Revue Porte Ouverte

La Loi sur le système correctionnel du Québec, trois ans plus tard...

Par Pierre Lalande,
Direction des programmes

et Louise Lepage,
Direction du conseil à l’organisation, Direction générale des Services correctionnels

La Loi sur le système correctionnel du Québec : un bilan trois ans plus tard

Introduction

En 2007, la revue Porte ouverte consacrait un numéro spécial à la mise en vigueur de la Loi sur le système correctionnel du Québec (LSCQ). Dresser le bilan dans la même revue, trois ans plus tard, permet aux lecteurs du Porte ouverte de faire le point, de voir où les Services correctionnels en sont rendus et de prendre connaissance de ce qui reste à accomplir.

L’entrée en vigueur de la LSCQ a permis de mettre en place des changements majeurs dans l’administration des sentences au Québec et dans le processus de libération des personnes incarcérées, notamment le resserrement des permissions de sortir1, l’amélioration des outils d’évaluation, l’accès aux renseignements et l’échange d’information, l’accès à des programmes de réinsertion et le partenariat avec les organismes communautaires.

L'implantation de la LSCQ a aussi nécessité l'adoption de trois règlements, d'une vingtaine d'instructions et de procédures administratives, ainsi que d'un décret instituant notamment des quartiers cellulaires pour assurer la garde des personnes purgeant des peines discontinues. Parmi les activités réalisées dans le contexte de l'implantation de la LSCQ, on dénombre aussi de nombreux projets d'immobilisation, des modifications substantielles au système informatique DACOR2, ainsi que plusieurs sessions de formation.

À l’occasion de l’implantation de la LSCQ, les Services correctionnels du ministère de la Sécurité publique (ci-après Services correctionnels) ont également adopté trois documents d’importance qui viennent appuyer leur mandat. Le premier est l’implantation du cadre de gestion de suivi dans la communauté qui établit les standards de suivi des personnes purgeant toute ou une partie de leur peine dans la communauté. Les Services correctionnels ont également adopté en 2007 la Philosophie d’intervention en matière de réinsertion sociale aux services correctionnels du Québec3.

Mentionnons enfin la publication prochaine en 2010 du Plan d’action gouvernemental 2010-2013 pour la réinsertion sociale des personnes contrevenantes. Ce plan, par les mesures qu’il contient, vise notamment une meilleure coordination et une meilleure harmonisation des diverses activités de réinsertion sociale pour les personnes contrevenantes et, par conséquent, une meilleure protection de la société.

Ce plan d’action représente aussi la concrétisation d’ententes entre différents ministères et organismes actifs auprès des clientèles contrevenantes. L’idée est d’assurer une meilleure coordination des interventions des quatre ministères qui ont des responsabilités à l’égard de la réinsertion sociale des personnes contrevenantes. En effet, le ministère de la Sécurité publique et ses partenaires, le ministère de la Santé et des Services sociaux, celui de l’Éducation, du Loisir et du Sport, ainsi que celui de l’Emploi et de la Solidarité sociale, continueront à fournir aux personnes contrevenantes, en fonction de leur mission respective, des programmes, des services de soutien ou encore des traitements spécialisés pour diminuer leur risque de récidive. 

Le bilan de la LSCQ : trois ans après…

Le bilan qui suit résume la situation de l’implantation de la LSCQ au 31 mars 2010. Nous avons tenté de traiter du plus grand nombre de thèmes possible, d’où la nécessité de synthétiser ces résultats.
L’évaluation des personnes contrevenantes

Depuis l’implantation de la LSCQ, les professionnels des Services correctionnels utilisent un outil actuariel d’évaluation appelé Level of Service/Case Management Inventory (LS/CMI) pour la clientèle ayant à purger une peine correctionnelle de 6 mois et plus. En ce qui a trait aux délinquants sexuels, ils sont évalués à l’aide de trois outils (Static-99, Stable-2007 et Aigu-2007) conçus spécifiquement pour ce type de délinquants. Il est à noter que le premier objectif du Plan d’action gouvernemental 2010-2013 pour la réinsertion sociale des personnes contrevenantes est consacré à l’augmentation de la production des évaluations des personnes contrevenantes dans les délais prescrits par le Plan stratégique 2008-2013 du ministère de la Sécurité publique4.

