Revue Porte Ouverte

La Loi sur le système correctionnel du Québec, trois ans plus tard...

Par Anne Simard,
Directrice générale du CRC Le Pavillon

et David Henry,
ASRSQ

Pour rendre plus sécuritaire un risque nécessaire

C’est ainsi qu’en avril 2001, Claude Corbo intitulait son rapport d’examen du processus décisionnel et des modalités d’encadrement entourant l’élargissement des personnes contrevenantes relevant des Services correctionnels du Québec. Cette enquête avait été commandée par le ministre de la Sécurité publique du Québec à la suite de la tristement célèbre « affaire Livernoche ».

Rappelons que le 4 août 2000, Alexandre Livernoche un garçon de 13 ans, était enlevé près de chez lui, à Sorel-Tracy puis retrouvé mort cinq jours plus tard. Il avait été agressé sexuellement et enterré dans une sablière par Mario Bastien, qui bénéficiait au moment des événements d’une libération anticipée dans le cadre d’un processus correctionnel provincial. L'affaire allait devenir encore plus scabreuse à la divulgation du parcours judiciaire de l'assassin, Mario Bastien. Cette triste affaire a mis en lumière certaines lacunes, dont le manque de communication, entourant la gestion des personnes contrevenantes sous juridiction provinciale.

C’est à la lumière du rapport Corbo, inspirant et éloquent, que fût adoptée en 2002, par l’Assemblée nationale du Québec, la Loi 89 sur le système correctionnel c’est-à-dire, la Loi sur le système correctionnel du Québec (LSCQ). Ce n’est toutefois que quatre ans plus tard qu’elle fût graduellement mise en opération.

La LSCQ avait pour objectifs essentiels d’assurer une meilleure évaluation des personnes contrevenantes, de favoriser davantage leur réinsertion sociale tout en s’assurant d’une meilleure protection de la société. Plus précisément, l’implantation de la LSCQ visait :

  • Une meilleure évaluation des risques et des besoins des personnes confiées aux SCQ;
  • Une cueillette de renseignements plus complète et mieux partagée entre les partenaires correctionnels;
  • Un régime rigoureux, transparent et cohérent de remise en liberté des personnes incarcérées;
  • Un soutien accru à la réinsertion sociale en collaboration avec les ressources de la communauté;
  • L’amélioration de la crédibilité du système correctionnel.

Pour procéder à une meilleure évaluation des contrevenants, le ministère de la Sécurité publique décida alors d’utiliser un outil actuariel le Level of Service/Case Management Inventory (LS/CMI) pour évaluer systématiquement tous les contrevenants confiés aux SCQ. Le LS/CMI est un outil conçu par des chercheurs en Ontario et a été adapté pour les SCQ. L’évaluation du risque, des besoins et de la réceptivité des contrevenants sont à la base de cet outil. Il impose une fréquence de rencontre avec l’agent de probation ou l’intervenant communautaire déterminée, selon le niveau de risque et de besoins du contrevenant.

La LSCQ allait également avoir un impact important sur la Commission québécoise des libérations conditionnelles (CQLC) puisque les règles de pratique de remise en liberté allaient être passablement modifiées. Cette Loi donnait un rôle de premier plan à la CQLC dans le système de remise en liberté. Elle retirait également certains pouvoirs discrétionnaires accordés aux directeurs d’établissement de détention en essayant de rationaliser le système de libérations conditionnelles. La mesure d’absence temporaire tant décriée dans le livre d’Yves Thériaut, Tout le monde dehors!, devenait donc chose du passé.

Finalement, cette nouvelle Loi est aussi venue officialiser la contribution traditionnelle de la communauté à sa mission, principalement celle des organismes communautaires reconnus par le ministère de la Sécurité publique pour leur expertise en matière de justice pénale. C’est ainsi qu’une grande partie des membres de l’ASRSQ sont devenus, par la Loi, des partenaires des Services correctionnels québécois pour répondre conjointement et en complémentarité, à ce souhait de Claude Corbo de rendre plus sécuritaire ce risque, nécessaire au traitement de la délinquance, que représente l’affranchissement graduel des personnes contrevenantes. Trois ans après la mise en application de la Loi, les différents acteurs concernés sont donc à même de dresser un premier bilan. Le système de libérations conditionnelles est-il plus efficace? La communauté est-elle mieux protégée? La réinsertion sociale des personnes contrevenantes est-elle plus efficace? Autant de questions auxquelles il faudra trouver des réponses…