Revue Porte Ouverte

Employabilité et réinsertion sociale

Par Propos recueillis par Jennifer Cartwright,
ASRSQ

Les ateliers de l’EDQ

Texte écrit à partir d’une entrevue réalisée avec M. Simon Potvin, Directeur de l’Établissement de détention de Québec.

À l’Établissement de détention de Québec (EDQ), les ateliers de travail existent depuis plus de 25 ans. Au cours des dix dernières années, leur structure a été modifiée de façon à accroître leur rendement. Aujourd’hui, il en existe une dizaine oeuvrant dans divers domaines : imprimerie, buanderie, métallurgie, menuiserie, entretien paysager, électronique automobile, etc. Le nombre d’ateliers, de postes - soit 50 employés civils et une centaine de détenus - et le chiffre d’affaires (autour de 7 millions de dollars par année) font des ateliers de l’EDQ un chef de file de l’emploi des personnes incarcérées au niveau des Services correctionnels québécois.

Indépendants de l’EDQ, ils appartiennent au Fonds de soutien à la réinsertion sociale créé par la Loi sur le système correctionnel du Québec; leur conseil d’administration est formé de trois fonctionnaires nommés d’office par le ministère de la Sécurité publique, de deux personnes de la communauté et de deux détenus.

Mission

Le but des ateliers est de « faire en sorte que le stagiaire, par sa participation à des activités spécifiques et structurées de production et de scolarisation, acquière des habitudes, des attitudes et des connaissances pouvant faciliter son retour en société au moment de sa libération ». En offrant aux détenus l’occasion d’acquérir une expérience professionnelle, les ateliers leur permettent de se valoriser et de développer une discipline de vie pouvant favoriser leur réinsertion sociale. De plus, la Commission scolaire accorde des reconnaissances de crédits et des attestations, de façon à ce que les compétences acquises en prison puissent servir à l’extérieur.

En offrant aux détenus l’occasion d’acquérir une expérience professionnelle, les ateliers leur permettent de se valoriser et de développer une discipline de vie pouvant favoriser leur réinsertion sociale.

Processus d’embauche

Les détenus admissibles au travail en atelier reçoivent une formation sur la sécurité au travail. Une fois la formation terminée, ils sont dirigés vers les ateliers où ils seront formés à un poste déterminé selon leurs qualifications et leurs expériences antérieures. Au fil du temps, une personne motivée pourra accéder à des tâches plus complexes.

Le travail fait partie du plan d’intervention de ceux qui ont écopé d’une sentence de six mois et plus. Bien sûr, il est volontaire; d’importants privilèges sont néanmoins liés à l’emploi, notamment le salaire. Sur les 3,57 $ gagnés pour chaque heure de travail, la moitié est déposée dans un compte à partir duquel ils pourront se procurer des effets personnels (cantine); l’autre va à l’épargne obligatoire.

Vu les contraintes (repas, décomptes, etc.), ils travaillent en moyenne une trentaine d’heures chaque semaine, ce qui permet d’économiser environ cinquante dollars hebdomadairement.

Allier entreprise et réinsertion sociale...

75 % des profits vont au volet réinsertion sociale/apprentissage, ce qui permet de financer diverses activités dont les équipements sportifs, les formations ne pouvant être offertes par la Commission scolaire (celles touchant le volet social notamment), le programme de zoothérapie, etc. Les 25% qui restent permettent d’assurer la pérennité des ateliers. Bien entendu, pour que les détenus travaillent, des clients sont nécessaires! Les ateliers misent sur la qualité de leurs services et la rapidité avec laquelle ceux-ci sont offerts pour être compétitifs.

...et composer avec l’opinion publique

Pour contribuer aux besoins du Fonds de réinsertion sociale, un profit annuel d’environ 300 000$ est nécessaire. Si en 2007 un peu plus a été dégagé, l’équilibre est néanmoins précaire puisque l’entreprise est tributaire de contrats et oeuvre dans un marché concurrentiel où certains la perçoivent comme une concurrente déloyale compte tenu du taux horaire moindre versé aux personnes incarcérées.

La réalité est toutefois différente : les peines étant généralement courtes, annuellement entre 5 et 6 détenus se relaient à un poste de travail. La rentabilité liée à l’expérience qu’aurait acquise un employé est donc à peu près inexistante dans un atelier d’établissement
de détention.

Bien entendu, certaines entreprises concurrentes réussissent à faire fléchir l’opinion publique et, par le fait même, l’orientation politique du ministère. L’établissement de détention et le Fonds de soutien à la réinsertion sociale se retrouvent ainsi coincés entre les clients voulant bénéficier des services de nos ateliers et les concurrents qui exercent une influence sur l’opinion publique - plus dure ces dernières années face aux contrevenants. Dans ce contexte, nous devons nous concentrer à maintenir les programmes en place et à optimiser leur rendement social et monétaire.