Échange de renseignements

Le 20 avril 2003, soit bien avant l’implantation de la LSCQ, est entrée en vigueur une entente administrative permettant aux Services correctionnels d'échanger de l'information avec le Service correctionnel du Canada (SCC). Les Services correctionnels consultent le SGD (système de gestion des délinquants du SCC) pour toute personne condamnée à une peine de six mois et plus à purger en détention ou dans la communauté, les personnes contrevenantes présentant un risque documenté, les personnes reconnues coupables et pour lesquelles un rapport présentenciel est demandé ainsi que pour toute autre personne lorsqu'il existe un besoin particulier nécessitant l'obtention de renseignements du SCC.

Partage et échange d’information

En vertu de la LSCQ, les Services correctionnels fournissent quotidiennement au Centre de renseignements policiers du Québec (CRPQ) les données de DACOR concernant les permissions de sortir et les libérations conditionnelles.

Des clauses d’échange d’information figurent également dans les accords de partenariat pour prévoir l’échange de renseignements entre les organismes communautaires et les services correctionnels. Une procédure administrative intitulée « Transmission des renseignements sur les personnes contrevenantes aux organismes communautaires », entrée en vigueur le 15 janvier 2007, a fait l’objet d’une mise à jour le 20 mai 2009.

Les remises en liberté

La LSCQ a permis de clarifier le partage des responsabilités entre la Commission québécoise des libérations conditionnelles (CQLC) et les Services correctionnels dans la mise en œuvre d’un régime de remise en liberté plus rigoureux, transparent et cohérent. 

Pour 2008-2009, soit la deuxième année complète suivant l’implantation de la LSCQ, le pourcentage5 de personnes en permission de sortir aux fins de réinsertion sociale (peines de moins de six mois) octroyée par les Services correctionnels a diminué par rapport à 2007-2008, passant de 10,6 % à 8,1 %. Pour la même période et pour les permissions de sortir préparatoires à la libération conditionnelle (peines de six mois et plus) octroyées par la CQLC, le pourcentage a également diminué, passant de 2,2 % à 1,86 %. 

En ce qui a trait à la libération conditionnelle, pour la même période, on observe des taux d’octroi de 44,0 % et 45,6 % respectivement pour les années 2007-2008 et 2008-2009. Le taux d’octroi était de 53,3% pour l’année 2006-2007.

Suivi dans la communauté

Le Cadre de gestion du suivi des personnes contrevenantes dans la communauté a été implanté en 2007. Ce cadre de gestion établit les standards de suivi de la clientèle en fonction du risque de récidive qu’elle représente, ainsi que la répartition des activités de suivi entre les différents intervenants, soit les agents de probation, les agents des services correctionnels et les intervenants communautaires, et ce, en fonction des besoins définis lors de l’évaluation. Le cadre de gestion est accompagné de quatre guides d’application relatifs aux quatre mesures suivantes : permission de sortir, libération conditionnelle, ordonnance d’emprisonnement avec sursis et ordonnance de probation avec surveillance.
Relations avec les partenaires communautaires

Les Services correctionnels financent, par l’entremise d’un accord de partenariat en matière d’hébergement dans la communauté, 22 centres résidentiels communautaires (CRC) et 3 centres d’hébergement communautaires (CHC), pour un total d’environ 315 places.

Depuis l’implantation de la LSCQ, les Services correctionnels ont signé une quarantaine d’accords de partenariat avec 35 organismes communautaires pour environ 8 000 dossiers de suivi dans la communauté. Les Services correctionnels prévoyaient leur confier une cible de 52 % des activités de suivi dans la communauté. Au 9 mars 2010, 49,1 % avaient été confiées aux organismes communautaires.

Programmes et services de soutien à la réinsertion sociale

À la demande des Services correctionnels, un programme correctionnel a été conçu par le Centre international de criminologie comparé de l’Université de Montréal. Implanté graduellement dans tous les établissements de détention du Québec à partir de juin 2007, le programme Parcours vise la prise de conscience, la responsabilisation et la motivation à changer des personnes contrevenantes.

Une collecte d’information sur les programmes et services en établissement de détention indique que tous les établissements offrent des programmes de soutien à la réinsertion sociale (ex. : alcoolisme, toxicomanie, formation scolaire, employabilité, etc.)

