Revue Porte Ouverte

Les droits des détenus

Par Suzanne Gravel,
Coordonnatrice du Groupe de défense des droits des détenus de Québec

Travailler au respect des droits des citoyens incarcérés

Adoptée en 2002, la Loi sur le système correctionnel du Québec est en vigueur depuis maintenant un an. Selon les médias, sa mise en application devait assurer une meilleure protection du public par un resserrement des critères aux programmes de remise en liberté et par une meilleure évaluation des personnes contrevenantes.

Si la population désirait voir moins de monde dehors, les Services correctionnels du Québec ont exhaussé son souhait. Selon les dernières statistiques du ministère de la Sécurité publique (1), les permissions de sorties temporaires ont chuté de 69 % depuis 2001-2002 et le nombre d’évaluations à la libération conditionnelle a diminué de 23 %. Maintenant que les personnes incarcérées demeurent barricadées, a-t-on la garantie que cellesci sortiront transformées en bons citoyens? Tant qu’elles y sont, nous sommes en sécurité, scandent de nombreux citoyens sur les tribunes téléphoniques.

Malheureusement, ne jeter aucun regard sur ce qui ce passe à l’intérieur des prisons fausse le sentiment de sécurité. Certaine de ne jamais y mettre les pieds, la population souhaite presque que le châtiment reprenne des galons. Sous cette pression, la vocation punitive de la peine d’emprisonnement est devenue une primauté. La sécurité devient le motif par excellence pour toute dérogation aux quelques droits des personnes incarcérées. D’ailleurs, il importe de remarquer que les deux objectifs de la mission des Services correctionnels du Québec ont été inversés : c’est maintenant la protection du public qui prime sur la réinsertion sociale des personnes contrevenantes.

Le système correctionnel doit fournir des conditions favorables à une prise de conscience des actes commis et des outils efficaces visant la résolution des problèmes associés à la délinquance. La nouvelle loi n’a accordé aucun nouveau droit en ce sens. Au contraire, la population carcérale demeure toujours privée d’accès au travail, à la formation académique ou aux programmes thérapeutiques. De plus, la majorité a perdu le privilège d’accéder à un programme de remise en liberté.

Malgré le beau discours de cette réforme, il est décevant de constater que le climat actuel au sein des établissements carcéraux compromet la réinsertion sociale. Des exemples de ce constat nous parviennent chaque jour des 18 établissements correctionnels. Quotidiennement, nous aidons les personnes incarcérées à obtenir leur évaluation avant le sixième de leur sentence, à avoir accès à des soins médicaux, à protéger leur sécurité physique, à retrouver leurs objets personnels perdus, à être transférés dans un lieu de détention plus près de leur domicile, à obtenir le privilège d’aller visiter une mère malade à l’hôpital ou une dernière fois un père décédé. Pourtant, le système de traitement des plaintes est conçu pour corriger ce genre de situation. Encore faut-il qu’il soit accessible et sans menace de représailles.

Un des droits les plus importants qui doit être garanti à la personne incarcérée est l’accès à l’information. Avant le 5 février 2007, trouver une copie de la loi était impossible puisque le ministère de la Sécurité publique n’en faisait plus d’impression. Lors d’une rencontre dans un établissement, des personnes incarcérées avouaient avoir cachés à différents endroits le livre d’information sur la loi qu’ils avaient préalablement divisé en plusieurs parties. Comme s’il s’agissait d’un objet rare et interdit! Voilà un exemple de la différence entre la théorie de la loi et la pratique : un an après sa mise en application, l’information écrite demeure toujours difficile d’accès.

Alors que le ministère de la Sécurité publique tarde à offrir de bonnes conditions de travail à son personnel, comment peuton espérer que les agents puissent, à leur tour, être à l’écoute des besoins de la population carcérale? À Québec, les détenues sont enfermées dès 21 heures en cellule. De plus, la fin de semaine et les jours fériés, elles ne peuvent circuler qu’à partir de 11 heures. En les laissant recluses 14 heures par jour, on ne peut affirmer être préoccupés par leur réinsertion sociale!

Lorsque que le ministre de la Sécurité publique affirme avoir à cœur la sécurité de la population, il fait de l’excellent boulot. Soyez rassuré, les personnes dangereuses sont maintenues en dedans. Personne ne reverra un «Mario Bastien» marcher dans la rue durant sa période de détention. Cependant, nous risquons de nous retrouver face à un nombre grandissant d’histoires rappelant celle d’Homolka ou de Bégin, qui, libérés à la toute fin de leur sentence, ont connu de sérieuses difficultés d’intégration.

Mais une fois la sentence terminée, ce n’est plus l’affaire du ministre!


(1) Ministère de la Sécurité publique, Abrégé des statistiques correctionnelles du Québec 2006-2007