Revue Porte Ouverte

Les droits des détenus

Par Éric Bélisle,
Intervenant au GDDDQ

GDDDQ : Après trente ans, la lutte doit se poursuivre!

2007 marque les trente ans de la fondation du Groupe de défense des droits des détenuEs de Québec. Trente années de lutte, de soutien et d’aide aux citoyens qui se retrouvent incarcérés et souvent désabusés face à un système carcéral complexe. Trente ans de sensibilisation à la réalité du milieu correctionnel afin de combattre les nombreux préjugés qui entourent le système carcéral et la criminalité.

Depuis ses débuts, l’organisme a poursuivi sans relâche ses objectifs. Le système carcéral a certes évolué mais aujourd’hui il est plus que jamais nécessaire de poursuivre ce travail. La direction que prennent nos gouvernements en matière de sécurité publique et l’évolution de l’opinion publique vis-à-vis le système correctionnel ont de quoi inquiéter. Les défis restent nombreux encore avant de voir la lutte à la criminalité s’attaquer à la source du problème.

Les conservateurs imposent présentement un virage important en matière de justice, et ce, malgré que l’ensemble des études démontre qu’ils ont tort. Jamais autant de projets de lois reliées à la justice n’ont été présentés en si peu de temps. L’ADQ joue sur le sentiment d’insécurité afin de répandre l’idée que les absences temporaires et les libérations conditionnelles sont automatiquement accordées, ce qui est complètement faux.

En 2005-2006, la population carcérale moyenne en absence temporaire n’était que de 5,4 % et la libération conditionnelle a été refusée à la moitié des personnes entendues en audience. Nous sommes loin des «prisons aux portes tournantes» et du «tout le monde dehors! ». On parle aussi de faire payer les détenus pour leur incarcération, alors que la très grande majorité n’en aurait pas les moyens. Lentement, nous voyons certaines avancées des dernières années s’effriter. La réhabilitation semble faire place à la répression.
Du côté des prisons québécoises, le dernier rapport du Protecteur du citoyen est éloquent : les conditions de détention se sont dégradées et les prisons débordent. Le problème de surpopulation carcérale n’est pourtant pas nouveau. En 1979, le GDDDQ dénonçait déjà ce problème et réclamait des mesures alternatives à l’incarcération pour les délits mineurs.

Le portrait de la clientèle carcérale est aussi loin d’être rassurant. Près de 40 % des citoyens incarcérés sont aux prises avec des problèmes de santé mentale; la pauvreté et le faible niveau de scolarité sont fréquents chez les personnes criminalisées. Le nombre de personnes en détention provisoire représente maintenant la moitié des personnes incarcérées.

Récemment, le gouvernement du Québec a annoncé l’agrandissement et la construction de nouveaux établissements correctionnels. Pendant ce temps, les 18 prisons existantes subissent des compressions budgétaires et plusieurs de ces mesures affectent directement les activités offertes aux personnes incarcérées. Les visites sont coupées, les rencontres avec certains organismes communautaires, annulées et plusieurs gymnases, fermés.

Nombreux sont les gens qui n’ont pas eu l’occasion d’observer de près le fonctionnement du système carcéral. Ils fondent donc leurs critiques et leurs opinions sur des cas isolés fortement médiatisés. C’est ainsi qu’une majorité de personnes croit à tort que la criminalité est en hausse et que la majorité des crimes commis comportent de la violence physique. On réclame alors des sentences de plus en plus sévères, même si toutes les recherches faites sur le sujet démontrent que la durée des sentences n’a aucune incidence sur la criminalité.

Malheureusement, la population semble oublier que l’incarcération n’offre qu’une solution temporaire en isolant pour une certaine période un individu ayant commis une infraction puisque, tôt ou tard, il réintégrera la société.

Ne pas baisser les bras

Si le portrait peu paraître inquiétant de prime abord, il ne faut surtout pas baisser les bras. Tout cela démontre l’importance de la cause que défend depuis trente ans le GDDDQ et qu’il faut être de plus en plus nombreux à dire au gouvernement que nous ne voulons pas d’un système de justice de style «américain»; que pour lutter efficacement contre la criminalité, il faut s’attaquer aux problématiques sous-jacentes (pauvreté, exclusion, décrochage scolaire, etc.).

Travailler à la défense des droits des personnes incarcérées, ce n’est pas cautionner le délit qui a été commis. C’est s’assurer que la personne qui est privée de liberté reçoive le soutien nécessaire à sa réhabilitation, seul gage d’une véritable lutte à la criminalité. C’est s’assurer que la détention se fasse dans le respect des droits reconnus par les diverses lois et règlements.

Pour plus d’information sur le GDDDQ ou pour devenir en membre : www.gdddq.org