Revue Porte Ouverte

La semaine de la réhabilitation sociale

Par Madeleine Ferland,
Directrice générale, Corporation de la Maison Joins-toi

La réhabilitation sociale : d'un point de vue statistique

Malgré que le taux de criminalité soit toujours en baisse, le sentiment d’insécurité sociale est très présent dans nos communautés et on met faussement en doute les bienfaits de la réhabilitation sociale.

Les dernières statistiques publiées par Statistiques Canada datent de 2013. Elles affichent que le taux de crimes déclarés par la police est descendu à son niveau le plus bas depuis 1969.

 Cette diminution des activités criminelles est observée depuis les années 1990. Le taux d’homicides est souvent utilisé comme un indicateur du degré de violence d’une société, car ce type de crime est signalé à la police de façon systématique et fiable. En 2013, le taux national d’homicides s’est établi à 1,44 pour 100 000 habitants, ce qui constitue une baisse de 8 % par rapport à l’année précédente et le plus bas taux d’homicides enregistré depuis 1966.

La réinsertion sociale est souvent définie par l’absence de récidive. Il existe toutefois une autre définition qui va beaucoup plus loin et qui implique que l’individu puisse vivre en conformité avec les normes et les valeurs sociales, développer un sentiment d’appartenance à sa communauté et subvenir adéquatement à ses besoins.

La Loi sur le système correctionnel du Québec définit la réinsertion sociale comme étant un ensemble d’interventions visant à ce que la personne contrevenante vive de façon socialement acceptable dans le respect des lois.

Le Code criminel détermine l’objectif de la peine selon l’article 718 : « Le prononcé des peines a pour objectif essentiel de contribuer, parallèlement à d’autres initiatives de prévention du crime, au respect de la loi et au maintien d’une société juste, paisible et sûre. Favoriser la réinsertion sociale d’un contrevenant est un des objectifs de la peine.

La réinsertion sociale ne s’arrête pas à la remise en liberté de l’individu, le sentiment d’appartenance à une communauté doit aussi avoir le temps de se mettre en place. Il existe des organismes et des programmes qui facilitent le changement de milieu de vie. La réinsertion sociale est de plus associée à l’exercice de certaines activités de contrôle qui visent à assurer du respect des conditions imposées aux personnes contrevenantes.

On laisse souvent sous-entendre dans les médias qu’une personne sera libre au moment de sa date d’éligibilité à la libération conditionnelle et ce n’est pas le cas. On prétend aussi parfois que le taux d’échec est très élevé, ce qui est faux.

La Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC) montre que la libération conditionnelle est efficiente. En 2012-2013, selon la CLCC, le taux d’octroi de la libération conditionnelle en semi-liberté de ressort fédéral était de 68 % et celui de la libération conditionnelle totale de ressort fédéral de 29 %. Pendant la même période, le taux d’achèvement des libertés sous condition de ressort fédéral pour la semi-liberté était de 89,3 %, pour la liberté conditionnelle totale de 85,2 % et pour la liberté d’office (au 2/3 de la peine mais qui demeure sous surveillance) de 60,6 %.

Les maisons de transition sont des organismes servant de pied-à-terre dans une collectivité à des individus judiciarisés en démarche d’intégration ou de réintégration sociale et s’inscrivant dans un processus de libération graduelle. Elles permettent aux individus de combler leurs besoins de base (hébergement, nourriture, etc.); ils peuvent alors poursuivre leurs démarches de réinsertion sociale, notamment la recherche d’emploi et le développement personnel. Ces maisons offrent des programmes qui varient d’une ressource à l’autre : toxicomanie, délinquance sexuelle, gestion de la colère, etc.

Les maisons de transition offrent un programme appuyé par une équipe de professionnels (travailleurs sociaux, criminologues, etc.) Elles sont gérées par des conseils d’administration composés de bénévoles et doivent respecter des normes strictes. L’accès à l’emploi est un élément majeur du processus de réinsertion sociale. Il sous-entend une volonté de la part de l’individu et de la communauté d’aller vers la réhabilitation. Pourtant l’accès à l’emploi des personnes judiciarisées est compromis par un manque de formation et une forte discrimination de la part des employeurs.

Selon la Gendarmerie royale du Canada, actuellement plus de quatre millions de Canadiens ont un casier judiciaire, ce qui représente 14 % de la population canadienne. Les impacts qu’engendre le casier judiciaire ont des répercussions incontestables qui nuisent à la réinsertion sociale : en communauté, les personnes judiciarisées se confrontent à un ensemble d’éléments contraignants.

Ainsi, plusieurs individus ayant un casier judiciaire éprouvent des ennuis à se trouver un emploi et un logement, souscrivent malaisément à une police d’assurance et parviennent difficilement à traverser les frontières canadiennes. De plus, les impacts ont des répercussions insoupçonnées sur les proches des personnes judiciarisées, notamment au niveau des assurances. Avec des taux aussi substantiels, il devient nécessaire de considérer le casier judiciaire et ses conséquences comme un enjeu qui engage l’ensemble du Canada. Pourtant, depuis 1970, plus de 460 000 Canadiens se sont fait octroyer un pardon ou une suspension du casier. De ce nombre, 96% demeurent en vigueur, ce qui montre que la grande majorité des personnes qui ont obtenu un pardon ou une suspension du casier continuent d’être des citoyens respectueux des lois dans la collectivité.

Notre société a besoin que chacun de ses éléments participe à l’ensemble de la vie de la communauté où il évolue et qu’il développe un sentiment d’appartenance à son égard.

Les personnes contrevenantes sont membres de notre société, elles sont parents d’enfants, conjoint (e)  fils ou fille. La réinsertion sociale est donc le meilleur moyen de protéger la communauté à long terme.