Revue Porte Ouverte

La Loi sur le système correctionnel du Québec, trois ans plus tard...

Par Me Marie-Andrée Trudeau,
Présidente de la Commission québécoise des libérations conditionnelles

et Me David Sultan,
Vice-président de la Commission québécoise des libérations conditionnelles

La permission de sortie préparatoire à la libération conditionnelle : trois ans plus tard

Mandat de la Commission québécoise des libérations conditionnelles

La Commission québécoise des libérations conditionnelles est une instance décisionnelle instituée par la Loi sur le système correctionnel du Québec (LRQ, c.S-40,1) et assujettie à la Loi sur la justice administrative (LRQ c.J-3). Elle contribue à la protection de la société tout en favorisant la réinsertion sociale graduelle et sécuritaire des personnes contrevenantes. Conformément à la Loi, elle prend ses décisions en tenant compte de tout renseignement nécessaire au sujet des personnes contrevenantes.

La Commission décide en toute indépendance et impartialité, avec la participation de membres issus de la communauté, des permissions de sortir préparatoires à la libération conditionnelle, des permissions de sortir pour visite à la famille et de la libération conditionnelle des personnes incarcérées dans un établissement de détention pour une peine de six mois et plus.

Toutes ces formes de mise en liberté sous condition constituent un privilège et non un droit. En effet, si la personne contrevenante ne respecte pas les obligations qui lui ont été imposées, sa mise en liberté sous condition sera suspendue, voire révoquée, et elle sera, de ce fait, réincarcérée.

La Commission exerce les responsabilités qui lui échoient dans le respect des décisions rendues par les tribunaux et des lois qui lui sont applicables. En fait, la mise en liberté sous condition ne change pas la peine d’incarcération prononcée par le tribunal, elle ne fait qu’en déterminer les modalités d’application.

La personne contrevenante qui se voit octroyer une mise en liberté sous condition doit respecter les conditions imposées par la Commission.

Données historiques

Jusqu’à l’entrée en vigueur de la Loi sur le système correctionnel du Québec le 5 février 2007, la Loi favorisant la libération conditionnelle des détenus et la Loi sur les services correctionnels, déterminaient les mandats respectifs des Services correctionnels du Québec et de la Commission québécoise des libérations conditionnelles.

La Loi sur les services correctionnels prévoyait que le détenu pouvait bénéficier d’absences temporaires pour motifs humanitaire, médical ou de réinsertion sociale. Ainsi, le directeur d’un établissement de détention pouvait lui permettre, aux conditions qu’il déterminait, de s’absenter temporairement de l’établissement de détention. Le détenu était alors admissible à l’absence temporaire pour motif de réinsertion sociale s’il avait purgé le sixième de la peine d’emprisonnement imposée par le tribunal. Il cessait de l’être lorsqu’il devenait admissible à la libération conditionnelle, Le directeur général pouvait également, pour des raisons humanitaires, autoriser le détenu à s’absenter temporairement, et ce quelle que soit la durée de son emprisonnement.

La Loi favorisant la libération conditionnelle des détenus prévoyait quant à elle, que la Commission exerçait ses compétences à compter du tiers de la peine d’emprisonnement prononcée par le tribunal et donc, ne se prononçait que dans le cadre d’une libération conditionnelle. Elle agissait également en appel des décisions de refus par le directeur du Centre de détention, d’accorder une absence temporaire pour motif de réinsertion sociale.

A la suite du décès de Alexandre Livernoche, en août 2000, le ministre de la Sécurité publique de l’époque, M. Serge Ménard, confiait à M. Claude Corbo, le mandat d’effectuer « une analyse complète et détaillée du processus décisionnel menant à l’élargissement en milieu ouvert ou en absence temporaire et à la libération conditionnelle des personnes contrevenantes sous la responsabilité de la Direction générale des services correctionnels du ministère2 ».

En avril 2001, M. Corbo déposait un rapport intitulé « Pour rendre plus sécuritaire un risque nécessaire », lequel comprenait soixante-treize recommandations qui étaient guidées par cinq idées directrices, « susceptibles d’instaurer une cohérence nécessaire dans l’effort pour bonifier et rendre plus sécuritaires les mécanismes décisionnels d’élargissement et l’encadrement des personnes contrevenantes3 ».

  1. Primauté de la réhabilitation et de la réinsertion sociale
  2. Normes régulatrices de la réhabilitation et de la réinsertion sociale
  3. Une responsabilité collective partagée
  4. La rigueur méthodologique
  5. Le principe de compétence

Dans son rapport, M. Corbo affirmait : « (…) la justice serait mieux servie si une seule autorité, indépendante, quasi-judiciaire, assujettie à des normes procédurales exigeantes, assumait la responsabilité d’intervenir dans le cheminement de personnes condamnées aux peines les plus importantes (…) et qui représentent un risque plus important pour la sécurité de la population4 ». L’ensemble des recommandations visaient essentiellement à favoriser une réinsertion graduelle et plus sécuritaire des personnes contrevenantes dans la communauté.

