Revue Porte Ouverte

La semaine de la réhabilitation sociale

Par Résumé du texte de François Bérard,
Directeur général Maison de Transition de Montréal

PRÉVENIR, RÉHABILITER ET (RÉ) INTÉGRER

Selon l’Association des services de réhabilitation sociale du Québec (ASRSQ) la prévention, la réhabilitation ainsi que la (ré) intégration sociale et communautaire sont des concepts primordiaux qui doivent être mis en avant-plan lors d’interventions auprès des personnes contrevenantes.

La prévention de la délinquance

Prise au sens étroit, une action préventive vise uniquement à éviter qu'une situation indésirable ne se produise. Prise au sens large, une action préventive veille non seulement à ce qu'une situation indésirable ne se produise pas, mais elle cherche aussi à ce qu'elle ne se reproduise pas. Dans cette perspective, la logique préventive englobe tant les actions préventives que curatives et donne une portée plus grande à ces dernières. C’est cette deuxième perspective que nous avons choisi d’adopter face à la délinquance.

Pour nous, la prévention de la délinquance peut se faire via deux axes d'intervention qui sont complémentaires. La « prévention par le développement social et communautaire » d’une part, la « prévention par la limitation de la victimisation » d’autre part.

La prévention de la délinquance par le développement social et communautaire passe par des politiques, des lois, des programmes -au niveau primaire- qui s'adressent à l'ensemble de la population et qui sont portés par des institutions gouvernementales, des organismes communautaires et des entreprises privées. Au niveau secondaire, cette prévention passe par différentes actions effectuées par les Centres locaux de services communautaires, des écoles primaires ou secondaires, des maisons de jeunes et des équipes de travailleurs de rue qui s'adressent à des personnes en situation de vulnérabilité Au niveau tertiaire cette prévention passe par différentes actions qui s'adressent à des personnes qui ont commis un délit.

 

De son côté, la prévention de la délinquance par la limitation de la victimisation au niveau primaire passe par différentes actions qui visent à prévenir les situations problématiques pouvant affecter la qualité de vie au sein d’une collectivité notamment en spécifiant les conséquences possibles à la commission d’un délit. Au niveau secondaire, cette prévention passe par différentes actions portées par des institutions gouvernementales avec l’appui d’organismes communautaires et d’entreprises privées et ils s'adressent à des personnes en situation de vulnérabilité Au niveau tertiaire cette prévention passe par différentes actions portées par le système de justice criminelle ainsi que par plusieurs institutions gouvernementales et organismes communautaires, destinées à des personnes qui ont été victimes d’un délit et dont le but est de réduire les impacts négatifs associés au(x) délit(s). Ces actions sont fondées sur une quête de justice, de paix et de sécurité.

 

Position de l’ASRSQ

Selon l’ASRSQ, c’est l’approche humaniste et progressiste qui assure une intervention efficace en matière de prévention de la délinquance. Cette approche a pour fin la personne humaine et son développement. Elle le fait à travers la poursuite d’un idéal de progrès social qui concerne tant les individus que les collectivités. Cette approche implique un engagement humanitaire de la part de ceux qui y souscrivent. Elle s’appuie sur la valeur du changement afin de faciliter les progrès désirés. 

Pour ce faire, elle fait appel à une démarche essentiellement axée sur l’aide. Elle mise sur un climat de travail empreint d’un respect de la dignité et des droits de chacun. Elle affiche enfin une attitude de confiance à leur endroit, car elle croit en leur capacité d’évoluer positivement.


La nouvelle réhabilitation

Selon l’ASRSQ, réhabiliter pleinement une personne contrevenante, c’est agir à la fois sur les dimensions sociale, communautaire et personnelle de sa condition humaine. Afin que le concept de réhabilitation englobe bien ces trois objectifs, il semblait nécessaire d’en actualiser le sens en ajoutant l’appellation « nouvelle » à celui-ci.

