Revue Porte Ouverte

Délinquance sexuelle : intervenir auprès des victimes, des proches et des agresseurs

Par Marie-Pier Picard,
Amnistie Internationale

Juan Meléndez : un vibrant témoignage contre la peine de mort

Le 4 janvier 2002, Juan Roberto Meléndez est enfi n libéré de la prison de Raiford en Floride après y avoir passé près de dix-huit ans. L'histoire de cet homme qui a bien failli périr à tort met parfaitement en lumière toute l'ineptie de la peine capitale. Récemment, Amnistie internationale l'a invité dans le cadre d'une tournée de conférences. C'est avec un profond intérêt qu'a été accueilli son témoignage un peu partout dans la Belle Province.

En 1983, Meléndez est accusé du meurtre au premier degré d'un commerçant ainsi que de vol à main armée. Reconnu coupable et condamné à mort en moins de cinq jours, sur la seule base de deux témoins traînant derrière eux un imposant casier judiciaire, il voit sa vie changer radicalement. Le premier témoin, un informateur de la police au passé trouble a reçu 5000 dollars pour son faux témoignage. Le deuxième, un ami forcé de prétendre ce qu'il croyait bon sous la menace de la chaise électrique. De son côté, l'inculpé avait un solide alibi ainsi que quatre témoins pour le corroborer. Quatre témoins de race noire qui n'ont apparemment pas fait le poids devant un jury majoritairement blanc...

Juan a donc retrouvé sa liberté à l'âge de cinquante ans après avoir passé 6446 jours dans une cellule de deux mètres par trois, grouillante de coquerelles et de rats. Il en est sorti avec cent dollars en poche, un jean et un t-shirt.

En Floride, tout comme les juges, les procureurs doivent se faire élire. C'est au milieu de ce jeu politique locale que Juan a vu son procès se dérouler. Le procureur a préféré faire condamner celui que les gens croyaient coupable en espérant gagner des points. Par conséquent, les aveux du vrai meurtrier, Vernon James, n'ont jamais été transmis au jury. Rajoutons à tout ça le fait que l'inculpé ne parlait pas un mot d'anglais et n'avait pas d'argent et voilà un cocktail de circonstances funestes : « Je ne m'appelle pas O.J. Simpson. Je n'avais pas les moyens de me payer de bons avocats! » En effet, il est habituel de voir la peine de mort réservée aux pauvres ainsi qu'aux minorités. Aux États-Unis, 95% des condamnés à mort n'avaient pas les moyens de se payer un avocat. Rien qui n'ait quoi que ce soit à voir avec la justice.

Finalement, il fut enfi n innocenté lors de son dernier appel grâce à la découverte fortuite d'une transcription originale de la confession de Vernon James. Il y avait même seize documents pour l'appuyer. Juan a donc retrouvé sa liberté à l'âge de cinquante ans après avoir passé 6446 jours dans une cellule de deux mètres par trois, grouillante de coquerelles et de rats. Il en est sorti avec cent dollars en poche, un jean et un t-shirt. Aucune compensation pour cette erreur judiciaire ne lui a été remise. D'ailleurs, 22 États américains ne prévoient absolument rien pour les cas de ce genre. Quant à Vernon James, il était décédé depuis seize ans au moment de la libération de Meléndez.

Juan, qui vit actuellement au Nouveau-Mexique, milite activement pour l'abolition de la peine de mort avec l'aide de sa conjointe Judi Caruso, avocate en droit criminel. Pendant six ans, ils ont travaillé intensément pour que la peine capitale soit abolie dans leur État. Et elle le fut en mars 2009! Des conférences l'amènent aussi à se déplacer un peu partout pour partager son expérience. Il est désormais un des plus importants porte-paroles du mouvement contre la peine de mort : « Je suis encore un rêveur et je prie chaque jour pour voir la peine de mort abolie. Vous devez m'aider à enseigner aux États-Unis qu'aussi longtemps qu'ils la garderont, il y aura le risque de tuer un innocent. On ne pourra jamais relâcher un innocent de sa tombe ».

Depuis 1973, aux États-Unis, 138 personnes condamnées à mourir ont été innocentées par la suite. L'histoire de Juan Meléndez impose en maître tout le non-sens de cette pratique défi nitivement surannée, cruelle et faillible.