La loi sur le système correctionnel du Québec

La Loi sur le système correctionnel du Québec adoptée à l’unanimité le 13 juin 2002 par l’Assemblée nationale, est entrée en vigueur le 5 février 2007. Cette loi s’inspire fortement du rapport de M. Corbo et énonce d’importantes modifications par rapport à l’ancien régime législatif. La Commission retient pour sa part, quatre éléments essentiels qui sont venus modifier son mandat et ses pratiques:

La création du programme de sortie préparatoire à la libération conditionnelle au sixième de la peine.5

Ce programme qui dans les faits, est venu remplacer l’absence temporaire pour motif de réinsertion sociale, est confié à la Commission qui doit, conformément à l’article 136, statuer sur toute demande de permission de sortir préparatoire à la libération conditionnelle formulée par une personne contrevenante.

La création du programme de sortie pour visite à la famille6

La gestion de ce programme confié à la Commission, permet à une personne contrevenante qui a fait l’objet d’une décision de refus, de révocation ou de cessation de sa libération conditionnelle, de demander à la Commission de lui permettre une sortie pour visiter sa famille pour une période ne dépassant pas 72 heures.

Le contenu du dossier7

La Loi sur le système correctionnel du Québec énonce clairement la nécessité pour les Services correctionnels de transmettre à la Commission les éléments énumérés à l’article 19, et la nécessité pour la Commission de tenir compte de tous ces éléments aux fins de rendre une décision éclairée dans le cadre l’étude du dossier de la personne contrevenante qui désire bénéficier d’une mesure quelconque de liberté sous condition.

Les victimes8

Le chapitre V de la Loi institue de nouvelles responsabilités tant pour la Commission que pour les Services correctionnels en ce qui a trait aux victimes. Ainsi, une victime de violence conjugale, de pédophilie ou d’agression sexuelle, doit être tenue informée à divers stades de la peine d’un contrevenant, des modalités de sa remise en liberté sous conditions le cas échéant. Par ailleurs, toutes les victimes peuvent transmettre des représentations écrites concernant l’octroi à une personne contrevenante d’une mesure de liberté sous condition.

La permission de sortie préparatoire à la libération conditionnelle

Conformément à la Loi, un contrevenant est admissible, sur demande, à une sortie préparatoire à la libération conditionnelle, lorsqu’il a purgé à tout le moins le sixième d’une peine de six mois ou plus. Cette sortie préparatoire à la libération conditionnelle constitue une étape dans le cheminement de la personne contrevenante; elle contribue à sa préparation à une éventuelle libération conditionnelle.

L’étude de la demande de sortie préparatoire à la libération conditionnelle ne se fait pas sur dossier et la Loi sur le système correctionnel du Québec ne prévoit aucun octroi automatique selon le profil de la personne contrevenante ou en fonction d’une quelconque catégorie de délits. La personne contrevenante qui a présenté une demande de sortie préparatoire à la libération conditionnelle, est systématiquement rencontrée en audience par la Commission qui doit impérativement tenir compte de certains critères dans le cadre de son processus décisionnel de même que des motifs pour lesquels elle peut accorder une telle permission à une personne contrevenante.

Par ailleurs, et contrairement à la libération conditionnelle dont la période de l’octroi s’étend en principe, de la date du tiers de la peine jusqu’au trois tiers, la Loi prévoit que dans le cas de la sortie préparatoire à la libération conditionnelle, la Commission ne peut accorder une telle mesure que pour un maximum de 60 jours9. Passé le délai déterminé par elle, la Commission « (…) peut renouveler la mesure après examen du dossier et dans la mesure où la personne contrevenante a respecté les conditions établies, s’est conduite de façon satisfaisante et si aucun fait nouveau n’en empêche la poursuite ou ne justifie un refus de renouvellement10 ».

Les Données statistiques

Conformément à la Loi sur le système correctionnel du Québec, toute personne contrevenante purgeant une peine de plus de 6 mois dans un établissement de détention provincial, est admissible à une sortie préparatoire à la libération conditionnelle.

Le tableau 1 présente pour les trois dernières années, un comparatif entre le nombre de personnes théoriquement admissibles à une permission de sortie préparatoire à la libération conditionnelle et le nombre de demandes reçues par la Commission dans le cadre de ce programme.

Le tableau 2 trace un portrait global des activités de la Commission depuis la mise en vigueur de la mesure de permission de sortir préparatoire à la libération conditionnelle, soit depuis le 5 février 2007.

Données relatives à la PSPLC et à la libération conditionnelle

La grande majorité des demandes reçues par la Commission dans le cadre d’une demande de PSPLC, sont entendues et font l’objet d’une décision d’octroi ou de refus à la suite d’une étude rigoureuse du dossier conformément à l’article 19 de la Loi puis, d’une audience. Dans le cas de la mesure de libération conditionnelle, une personne contrevenante est automatiquement admissible et il arrive dans de nombreux cas, qu’elle choisisse de renoncer à la mesure.