Des protocoles d’ententes ont été renouvelés entre le ministère de la Sécurité publique (MSP) et le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport ainsi qu’entre le MSP et le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale. Signalons également que l’Établissement de Percé, qui est ouvert depuis mai 2010, propose un programme d'intervention unique au Québec auprès de délinquants sexuels. Ce programme d’évaluation et de traitement est offert par une équipe multidisciplinaire sous la responsabilité du ministère de la Santé et des Services sociaux.

Information aux victimes

Dans chacun des établissements de détention, une personne a été désignée pour communiquer de l’information aux victimes. Une ligne téléphonique provinciale est aussi disponible. Sur cette ligne sans frais, du 1er avril 2009 au 31 mars 2010, la Direction générale des services correctionnels a traité : 
852 demandes de renseignements ou de représentations écrites;
416 appels téléphoniques sur la ligne téléphonique sans frais mise en place à l’intention des victimes.

Recherche en matière correctionnelle

La Direction de la recherche (DR) aux Services correctionnels est composée d’une directrice, de quatre professionnels et d’un technicien. Depuis son implantation en 2007, la DR a signé plusieurs contrats de recherche avec des partenaires du milieu universitaire. Des profils de la clientèle seront prochainement publiés, soit un profil général de la population correctionnelle du Québec, un sur les gangs de rue, un autre sur les prévenus, sur les contrevenants autochtones et sur les femmes contrevenantes.

Dossier informatisé

Jusqu’ici, le gouvernement du Québec a fait l’acquisition des systèmes JUSTIN et CORNET de la Colombie-Britannique. Le système JUSTIN, renommé JuLien pour le Québec, inclut les activités des services judiciaires et celles du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), alors que le système CORNET, appelé maintenant Sentinelle, porte sur les activités des Services correctionnels. Des travaux ont été effectués et se poursuivent en vue d’adapter ces systèmes pour les besoins du Québec. Ces deux systèmes seront éventuellement implantés dans chacun des services de justice, dans l’ensemble du réseau des Services correctionnels, y compris la CQLC, et dans tous les bureaux du DPCP. Plus concrètement, l’intégration de ces deux systèmes permettra d’accéder rapidement à une information plus complète, dans tout le système de justice en temps réel.

Conclusion

Tel est le bilan de l’implantation de la Loi sur le système correctionnel du Québec après un peu plus de trois ans. Elle a permis d’atteindre certains objectifs favorisant un certain équilibre entre l’encadrement des contrevenants, le respect des décisions des tribunaux et la réinsertion sociale.

Maintenant, il faut soulever la question de l’apport de l’implantation de la LSCQ pour les Services correctionnels. Certes, c’est beaucoup de travail, de changements et d’ajustements dans les pratiques quotidiennes. Bien sûr, on ne saurait passer sous silence le fait de bénéficier d’une organisation plus crédible, mais aussi beaucoup plus fière. Au fond, les Services correctionnels ont tout de même été en nomination en 2007 pour le prix d’excellence Fonction publique québécoise en raison de l’implantation de la Loi sur le système correctionnel du Québec. Or, la question qui doit être soulevée est : qu’est-ce que la population a gagné trois ans plus tard avec cette nouvelle loi? Outre l’implantation d’un régime plus rigoureux, plus transparent et plus cohérent d’administration des peines, la population a aussi gagné en sécurité parce que les Services correctionnels se sont donné les outils nécessaires pour continuer, de concert avec leurs partenaires, à contribuer de plus en plus à une meilleure protection de la société.


 1 Rappelons que l’on a assisté par la suite à une diminution importante du nombre de personnes en permission de sortir.

2 Dossier administratifs correctionnels.

3 Philosophie d’intervention en matière de réinsertion sociale aux Services correctionnels du Québec. http://www.securitepublique.go... Voir le numéro spécial de Porte ouverte sur la LSCQ, volume XIX, numéro 3, 2007, p. 8-9.

4 Québec (2008). Plan stratégique 2008-2011. Un milieu de vie sécuritaire propice au développement social et économique de la société québécoise. Québec : ministère de la Sécurité publique, 35 pages. http://www.securitepublique.go...
plan_strategique_2008-2011.pdf

5 Calculé sur le nombre moyen quotidien de personnes inscrites à une peine continue.

6 Source : Infocentre correctionnel.