Revue Porte Ouverte

La Loi sur le système correctionnel du Québec, trois ans plus tard...

Par Entrevue avec Sylvie Corbeil,
Co-directrice liaison et qualité, Agence communautaire Maisonneuve

et David Henry,
ASRSQ

Vers de meilleures pratiques.

Pour Sylvie Corbeil, la mise en application de la LSCQ c’était vraiment la reconnaissance du professionnalisme et de l’expérience des organismes communautaires dans le domaine de la réinsertion sociale. Elle qui travaille depuis plus de 15 ans dans le secteur communautaire, garde toute cette énergie et cette volonté d’innover qui fait la force de ce milieu. La Corporation Charlemagne qui regroupe le CRC Maison Charlemagne (clientèle provinciale), la Résidence Madeleine-Carmel (clientèle fédérale) et l’Agence communautaire Maisonneuve (suivi dans la communauté) avait déjà une certaine expérience du suivi en communauté puisque dès 1998, celle-ci offrait ce service auprès de 64 contrevenants. Mais en 2007 avec la LSCQ, il a fallu faire face au transfert massif des dossiers : plus de 300 contrevenants allaient désormais être suivis par l’Agence. « Il a donc fallu trouver d’autres locaux plus grands et former cinq nouveaux intervenants, c’était une période très stimulante… D’ailleurs, la plupart des intervenants travaillaient déjà au CRC et avaient donc une bonne expérience de la clientèle » rapporte Mme Corbeil. Elle ajoute par ailleurs que la majorité des intervenants formés travaillent encore aujourd’hui pour l’organisme. L’équipe est donc composée de diplômés universitaires qui possèdent une solide expérience de la clientèle. Des contrôles de qualité, de la formation continue et du soutien clinique viennent également compléter les pratiques du milieu. Qui peut encore prétendre que le milieu communautaire emploie du personnel sous-qualifié?

Au niveau des services offerts, l’Agence privilégie des interventions individuelles selon les principes de la thérapie de la réalité et de nature psychosociale. Les services sont offerts le jour et le soir, en alternance, pour faciliter les activités de réinsertion sociale des contrevenants. De plus, les visites au domicile du justiciable sont privilégiées afin de connaître son milieu de vie et de pouvoir favoriser l’implication des personnes-ressources. Finalement, le suivi dans la communauté se traduit aussi par l’accompagnement du contrevenant vers des ressources de son quartier, spécialisées ou non. 

« C’est sûr que des ajustements sont nécessaires notamment au niveau de la charge de travail puisqu’elle a augmenté avec l’utilisation de l’outil actuariel qui impose une rigidité quant à la fréquence de rencontre selon le niveau de risque et de besoin du contrevenant. Mais le LS/CMI est un outil utile dans notre pratique quotidienne et sa pertinence n’est pas remise en question. Il faut néanmoins s’interroger : est-ce qu’une fréquence de rencontre plus élevée assure nécessairement une meilleure sécurité du public ? » se demande-t-elle.

Selon Mme Corbeil, l’outil actuariel devrait permettre de dresser un portrait plus précis des contrevenants au Québec et devrait donc permettre de mieux cibler les besoins réels. « Il faudrait également procéder à des ajustements sur le terrain, en s’interrogeant sur la pertinence de certains outils de travail comme le registre d’avancement  dans le système ERB » soutient-elle.

Pour Sylvie Corbeil, l’application de la Loi devrait privilégier la réinsertion sociale pour assurer la sécurité de la communauté. Elle s’empresse d’ajouter que dans certains cas, la détention est bien entendu nécessaire mais il faut savoir séparer le bon grain de l’ivraie. Ainsi, environ 30% des personnes condamnées à une sentence de sursis, suivies dans la communauté par l’Agence ne possèdent pas d’antécédent judiciaire. Ces personnes possèdent souvent un réel potentiel de réinsertion et sont la plupart du temps disposées à remettre en question leur agir délictuel en déployant des actions concrètes de réinsertion sociale. « C’est important qu’elles soient suivies et encadrées dans la communauté plutôt que condamnées à une sentence de détention. Plutôt que d’évoluer dans un milieu négatif, elles peuvent s’impliquer à profit dans la communauté en maintenant leurs responsabilités familiales, en travaillant, en payant des taxes et atténuer leurs difficultés en consultant en thérapie, etc. ».

Selon Sylvie Corbeil, même si la LSCQ a eu des répercussions positives (utilisation de l’outil actuariel, uniformisation des pratiques de travail tout en gardant les spécificités de chaque ressource, détermination des rôles de chaque acteur), il est important de privilégier l’amélioration continue des pratiques de travail en consultant tous les acteurs impliqués de façon à mieux servir la communauté et à la fois répondre aux besoins du contrevenant.