Selon notre perspective, la réhabilitation est l’un des moyens auxquels notre société peut avoir recours pour prévenir la délinquance. À sa façon, elle aide à prévenir la récidive en contribuant à ce qu'il y ait moins de personnes qui fassent appel à nouveau à des comportements délinquants pour rencontrer leurs besoins. La réhabilitation est également l’une des finalités du système de justice criminelle. Elle aide au développement et à l'épanouissement tant des collectivités que des personnes concernées par son action. Enfin, la réhabilitation est un but poursuivi par le système correctionnel. Elle se décline alors à travers la poursuite de trois objectifs soit la (ré)intégration sociocommunautaire, le développement personnel et la réconciliation. Elle participe au développement et à l'épanouissement tant des personnes que des collectivités concernées par son action. Elle invite alors toutes les parties concernées à s'inscrire dans une démarche de développement intégral des personnes contrevenantes et contribue à l'évolution globale de ces personnes.

  

Position de l’ASRSQ

La réhabilitation qui constitue, selon l’ASRSQ, l’assise d’une intervention correctionnelle de qualité est associée à une grande façon de concevoir l’intervention correctionnelle, soit l’approche clinico-professionnelle.

 L'approche générale « clinico- professionnelle » accorde la primauté à l'avancement de la personne dans sa globalité. Dans cette perspective, c'est l'usage privilégié de moyens cliniques et le respect de repères professionnels qui sont sensés conduire au succès. Dans cette approche, la personne contrevenante a un statut de sujet et est soumise à une lecture à la fois objective et multidimensionnelle (bio-psycho-sociale) de sa réalité ce qui donne une connaissance relativement approfondie d'elle. Son caractère professionnel la confronte à une attitude de confiance (prudente) à son endroit. En quête de changement, cette approche rejoint principalement la finalité de réhabilitation du système de justice criminelle. Son objectif est de prévenir une récidive de sa part en cherchant à faciliter son épanouissement à tous les niveaux et ce, via des actions conduisant à sa (ré) intégration sociocommunautaire, son développement personnel et à sa réconciliation. Elle le fait essentiellement à travers une démarche où l'aide intègre le contrôle. Dans un contexte clinico-professionnel, on s'attend à une forme d'engagement de nature humanitaire de la part de l'intervenant fondé sur un altruisme bienveillant (empathie) envers la personne contrevenante. L'intervenant est considéré ici comme étant essentiellement un professionnel.

 


 

La (ré) intégration sociale et communautaire

Pour nous, l’intégration ou la (ré) intégration sociocommunautaire se définit comme « un processus d’adaptation individualisé, multidimensionnel et à long terme qui n’est achevé que lorsque celle-ci participe à l’ensemble de la vie de la société et de la communauté où elle évolue et qu’elle a développé un sentiment d’appartenance à leur égard ».

 

C’est à dessein que l’ASRSQ utilise les concepts d’intégration ou de (ré) intégration sociocommunautaire. Cela permet d’abord de reconnaître que certaines personnes contrevenantes auront à se réintégrer socialement après leur passage dans le système de justice, mais aussi que d’autres auront à effectuer une véritable démarche d’intégration sociale parce qu’elles n’avaient jamais été intégrées auparavant.

Alors que l’insertion ne vise qu’à introduire une personne dans un milieu social donné, l’intégration cherche en plus à créer une interdépendance entre celle-ci et les autres membres d’une collectivité ce qui aide à répondre au besoin d’appartenance des individus concernés.

L’utilisation du terme (ré) intégration sociocommunautaire sous-entend aussi que, non seulement la dimension sociale sera touchée lors du processus, mais que la dimension communautaire le sera tout autant. Dans ce contexte, procéder à l’intégration ou la (ré) intégration sociocommunautaire d’une personne, c’est la mettre en relation non seulement avec les différents circuits sociaux propres à une société donnée, mais aussi avec les différents types de liens qui peuvent s’établir au sein de la communauté humaine – parents, voisins, compagnons de travail, etc..

