Revue Porte Ouverte

La radicalisation en détention

Par Dr. Wagdy Loza, ,
Professeur agrégé adjoint. Psychiatrie, Queen’s University

La radicalisation en détention

Les propos tenus n’engagent que son auteur et ne reflètent pas la position de l’ASRSQ. Afin d’alimenter la réflexion dans les débats de société, l’ASRSQ publie une variété de points de vue mais ne les endosse pas nécessairement .

De nombreux rapports documentent que la plupart des actes terroristes odieux dans le monde sont commis par des criminels radicalisés pendant leur emprisonnement. Ces rapports révèlent également que les extrémistes incarcérés radicalisent certains criminels et les convertissent à l’islamisme radical avant de les utiliser pour commettre des actes terroristes après leur libération.

Voici des exemples illustrant la gravité de la radicalisation dans les prisons. En Égypte, des attaques par des musulmans extrémistes, principalement les Frères musulmans, groupe devenu plus fort pendant l’incarcération de membres dans les années 1950 et 1960, ont mené à l’assassinat d’Anouar el Sadate, président de l’Égypte ainsi qu’à l’assassinat ou à des tentatives d’assassinat de hauts dirigeants. Ils ont fait des ravages de 2011 à 2013, période pendant laquelle ils ont brûlé entre 65 et 80 églises et édifices gouvernementaux et ainsi fait des centaines de victimes et des milliers de blessés. Ayman al-Zawahiri, chef actuel d’Al Qaïda, et de nombreux autres combattants d’Al Qaïda ont passé du temps en prison. Abu Bakr al-Baghdadi, de l’État islamique, a formé son commandement pendant qu’il était incarcéré. Abu Musab al-Zarqawi a également été endoctriné en prison avant de commettre une série de bombardements et de décapitations en Irak.

D’autres exemples moins majeurs de terroristes radicalisés en prison, dont les actes ont été moins spectaculaires et entraîné des dommages à plus petite échelle comprennent les terroristes du train de Madrid, « l’homme à la chaussure piégée », Said Kouachi, Cherif Kouachi, Amedy Coulibaly et Mohammed Merah.

De nombreuses raisons peuvent expliquer la raison pour laquelle les criminels sont vulnérables à la radicalisation dans les prisons. Entre autres, les prisons représentent le milieu idéal et propice à la radicalisation parce que les prisons sont des milieux violents et isolés, composés de criminels en captivité, sans distraction quotidienne, peuplés en grande partie de jeunes hommes en colère, contrariés et désabusés, qui ont très peu d’éléments positifs auxquels s’identifier. Certains criminels se joignent à ces groupes pour se protéger de criminels plus agressifs et plus forts. D’autres s’y joignent pour être différents et gagner en prestige auprès d’autres prisonniers. Les criminels ont souvent une situation socioéconomique similaire et des caractéristiques psychologiques de rébellion en commun avec les terroristes, dont l’âge, le chômage, un faible niveau de scolarité, le besoin de se sentir important et le besoin d’appartenir à un groupe. Certains criminels sont vulnérables à l’idéologie religieuse radicale en raison de leurs attitudes antisociales et de leur besoin de s’identifier à d’autres détenus ayant les mêmes antécédents, croyances ou origines ethniques. D’autres facteurs accentuent leur vulnérabilité, notamment un degré élevé de détresse, l’absence de périodes passées en prison ou être ensemble en prison pendant de longues périodes ou en raison de leurs longues rencontres et de flatteries physiques (aliments spéciaux, nouvelles expériences de vacances, etc.) pour diffuser leurs idéologies extrémistes. Même s’il n’existe aucun document officiel révélant que la radicalisation dans les prisons constitue un problème au Canada ou que les criminels accusés de terrorisme radicalisent d’autres personnes, il est nécessaire de lutter contre la radicalisation probable dans les prisons canadiennes. À ma connaissance, il n’existe aucun programme officiel crédible de prévention ou de traitement dans le système correctionnel canadien.