Revue Porte Ouverte

La Loi sur le système correctionnel du Québec, trois ans plus tard...

Par Entrevue avec Daniel Bellemare,
Directeur de la Maison Radisson et président du comité provincial de l’ASRSQ

et David Henry,
ASRSQ

Le temps de la désillusion?

Trois ans après la mise en application de la Loi sur le système correctionnel du Québec (LSCQ), Daniel Bellemare dresse un constat mitigé de l’expérience. L’enthousiasme présent au moment de l’implantation de la Loi en 2007 (voir volume XIX, numéro 3 du Porte ouverte) laisse aujourd’hui place au doute, voire au désenchantement. « La LSCQ est une bonne loi, elle apportait des modifications essentielles pour assurer une meilleure sécurité du public et confiait un rôle de premier plan aux organismes communautaires dans la réinsertion sociale des contrevenants » selon M. Bellemare. Les difficultés ne proviennent pas de la Loi mais bien de sa mise en application. Il constate qu’actuellement celle-ci « demeure toujours dans une phase d’implantation, il n’y a pas de volonté de mettre les ressources nécessaires pour pouvoir l’appliquer de la manière convenue ». 

Les changements organisationnels et culturels induits par la LSCQ ont eu des répercussions sur plusieurs organisations tant au niveau des services correctionnels du Québec, de la Commission québécoise des libérations conditionnelles (CQLC) que des organismes communautaires partenaires. « En 2007, personne ne pouvait réellement prévoir l’évolution de la mise en application de la Loi, c’est pourquoi des mécanismes de révision étaient prévus pour procéder à des ajustements au fur et à mesure de l’implantation. Ces mécanismes n’ont pas été utilisés mais des ajustements sont essentiels pour permettre aux organismes communautaires de continuer d’offrir des services de qualité ». 

C’est complètement faux et illusoire de penser que le public sera en sécurité avec ces pratiques.

La LSCQ devait permettre une meilleure évaluation des délinquants via l’outil actuariel (LS/CMI) pour mieux les orienter selon leurs besoins. Or, selon Daniel Bellemare, la tendance actuelle est de garder les contrevenants en détention plutôt que de favoriser leur réinsertion sociale en privilégiant des formes de suivi dans la communauté. « C’est complètement faux et illusoire de penser que le public sera en sécurité avec ces pratiques. La réalité c’est que les contrevenants ont peu d’accès à des programmes en prison et que les sentences étant relativement courtes (en moyenne six mois) le public est protégé de façon très temporaire. Le meilleur moyen d’assurer la protection de la communauté à long terme est de développer le suivi dans la communauté des contrevenants pour leur permettre de réintégrer efficacement la société ». Il constate d’ailleurs que la mise en application de la Loi a eu pour résultat de diminuer le nombre de contrevenants référés en maisons de transition. Ainsi, la Loi devait favoriser la réinsertion sociale des contrevenants mais dans les faits, ceux-ci restent incarcérés un petit peu plus longtemps et sortent alors sans aucune forme de suivi. « C’est le genre de société qui me fait peur : l’emprisonnement sans forme d’encadrement à la sortie n’est pas le moyen de créer une société paisible et plus sûre ».

Si la réinsertion sociale n’est plus qu’un mot sans signification, s’il n’y a plus de volonté politique pour soutenir ce principe et si les ressources allouées continuent d’être régulièrement amputées, « il ne serait pas étonnant que certains organismes décident d’arrêter d’offrir certains services non pas parce qu’ils ne veulent plus les donner mais bien parce qu’ils ne peuvent plus les donner ». Selon Daniel Bellemare tous les organismes ne sont pas dans une situation financière si précaire mais certains seraient tout de même proches du point de rupture. Le transfert massif de cas de suivi dans la communauté confiés au secteur communautaire a amené des investissements importants tant sur le plan matériel que sur le plan humain. « Certains organismes sont aujourd’hui à bout de souffle et voient leur financement diminué, alors que le besoin de services est présent parmi les contrevenants », de résumer Daniel Bellemare.

En conclusion, il est important de souligner que la Loi est peut-être encore dans une phase d’implantation. Selon Daniel Bellemare, il s’agit donc d’effectuer certains ajustements pour améliorer son fonctionnement. Dans ces conditions, le partenariat entre toutes les organisations concernées est plus important que jamais pour faire de cette réforme un succès…