Durant les dernières décennies, de nombreuses modifications ont été apportées afin d'améliorer la place des personnes victimes dans le système de justice pénale. Des services ont été mis en place notamment pour supporter et aider ces personnes à mieux se repérer dans le labyrinthe de la justice. Les principaux acteurs de la justice ont aussi dû modifier leurs pratiques à l'égard des personnes victimes qui, pendant trop longtemps avaient été de « grandes oubliées » du système de justice. Si le chemin vers une meilleure reconnaissance de ces personnes par le système de justice semble tracé, il en est tout autre pour une autre catégorie de personne : les proches de personnes affectées par un délit.
Nous oublions trop souvent que plusieurs personnes au sein de nos communautés, autres que la personne qui commet le délit et la ou les personnes qui sont directement victimes du crime, sont aussi affectées par le phénomène de la criminalité. Je pense aux proches (famille, conjoint(e), enfants, amis, etc.) des personnes qui ont commis un délit et qui purgent une sentence d’incarcération mais également aux proches des personnes qui ont été directement victimes.
Dans ce numéro, nous nous interrogerons sur la notion de « victime ». Qu’est-ce qu’une personne victime ? Faut-il en faire une interprétation stricte ou bien élargir la notion de victime à l’entourage ? Les services disponibles pour les proches des personnes incarcérées et pour les victimes « secondaires » sont insuffisants et pourtant les conséquences sociales subies à cause d’un acte qu’elles n’ont pas commis peuvent cependant être très réelles surtout lorsque le crime est médiatisé.
Le rôle de la mère et l’impact de celle-ci par rapport au développement des enfants est bien documenté dans la littérature scientifique. L’organisme Continuité-Famille auprès des détenues (CFAD) s’efforce depuis les années 80 de maintenir les liens familiaux entre les femmes incarcérées et leur famille notamment avec leurs enfants. Le rôle du père a quant à lui été évacué pendant des années et bien que de plus en plus d’études commencent à évaluer les impacts de l’incarcération dans le cadre de cette relation parentale, trop peu de programmes existent. Nous vous présenterons dans ces pages, le programme mis en place par la Maison Radisson pour favoriser ce lien père-enfant.
Ce numéro abordera particulièrement les effets possibles de l’incarcération d’un parent chez l’enfant. Ces impacts peuvent être d’ordres psychologiques/affectifs, comportementaux ou encore économiques et sociaux.
Certains auteurs n’hésitent pas à parler d’une véritable stigmatisation vécue par les familles des personnes incarcérées. Ainsi, la peine n’affecte pas uniquement la personne reconnue coupable mais aussi toute sa famille qui sera exclue et mise à l’écart de la communauté. Ce qui semble paradoxal puisque la famille est souvent considérée comme un point d’ancrage nécessaire pour favoriser la réintégration sociale et communautaire de la personne contrevenante. Il apparaît que d’une manière générale, très peu de littérature scientifique (et particulièrement au Canada) existe sur l’expérience des proches des personnes incarcérées. Pourtant, il est temps de réaliser que les proches des personnes détenues sont des témoins, sujets et acteurs à part entière du processus pénal.
L’organisme Relais Famille est le seul organisme communautaire au Québec voué exclusivement aux familles et proches des personnes en instance de détention, en détention ou en libération à la suite d'un emprisonnement. L'objectif global de l’organisme est de rejoindre les familles et personnes qui veulent « passer au travers » sans se laisser détruire par des sentiments de honte, de peur, de rejet et de culpabilité.
Je tiens à remercier tous nos collaborateurs et collaboratrices qui ont écrit un article pour ce numéro qui j’espère permettra de lever une partie du voile sur ces grands oubliés du système de justice que sont les proches des personnes touchées par le phénomène de la criminalité.