Revue Porte Ouverte

Les cercles de soutien et de responsabilité

Par Catherine-Eve Roy,
ASRSQ

Le Service correctionnel du Canada sous la loupe

Le 20 avril 2007, à Ottawa, le ministre de la Sécurité publique, Stockwell Day, a annoncé la mise sur pied d’un comité indépendant ayant pour mandat d’évaluer les priorités opérationnelles, les stratégies et le plan d’activités du Service correctionnel du Canada (SCC). Les principales questions examinées par le Comité d’examen comprennent notamment les programmes offerts aux délinquants autochtones et aux femmes, les services relatifs à la santé mentale et ceux concernant la réadaptation des détenus en établissement et dans la communauté après leur mise en liberté, les projets à l’intention des victimes et l’efficacité avec laquelle le SCC s’acquitte de son mandat en matière de sécurité publique.

Les membres

Robert Sampson préside le Comité d’examen. Ce dernier a conçu et supervisé la mise en œuvre de la réforme globale du ministère des Services correctionnels de l’Ontario, lorsqu’il en était le ministre. M. Sampson est entouré de quatre autres membres qui complètent le comité : Serge Gascon, Ian Glen, Clarence Louie-Oliver et Sharon Rosenfeldt. Désormais retraité, Serge Gascon a œuvré durant plus de 30 ans au Service de police de la Ville de Montréal, où il a créé et introduit un programme d’évaluation de systèmes.

Ian Glen, quant à lui, a été président de la Commission nationale des libérations conditionnelles du Canada, ainsi que sous-ministre délégué au ministère de la Sécurité publique. Clarence Louie-Oliver est Chef de la bande indienne Osoyoos et siège au Conseil des entreprises autochtones du Canada. Sharon Rosenfeldt a participé à la fondation de Victimes de violence, un organisme national consacré à l’amélioration du sort des victimes d’actes criminels au Canada.

Dans son processus d’évaluation du système correctionnel, le Comité d’examen du SCC a été appelé à consulter divers documents produits par le Service correctionnel du Canada, tels que le Rapport sur les plans et priorités de 2007-2008. Les membres ont également visité les installations du SCC et son personnel, se sont référés à des intervenants, à des juristes, ainsi qu’au grand public. Le 31 octobre 2007, le comité soumettra au ministre de la Sécurité publique un rapport relatant l’ensemble de ses conclusions.

La contribution de l’ASRSQ

Au début du mois de mai dernier, divers organismes ont été invités à produire un exposé écrit énonçant leurs observations et recommandations relativement aux priorités du SCC. Les organisations sollicitées disposaient alors d’un délai de moins d’un mois pour présenter leur mémoire. L’Association des services de réhabilitation sociale du Québec (ASRSQ) a élaboré un document, dans lequel figurent ses réflexions sur le système correctionnel, ainsi que quelques commentaires concernant cette initiative d’évaluation et l’ensemble de son processus.

D’entrée de jeu, l’ASRSQ manifeste, dans son mémoire, sa déception quant à une absence marquée au sein du Comité. Elle déplore effectivement le fait que le ministre de la Sécurité publique n’ait pas jugé bon d’y inclure un représentant des organismes communautaires en justice pénale, bien qu’ils soient des partenaires du réseau correctionnel fédéral. De plus, l’Association soulève quelques doutes relativement à la portée des conclusions du Comité, considérant l’ampleur de son mandat et surtout, l’échéancier très serré qui le contraint à soumettre son rapport dès l’automne. À propos du temps, l’ASRSQ précise également dans son texte qu’elle apprécie cette opportunité de contribuer à l’exercice d’évaluation du SCC, mais que le délai dans lequel le document devait être produit était beaucoup trop bref. Conséquemment, les membres de l’Association n’ont pu être consultés adéquatement pour l’élaboration de l’exposé écrit.

Quelques réflexions sur le système correctionnel

Le document soumis au Comité d’examen se concentre particulièrement sur une réaffirmation des grands principes devant, selon l’ASRSQ, guider les politiques et pratiques correctionnelles au Canada, en matière de sécurité publique.

En ce qui a trait à la disponibilité et à l’efficacité des programmes de réadaptation et des mécanismes de soutien offerts dans les établissements et dans la collectivité après la mise en liberté, l’ASRSQ affirme qu’elle souscrit entièrement à la Directive du commissaire selon laquelle «la continuité du processus de surveillance et d’intervention est essentielle à l’adoption de pratiques correctionnelles efficaces du début jusqu’à la fin de la peine pour que le délinquant se réinsère dans la société en toute sécurité. »1 L’ASRSQ est fermement convaincue que tout retour dans la collectivité d’une personne incarcérée doit être planifié, préparé et accompagné de mesures d’encadrement légal et clinique permettant la mise en place d’interventions de contrôle et d’assistance dans le processus de réinsertion sociale. Finalement, selon l’Association, la contribution des organismes communautaires au processus de réinsertion sociale est indispensable, car elle assure une meilleure sécurité du public et une réinsertion réussie du contrevenant. Elle souligne donc que la prévention n’est pas la seule affaire ou responsabilité des gouvernements ou des corps policiers. Plus la communauté est informée et impliquée dans le processus de la prévention du crime, plus les chances d’améliorer la sécurité du public sont grandes.

Quant au réaménagement des lieux et au renouvellement des infrastructures, l’ASRSQ assure qu’elle est consciente de la problématique du vieillissement et de la détérioration des établissements. Son mémoire soulève toutefois une crainte quant à la tendance actuelle portée sur les fusions et le développement de superstructures par souci d’économies. L’Association affirme qu’une telle approche, qui mènerait à des «superétablissements», comporterait des coûts tels que cela pourrait avoir comme effet d’effacer les économies réalisées. Selon elle, tout réaménagement des infrastructures doit tenir compte de plusieurs facteurs et non seulement de la question d’économies à court terme. Le SCC doit donc, dans ses décisions à ce sujet, être guidé par des principes clairs et des pratiques correctionnelles bien établies qui permettent de préserver l’idée que le système doit être à une échelle humaine. L’ASRSQ conclut qu’elle croit fermement que l’incarcération est une mesure de dernier recours et qu’en ce sens, les investissements dans le domaine de la réinsertion sociale sont le meilleur gage d’atteindre des économies.

L’Association des services de réhabilitation sociale du Québec partage également des préoccupations concernant le profil changeant des délinquants. Selon elle, il s’agit d’une problématique majeure touchant l’ensemble des intervenants du réseau correctionnel et communautaire. L’Association invite donc le SCC à la collaboration, affirmant que les différents acteurs ont tout intérêt à travailler de pair sur cette question. Des recherches communes, du développement d’approches et de programmes et des discussions dans le cadre de congrès ou de forums représentent des moyens qui permettraient de mieux définir, ensemble, les enjeux de cette problématique.

La remise du rapport

Le 31 octobre prochain, le Comité d’examen du Service correctionnel du Canada déposera son rapport. Le ministère de la Sécurité publique, ses partenaires et la population connaîtront alors les conclusions de cette évaluation, ainsi que les recommandations des membres à propos des principes, activités et opérations du système correctionnel. L’Association des services de réhabilitation sociale du Québec souhaite que les avis du Comité prendront en compte un ensemble de principes valorisant une réinsertion sociale planifiée. Elle espère également que la contribution du réseau communautaire soit évoquée et davantage réclamée. Parce que son implication est un prérequis nécessaire à la sécurité publique.