L'année 2010 marque le 20e anniversaire du rapport intitulé La création de choix : Rapport du groupe d'étude sur les femmes purgeant une peine fédérale. L'équipe de rédaction a cru pertinent de profiter de l'occasion pour rappeler l'importance qu'a eue ce document sur les services correctionnels s'adressant aux femmes. Rappelons-nous d'abord qu'en 1989, l'initiative de mettre sur pied un Groupe d'étude fut prise conjointement par le Commissaire du SCC et les représentantes de l'Association canadienne des sociétés Élizabeth Fry. Pourquoi ?
Le seul établissement pénitentiaire pour femmes, en 1989, se trouve à Kingston. La Prison des femmes a été construite en 1934 et, déjà en 1938, le rapport de la Commission Archambault et, par la suite, les autres rapports de commissions ou de comités d'étude, ont tour à tour questionné les façons de faire en rapport avec les services correctionnels s'adressant aux femmes purgeant une sentence tombant sous la juridiction fédérale. Les principaux problèmes relevés étaient :
- La Prison des femmes de Kingston n'offrait pas un milieu adapté aux besoins des femmes. Entre autres, le niveau de sécurité était trop élevé.
Cela créait une situation d'éloignement géographique pour la majorité des femmes avec tout ce que cela implique. - Les femmes avaient accès à très peu ou pas de programmes adaptés à leurs besoins.
- Pour les femmes purgeant une sentence dans une institution provinciale en vertu d'une entente provinciale/fédérale, et c'était le cas de la majorité des détenues en provenance du Québec, l'obligation d'offrir des programmes était inexistante.
- Les femmes se retrouvaient dans une situation d'injustice à devoir choisir entre des programmes, aussi peu développés soient-ils, et le lieu de leur incarcération.
- Ainsi, les femmes se retrouvaient à devoir purger leurs sentences dans un lieu très éloigné de leur communauté d'origine (les femmes provenant des provinces autres que le Québec et la Colombie-Britannique étaient obligées de purger leur sentence à Kingston).
- Il existait peu de solutions de rechange dans la collectivité.
Les femmes avaient hérité de programmes et d'installations désuètes conçus pour les hommes.
Les réalités particulières des femmes autochtones n'étaient pas reconnues.
On constatait une participation insuffisante de la collectivité
Ajoutons à ces problèmes une série d'événements tragiques à la Prison des femmes depuis sa construction et il devenait impératif de bouger. Le mandat du Groupe d'étude était d'étudier le régime correctionnel des femmes et d'élaborer une politique et un plan devant guider et régir ce processus « de manière à ce qu'il réponde aux besoins uniques et particuliers de cette clientèle ». En 1990, le rapport issu des travaux et recherches du Groupe a proposé que toute action posée dans ce domaine repose sur les cinq principes suivants :
- Pouvoir contrôler sa vie
- Des choix valables et responsables
- Respect et dignité
- Environnement de soutien
- Responsabilité partagée
Finalement, un énoncé de principe général fut proposé : « Le Service correctionnel du Canada avec le soutien des communautés a la responsabilité de créer un environnement qui habilite les femmes purgeant une peine fédérale à faire des choix responsables et valables leur permettant de vivre dans la dignité et le respect. »
Il serait trop long ici d'expliquer ces principes en détail et nous encourageons le lecteur à consulter le rapport Création de choix sur le site Internet du SCC. Il y retrouvera également les trois principales recommandations du rapport : création de cinq établissements régionaux conçus selon des spécifications très précises pour répondre aux besoins spécifiques des femmes, création d'une loge de guérison pour les femmes autochtones et développement d'une stratégie de mise en liberté communautaire adaptée aux caractéristiques et besoins de la clientèle féminine.
Les vingt années depuis le dépôt du rapport ont vu la fermeture, finalement, de la Prison des femmes de Kingston et la construction et l'ouverture de cinq établissements régionaux et d'une loge de guérison et l'adoption d'une stratégie communautaire pour les délinquantes, laquelle fut révisée en 2010. Beaucoup de chemin accompli, mais il reste encore beaucoup de travail à faire, comme j'ai pu le constater lors du forum tenu à Ottawa du 28 au 30 septembre dans le cadre du 20e anniversaire de La création de choix et dont le thème était Une base solide… Une vision pour l'avenir.