Le concept de (ré) intégration sociocommunautaire, soulève fondamentalement l’enjeu de l’inclusion et prend à contre-pied celui de l’exclusion. En ce sens, elle concerne aussi un ensemble de personnes qui sont marginales ou marginalisées. Par rapport à notre domaine d’intervention, on peut dire que l’on considère le délit comme un geste de nature conflictuelle qui met en opposition une personne contrevenante avec son environnement sociocommunautaire ce qui provoque une certaine exclusion de cette personne. Il importe alors de l’aider à reconsolider ses relations avec son environnement par le biais d’un processus d’inclusion, un processus de (ré) intégration sociocommunautaire. Il faut dire, que selon l’ASRSQ, le délit est aussi généralement l’indice d’une forme plus ou moins marquée d’exclusion antérieure à sa commission et les raisons de cette exclusion devront également être abordées lors du processus de (ré) intégration.

 

Position de l’ASRSQ

La (ré) intégration sociocommunautaire couvre trois dimensions. La dimension organisationnelle a trait à l’organisation de base de la vie de la personne contrevenante (hébergement, nourriture, vêtements, transport et gestion des finances personnelles). La dimension occupationnelle, quant à elle, est en lien avec les différentes activités de la vie quotidienne (formation, travail, bénévolat et loisirs). Enfin, la dimension relationnelle concerne tant son réseau relationnel (famille d’origine, famille choisie, pairs) que son implication dans la communauté et la société.

L’ASRSQ considère que la (ré) intégration sociocommunautaire devrait être le socle sur lequel devrait reposer l’ensemble d’une démarche de réhabilitation puisqu’elle permet d’amorcer de façon tangible le processus de réhabilitation de la personne contrevenante et qu’elle offre, sur le plan clinique, des ancrages concrets permettant d’actualiser les deux autres objectifs correctionnels que sont le développement personnel – lequel amène la personne contrevenante à devenir digne et libre tout en étant respectueuse de son environnement social et communautaire - et la réconciliation qui permet de mettre un terme au conflit que la personne contrevenante a suscités en commettant son délit.

 

Conclusion

Selon l’ASRSQ, la logique préventive devrait avoir préséance sur la logique curative puisqu’il vaut toujours mieux chercher à « prévenir » qu’à « guérir » un problème. L’ASRSQ est fermement convaincue que la réhabilitation des personnes contrevenantes est la meilleure façon de contribuer au développement et à la protection tant de notre société que de nos communautés. Ainsi, elle devrait être considérée en premier lieu pour tenter de dénouer de façon pacifique les différents conflits tant générés que révélés par leurs actes de délinquance. Elle devrait aussi être au cœur de l’action correctionnelle pour que la personne contrevenante soit invitée à s'épanouir et se réhabiliter pleinement. Finalement, pour l’ASRSQ, la (ré) intégration sociocommunautaire qui est un des objectifs associés à la réhabilitation devrait constituer la trame centrale de cette démarche.

En ce sens, la personne contrevenante en processus de réhabilitation devrait être invitée à  s’intégrer ou à se réintégrer dans la société et la communauté en tant que personne digne, libre et responsable qui vit en paix avec elle-même et son environnement social et communautaire. Ainsi, le développement personnel et la réconciliation devrait venir soutenir et compléter la démarche de (ré) intégration d’un individu. 

Note au lecteur

Cette synthèse est issue des trois textes suivants écrits par M. François Bérard, M. sc. Crim. et DESS adm. Soc., responsable du comité politique de l’ASRSQ au moment de leur rédaction :

 

  • La (ré) intégration sociale et communautaires des personnes contrevenantes : socle de la réhabilitation sociale des personnes contrevenantes, 2015.
  • La nouvelle réhabilitation : fondement d’une action correctionnelle à nouveau progressiste, 2016.
  • La prévention de la délinquance selon une approche à la fois humaniste et progressiste : assise d’une meilleure qualité de vie pour tous, 2016.

 

Ces trois textes sont disponibles dans leur intégralité sur le site internet de l’ASRSQ dans articles et