui prévoit des mesures pour atténuer les risques, prévenir la rechute, réagir aux inquiétudes de la collectivité concernant la sécurité et des traitements, ainsi que l’aide dont il aura besoin au niveau social. L’ex‑détenu signe volontairement un «pacte» et accepte les conditions adaptées à ses besoins. En plus de rencontrer les bénévoles individuellement, le délinquant participe à une réunion du cercle en entier, une fois par semaine, pour discuter des progrès accomplis et des difficultés qu’il peut avoir à respecter le pacte. Cette réunion hebdomadaire permet aux membres d’adopter la même approche et d’être au courant de toute l’information. Elle offre également une occasion de socialiser. Les cercles deviennent des microcollectivités au sein desquelles les délinquants disent souvent connaître des relations saines pour la première fois de leur vie.

Des CSR sont disponibles dans toutes les provinces du Canada. Ils sont mis en place par des leaders de projets locaux qui voient à ce que les CSR aient les réseaux requis dans la collectivité, qu’ils aient des liens avec la police, les services de libération conditionnelle ou de probation, divers services sociaux et d’autres organismes qui fournissent du soutien. Les leaders de projets locaux veillent aussi à ce que les cercles puissent obtenir un soutien actif et des conseils lorsque le besoin s’en fait sentir. Les «partenaires» locaux du réseau des CSR fournissent souvent une partie de la formation donnée aux bénévoles.

À ce jour, les résultats des recherches sont extrêmement positifs en ce qui concerne le rôle des CSR dans la réduction des taux de récidive et des dommages causés aux victimes et à la collectivité. Une étude récente montre que les délinquants qui ont participé à un CSR ont affiché des taux de récidive considérablement moins élevés que les délinquants qui n’en ont pas fait partie. On a ainsi constaté une réduction de 70 % de la récidive sexuelle et de 57 % de tous les types de récidive violente chez les ex‑détenus qui ont participé à un CSR, ainsi qu’une diminution de la gravité des dommages infligés par ceux qui ont récidivé. L’étude précise que les CSR ont eu une influence profonde et positive sur tous les participants et que les membres de la collectivité se sentent plus en sécurité s’ils savent qu’un délinquant à risque élevé vivant parmi eux est impliqué dans un cercle. De nombreux CSR ont été formés depuis 1994. Même si les cercles répondaient au départ à un besoin particulier, ils sont à présent adaptés aux besoins de plusieurs types de délinquants. Avec les années, ils ont suscité un intérêt croissant sur la scène internationale et on en trouve maintenant partout au Canada, dans plusieurs États américains, dans le Royaume-Uni et dans plusieurs autres pays.

L’idéologie des cercles de soutien et de responsabilité, au Canada, est qu’ils sont créés pour chaque délinquant qui a le courage non seulement d’assumer la responsabilité de son comportement criminel passé, mais aussi de s’engager à ne plus se livrer à des activités criminelles dans l’avenir. Tout en répondant à ce besoin, les CSR fournissent à la collectivité l’assurance que des plans sûrs sont en place pour ceux qui ont causé des dommages dans le passé.

Le SCC, en tant qu’organisation, ne peut accomplir seul cette tâche. Il a besoin de s’associer à des membres de la collectivité qui ont à cœur l’influence positive qu’ils ont sur les délinquants et la collectivité dans son ensemble, pour qu’un nombre croissant de Canadiens vivent en paix dans une société juste et sûre. Les CSR continueront d’être créés par des leaders et des bénévoles courageux et compatissants qui refusent de se résigner à vivre dans la peur et qui sont plutôt à la recherche de solutions sécuritaires et saines pour leur communauté.