Au Canada, les années 90 ont été marquantes pour les femmes sous sentence fédérale, précédées de deux décennies de lutte et de revendications par différents groupes de la société joignant leur voix pour dénoncer leurs conditions d'incarcération. Il faut se rappeler qu'à cette époque, la triste et célèbre Prison des femmes de Kinsgton située en Ontario était le seul pénitencier au Canada destiné aux femmes servant une sentence de deux ans et plus. Une situation décriée par de nombreuses organisations féministes, autochtones, non gouvernementales issues de différents horizons. La Prison des femmes de Kingston a fait l'objet de nombreuses critiques dès son ouverture en 1934, plusieurs commissions d'enquête se sont succédées pour arriver à la même conclusion qu'il fallait fermer cet établissement. Il a fallu attendre le 6 juillet 2000, soixante-six ans après sa construction pour que le pénitencier soit définitivement fermé; symbole de la fin d'une époque en ce qui à trait à l'enfermement des femmes sous sentence fédérale au Canada.
La situation des femmes incarcérées avant les années 90 n'a jamais fait l'objet d'une grande préoccupation de la part des autorités gouvernementales. Minoritaires dans le système pénal, présentant peu de risque au plan sécuritaire, elles ont été ignorées jusqu'à ce que des groupes d'intérêt et les médias forcent le gouvernement à réagir. En 1989, il met sur pied un groupe de travail ayant le mandat de revoir l'ensemble de la gestion correctionnelle dédiée aux femmes dès le prononcé de la sentence jusqu'à l'expiration de la peine. Un an plus tard, le groupe de travail a déposé un rapport intitulé Création de choix qui recommandait entre autres la construction de quatre établissements régionaux dont un dédiée aux femmes autochtones. Des infrastructures qualifiées de novatrices pour un établissement carcéral offrant aux femmes l'occasion de vivre de façon autonome par petit groupe de 8 à 10 personnes dans des unités résidentielles de type maison de ville. On était loin du modèle architectural de la prison de Kingston emprunté au 19e siècle.
Quant à la situation des femmes sous sentence provinciale, elle n'a jamais fait l'objet d'une attention particulière de la part de la société et de l'État autant ici qu'ailleurs au Canada. Il a fallu le transfert des femmes de la prison Tanguay dans un établissement fédéral destiné à une clientèle masculine pour susciter un tollé de protestations émanant de groupes de femmes, de communautés religieuses, d'organismes de défense de droit, ainsi que divers représentants de la société civile, avec en appui, des médias faisant écho aux protestations provenant des groupes d'intérêt. Du jamais vu pour le Québec, une réaction aussi inattendue qu'inespérée pour les femmes servant leur sentence dans l'ancien pénitencier Leclerc, car il faut se le dire, la cause des personnes incarcérées suscite généralement peu d'indignation auprès du public. La situation actuelle vécue par ces femmes s'apparente à celle des femmes incarcérées à la Prison pour femmes de Kinsgton avant la réforme initiée par le gouvernement fédéral. Vingt-six ans après le dépôt du rapport Création de choix, le Québec emboîte le pas à la recherche d'une solution alternative au pénitencier Leclerc renommé Établissement Leclerc de Laval (EDLL).
À l'été 2016, la Société Elizabeth Fry du Québec a répondu positivement à l'invitation du Ministère de la Sécurité publique de codiriger un comité de travail sur la situation des femmes de l'EDLL dans l'objectif de contribuer à améliorer leurs conditions d'incarcération actuelles et de participer à l'élaboration d'une solution durable et novatrice pour les femmes purgeant une peine d'emprisonnement provinciale.
Aussi, à l'ère du 21e siècle, la fermeture de la prison Tanguay est une occasion pour le gouvernement du Québec d'entreprendre une réforme importante sur la situation des femmes sous sentence provinciale. Une occasion pour le gouvernement de se démarquer de ses vis-à-vis provinciaux en offrant aux femmes judiciarisées du Québec une politique correctionnelle qui tient compte de la spécificité de leur réalité et de leurs besoins.