Revue Porte Ouverte

Élection provinciale : et qui pense à la sécurité publique?

Par Johanne Vallée,
Directrice générale ASRSQ

Loi sur le système correctionnel du Québec : Négligence de l’importance des moyens d’actions

«Ce serait une lapalissade que de dire que la mise en application de cette loi implique des coûts, et que sans investissement approprié, la loi restera sans effet. Ce serait une pure utopie de croire qu’elle réussira par elle seule, juste par ses louables dispositions, à remédier aux graves lacunes que connaît le système actuellement. Sans les ressources adéquates, elle deviendra inévitablement un projet mort-né.» (Extrait du 2Ième avis de l’ASRSQ déposé au Conseil du Trésor du Québec, Des compressions qui menacent la sécurité du public, décembre 2002.)

Devant le retard considérable de la mise en vigueur de la Loi sur le système correctionnel, le conseil d’administration de l’Association a pris la décision d’intervenir auprès du Conseil du Trésor en déposant un 2Ième avis sur la situation budgétaire des Services correctionnels du Québec. Essentiellement, cet avis souligne à grands traits les problèmes qui sévissent au Québec en matière correctionnelle, mais surtout, indique clairement que la mission des Services correctionnels est devenue une mission impossible.

Cet avis a donné lieu à une rencontre avec le président du Conseil du Trésor du Québec, M. Joseph Facal. Bien que les échanges avec le président Facal aient été intéressants et honnêtes, on ne voit toujours pas quand ni avec quelles ressources, les Services correctionnels du Québec et la Commission québécoise des libérations conditionnelles, pourront actualiser les intentions que porte cette Loi. Si le gouvernement actuel ou celui à venir ne réinvestit pas au niveau du système, cette Loi, adoptée par tous les partis politiques à l’Assemblée nationale du Québec, n’aura été qu’un reflet de volonté sur papier.

Vous comprendrez qu’à la veille des élections, l’Association a souhaité connaître davantage la positions des partis politiques en matière de sécurité publique. Gentiment, ils ont accepté de collaborer au présent numéro. Le dossier constitue la position des trois principaux partis.

Revenons maintenant à cette loi. Je vous invite à lire attentivement le texte du Parti Québécois à ce sujet. J’ai cherché en vain un indice quant à la date d’entrée en vigueur de la loi. Les autres partis politiques, l’Action démocratique et le Parti Libéral du Québec se sont aussi montrés muets à ce chapitre.

Pourtant, l’Association demeure profondément convaincue de l’urgence d’agir. Au cours des derniers mois, plusieurs autres événements sont venus confirmer l’importance de mettre en action les intentions contenues dans la loi. En effet, il y a eu tout dernièrement l’émeute au Centre de détention de Montréal (Bordeaux). On pourrait faire l’analyse de ce cas en vase clos, c’est-à-dire en se limitant à la dynamique propre de cet établissement. Mais ce serait une erreur importante qui ferait porter le poids des conclusions aux employés de cet établissement.

Or, les questions de formation du personnel, d’encadrement des détenus, de détention préventive et d’évaluation des détenus, débordent largement de l’enceinte de Bordeaux. Elles touchent dans les faits l’ensemble des centres de détention sous juridiction québécoise. Des événements sont aussi survenus au centre de détention de Trois-Rivières. On nous dit que le climat est lourd au centre de détention de Québec. Et la situation ne semble pas plus reluisante à l’extérieur des murs. En milieu ouvert on continue de manquer de temps de professionnels pour les évaluations. Bref, le personnel correctionnel vit sous pression (il semble, selon une étude de l’Université Laval, que 50 % du personnel correctionnel éprouvent des problèmes reliés à l’épuisement professionnel). Et que dire des programmes que nécessite la clientèle …. rien!

Rappelons certains faits touchant les personnes qui transitent dans le système correctionnel québécois. La coroner Anne Marie David constatait que 60 % des suicides dans les centres de détention provinciaux, sont survenus au Québec. Presque 1 individu sur 2 a subi une cure de désintoxication, au moins une fois. 68,7 % de la clientèle correctionnelle québécoise ont des antécédents judiciaires. 66,3 % ont reçu un diagnostic de problème d’ordre émotionnel ou psychologique. Et enfin, le 1/3 compte plus de 10 sentences d’incarcération. (. À vérifier dans Corbo). Je m’arrête ici mais le portrait peut facilement s’assombrir avec d’autres données.

Les programmes, la capacité à mener de bonnes évaluations, la qualité des interventions et de l’encadrement, ne sont pas des luxes inutiles. Ils s’avèrent des moyens essentiels au traitement des problématiques. On doit tout mettre en place pour que ces personnes cessent de revenir dans le système et jouent un rôle positif dans notre société. Sans quoi, le système correctionnel ne fait que «processer» des personnes aux prises avec des problèmes multiples. Et nous ne croyons pas qu’il faille espérer beaucoup de ces fréquents passages dans l’appareil correctionnel.