Revue Porte Ouverte

Les droits des détenus

Par Propos recueillis par Jean-François Cusson,
ASRSQ

Les droits des détenus : Une roue qui tourne

En décembre dernier, le Porte ouverte rencontrait Isabelle Côté, agente de recherche et de planification socio-économique au ministère de la Sécurité publique, Service du conseil à l’organisation.

En quoi est-il important pour les Services correctionnels du Québec d’assurer les droits des détenus?

Les droits des personnes incarcérées sont une valeur fondamentale. Pour nous, il s’agit de donner l’exemple. En vertu de la Loi sur le système correctionnel, les agents doivent agir dans le respect de ces personnes. Actuellement, nous rédigeons un code de déontologie, un code d’éthique sur la manière de se conduire. À partir du moment où le personnel est respectueux envers les personnes détenues, on ose espérer que ces dernières deviendront plus respectueuses envers la loi et envers autrui. C’est une espèce de roue qui tourne.

Est-ce que les droits des détenus peuvent être un irritant pour les membres du personnel?

C’est certain que la question des droits peut devenir une source de frictions, mais ne pas avoir de système de traitement des plaintes aggraverait la situation. Les inconvénients sont minimes comparativement à ce que serait la situation s’il n’existait pas.

Comment se traduit le respect des droits dans le quotidien?

Les personnes incarcérées ont accès à un téléphone dont l’usage n’est pas restreint. Elles peuvent ainsi rejoindre leur avocat, le Protecteur du citoyen et la Commission des droits de la personne.

Elles ont aussi recours à un processus de traitement des plaintes. Pour présenter une plainte, la personne doit remplir un formulaire facilement accessible. La procédure stipule que la personne incarcérée qui a du mal à le remplir doit être aidée par un intervenant ou un agent des services correctionnels, mais pas par un autre détenu.

Une autre façon d’assurer le respect du droit à la sécurité est de permettre un bon classement. Plusieurs facteurs sont alors considérés (crime, besoin de protection, santé mentale, intérêt à suivre une formation, etc.). Trois classements sont possibles : population carcérale générale, protection, encadrement restrictif (notamment les membres des gangs de rue et les gens atteints de problèmes de santé mentale). Je ne vous cacherai pas qu’en raison de la surpopulation, il devient un peu plus difficile de travailler.

De façon générale, quelles sont les plaintes les plus fréquentes?

Dans les établissements provinciaux, 23 % des plaintes reçues concernent les conditions d’hébergement. Évidemment, avec les conséquences de la surpopulation actuelle (manque d’intimité, difficulté d’entretien, etc.), on peut s’y attendre. C’est sûr qu’il y a des demandes farfelues comme lorsqu’on reçoit une plainte parce qu’un détenu ronfle.

Outre l’hébergement, plusieurs plaintes concernent l’attitude et le comportement du personnel (21 %) et le régime de vie (16 %) qui inclut les horaires, la formation, les activités, les visites, le courrier et les effets personnels. Finalement, 12 % des plaintes concernent les soins de santé.

Même si les SCQ préconisent le règlement informel des situations litigieuses, environ 2800 plaintes officielles sont déposées. 77 % de celles-ci se règlent rapidement. Pour l’organisation, le traitement des plaintes est assez complexe. Les chefs d’unité passent beaucoup de temps à s’en occuper. Dans les gros établissements, quelqu’un est spécialement affecté à la gestion de ces dossiers.

Est-ce que les personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale sont aptes à défendre leurs droits?

Les personnes que l’on retrouve en prison ont été reconnues aptes à comparaître et à subir leurs procès. Elles ont donc une certaine capacité de comprendre. Ce ne sont pas des gens extrêmement malades qui doivent être hospitalisés. Ces gens-là, qui ont un problème de santé mentale, sont mis à part, souvent à l’infirmerie. Ils y reçoivent une surveillance plus constante. Par exemple, si on doit leur expliquer quelque chose, il est mieux de le faire deux fois. On se doit d’être plus à l’écoute parce qu’ils sont susceptibles d’être plus vulnérables et ils risquent de ne pas manifester leurs besoins adéquatement. On leur assure une certaine protection et une surveillance accrue. Ceux qui nous préoccupent sur le plan du suicide, on va souvent les mettre en cellule double.

Est-ce que les détenus ont plus de droits qu’avant?

Pas nécessairement. Leurs droits sont plus respectés qu’autrefois, notamment par le personnel qui est mieux sensibilisé. On reconnaît nos obligations envers les détenus. Il n’y a aucun doute que le respect des droits des détenus améliore le milieu de vie. À partir du moment où tu respectes la personne incarcérée, j’ose espérer qu’elle va aussi avoir du respect pour les autres.