Les tableaux 3 et 4 qui suivent présentent une répartition des données relatives à la permission de sortie préparatoire à la libération conditionnelle et à la libération conditionnelle. A noter que la tendance au cours des deux dernières années vient confirmer que, du nombre de demandes reçues par la Commission dans le cadre du programme de permission de sortie préparatoire à la libération conditionnelle, une majorité se soldent par un octroi. Cela s’explique en partie par le fait que la Loi prévoit que pour se prévaloir d’une sortie préparatoire à la libération conditionnelle à partir du sixième de la peine, la personne contrevenante doit en faire une demande par écrit qui doit être appuyée d’un plan de sortie actualisé comprenant, entre autres, une série de documents et d’initiatives démontrant le sérieux de la démarche par la personne contrevenante.

Les données tirées du Rapport annuel de gestion 2007-2008 indiquent que pour la première année complète d’activité dans le cadre du programme de permission de sortie préparatoire à la libération conditionnelle, le taux d’absence de récidive se situait à 99,69 %. En chiffres réels, des 319 personnes contrevenants ayant bénéficié d’une sortie préparatoire à la libération conditionnelle en 2007-2008, 300 d’entre-elles l’ont complété sans qu’aucun bris de condition et sans qu’aucune récidive ne soient enregistrés. 18 personnes contrevenantes ont enregistré un ou plusieurs bris de conditions (5,64 %) alors que seule une personne contrevenante a récidivé (0,31 %) pendant sa permission de sortie préparatoire à la libération conditionnelle.

Les données tirées du Rapport annuel de gestion 2008-2009 viennent clairement confirmer cette tendance qui pour une deuxième année de suite, présente des données similaires. Ces données indiquent que le taux d’absence de récidive en permission de sortir préparatoire à la libération conditionnelle a été de 99,66 %. En chiffres réels, des 288 personnes contrevenantes ayant bénéficié d’une permission de sortir préparatoire à la libération conditionnelle en 2008-2009, 268 d’entre-elles l’ont complété sans qu’aucun bris de condition et sans qu’aucune récidive ne soient enregistrés. 19 personnes contrevenantes ont enregistré un ou plusieurs bris de conditions (6,59 %) alors que seule une personne contrevenante a récidivé (0,34 %) pendant sa permission de sortie préparatoire à la libération conditionnelle.

À noter que les statistiques démontrent clairement que depuis l’introduction de la mesure de permission de sortie préparatoire à la libération conditionnelle, les taux de récidive sont excessivement faibles (0,34 %) et (0,31 %). La même constatation s’applique à la libération conditionnelle alors que les taux d’absence de récidive se situaient en 2007-2008 à 98,6 % et en 2008-2009, à 97,6 %.

Les demandes de permission de sortir préparatoires à la libération conditionnelle

Depuis la mise en vigueur de la mesure de permission de sortir préparatoire à la libération conditionnelle, la Commission reçoit un volume de demandes correspondant à 1\7ème13 du nombre de personnes admissibles à cette mesure.

Des demandes reçues par la Commission dans le cadre du programme de la PSPLC, les dispositions de la Loi sur le système correctionnel du Québec produisent visiblement d’excellents résultats dans la mesure où les statistiques démontrent depuis la mise en vigueur de la Loi, que les personnes contrevenantes qui bénéficient d’une telle mesure, connaissent généralement un cheminement qui s’inscrit dans l’esprit des deux priorités identifiées par le législateur, soit : la protection de la société et la poursuite de la réinsertion sociale des personnes contrevenantes14.


1 Tiré du rapport de la commission québécoise des libérations conditionnelles, en vertu de l’article 200 de la loi sur le système correctionnel du québec

1 26 septembre 2000, Communiqué de presse du ministre de la sécurité publique

3 CORBO, Claude, Pour rendre plus sécuritaire un risque nécessaire, 30 avril 2001, (page 167)

4 CORBO, Claude, Pour rendre plus sécuritaire un risque nécessaire, 30 avril 2001 (page 202)

5 Articles 135 et suivants, Loi sur le système correctionnel du Québec

6 Articles 140 et suivants, Loi sur le système correctionnel du Québec

7 Article 19, Loi sur le système correctionnel du Québec

8 Articles 173 et suivants, Loi sur le système correctionnel du Québec

9 Article 137, Loi sur le système correctionnel du Québec

10 Article 138, Loi sur le système correctionnel du Québec

11 Nombre de demandes reçues en PSPLC, incluant les décisions de renouvellement d’une telle mesure déjà en vigueur.

12 Révisions, audiences post-suspensions

13 La clientèle admissible à l’une ou l’autre mesure de libération sous condition s’établit à 3558. De ce chiffre 507 personnes admissibles se sont prévalues d’une demande de permission de sortir préparatoire à la libération conditionnelle, soit 1\7ème de la population carcérale éligible. Les données relatives à la permission de sortir préparatoire à la libération conditionnelle, révèlent que sur un total de 801 décisions, 507 d’entre-elles ont fait l’objet d’un octroi ou un refus suite à une demande d’audience. Les autres données résultent d’étapes subséquentes à ces demandes initiales d’audience. En effet, les reports, les renouvellements, les révisions et les audiences post-suspension, constituent des procédures qui en tant que tel, découlent nécessairement des demandes initiales.

14 Voir l’article 2, Loi sur le système correctionnel du Québec