Revue Porte Ouverte

Regards croisés autour des pratiques d'intervention communautaire

Par Éloïse Meunier,
Chargée de projet, ASRSQ

Synthèse des ateliers du 6 novembre 2012

En 2011, à l'aube du 50e anniversaire de l'ASRSQ, un comité de travail a été mis en place ayant pour mandat d'effectuer une réflexion sur les pratiques d'intervention au sein des organismes communautaires œuvrant auprès des personnes contrevenantes. Cet exercice rigoureux devait servir, entre autres, à poser la question suivante à l'ensemble du réseau : «Après 50 ans d'intervention auprès des personnes judiciarisées, comment se positionne le réseau communautaire à l'égard de ses pratiques d'intervention?» Il s'agissait de définir de quelle façon le réseau communautaire se distingue des milieux institutionnels en matière d'intervention.

Suite à plusieurs sessions de réflexions et consultations auprès des membres de l'ASRSQ, un rapport a été déposé au conseil d'administration de l'ASRSQ en mai 2012, par le comité de travail. Afin de donner suite à ce document et permettre aux membres de réagir au contenu du rapport, l'ASRSQ a organisé une journée de réflexion, le 6 novembre 2012, regroupant l'ensemble de ses membres. Des ateliers ont été formés, portant sur chacun des quatre grands thèmes du rapport soit la spécificité de l'intervention communautaire, le partage de la responsabilité légale et clinique, les modèles et outils d'intervention utilisés dans le réseau et les préoccupations entourant la qualité d'intervention. En organisant cette journée de réflexion, l'ASRSQ cherchait à valider les résultats du rapport auprès de ses membres.

Le présent article se veut une synthèse des propos, des échanges et des réflexions soulevés par les membres lors de cette journée. En plus de consolider certains volets du rapport, les échanges ont permis de poser les jalons des actions à entreprendre au cours des prochaines années.

La spécificité de l'intervention communautaire

Le rapport du comité a identifié quatre principaux fondements de la spécificité de l'intervention communautaire soit l'enracinement dans la communauté, l'autonomie, la réinsertion sociale et la prévention. Lors de l'atelier, les participants se sont penchés sur ces caractéristiques.

L'enracinement dans la communauté

L'importance de l'enracinement dans la communauté fait consensus auprès des membres. Propre au réseau de l'ASRSQ, l'enracinement dans la communauté fait partie intégrante de la mission des organismes œuvrant en réinsertion sociale. Toutefois, aux dires des membres, l'enracinement dans la communauté n'est pas une caractéristique aussi intégrée et acquise qu'elle le devrait. En effet, le rapport soumis par le comité de travail mentionne : «[…] un enracinement plus solide dans la communauté ne peut survenir qu'au prix d'une intensification et d'une diversification d'actions cohérentes de la part de chaque organisme en tenant compte des spécificités de son milieu.» Les membres abondent en ce sens, en y ajoutant la notion de «démarche citoyenne», qui implique une mobilisation plus dynamique de la communauté. Il apparaît toutefois que cet aspect est difficile à mettre en place concrètement puisque le personnel est déjà débordé par le travail à effectuer auprès de la clientèle. Malgré leur bon vouloir, plusieurs organismes trouvent difficile de réellement créer un engagement élargi au sein de la communauté.

Néanmoins, des actions concrètes peuvent être mises en place pour consolider et favoriser cet enracinement. Par exemple, un représentant par organisme peut être délégué pour participer à différentes tables de concertation sur des sujets connexes à la mission de l'organisme. Il semble important de demeurer créatifs afin de trouver des façons d'investir les lieux publics et de chercher de nouveaux appuis du milieu (corps policiers, tribunaux, municipalité, représentants politiques). Des actions concrètes peuvent également passer par de petits gestes. Citons simplement le CRC Curé-Labelle qui organise un tournoi de balle-molle composé d'équipes mixtes entre des résidents et des policiers.

L'implication bénévole, tant sous forme d'accompagnement à l'intervention qu'en occupant un siège au sein des conseils d'administration, fait véritablement partie intégrante de l'accompagnement des contrevenants dans leur cheminement en communauté. La mobilisation citoyenne passe donc aussi par l'implication bénévole. C'est entre autres en ce sens que les bénévoles du réseau communautaire se différencient des bénévoles provenant d'autres institutions s'intéressant à la prise en charge des personnes contrevenantes.

L'enracinement dans la communauté passe également par la représentation de l'ASRSQ sur la place publique. Il s'agit d'un travail de sensibilisation, d'information, d'éducation et de prévention. La participation à des tables de concertation et la rencontre avec des partenaires permettent de faire connaître le statut d'experts en délinquance du réseau. La promotion des réalisations et une présence médiatique accrue permettraient aux organismes communautaires de mieux faire connaître les valeurs de réinsertion sociale.

C'est la force du réseau communautaire et la force des organismes dans leur solidarité mutuelle qui permettront de préserver une autonomie collective de l'ensemble du réseau.
L'autonomie collective des organismes

Le rapport mentionne : «L'autonomie des organismes eu égard à l'intervention s'avère une autre composante essentielle du caractère spécifique de l'intervention communautaire.» Cependant, il apparaît évident que la perte progressive d'autonomie des organismes causée par l'envahissement du normatif dans tous les réseaux communautaires vient modifier les pratiques d'intervention et ce, au détriment de leur spécificité. Les membres s'entendent sur le fait que pour conserver la spécificité de l'intervention communautaire, il faut alléger le poids des tâches cléricales. Les nombreux problèmes soulevés par le plan d'intervention correctionnel (P.I.C.), tel que rapportés par plusieurs membres, viennent modifier les pratiques et même la spécificité de l'intervention communautaire. À cet égard, c'est la force du réseau communautaire et la force des organismes dans leur solidarité mutuelle qui permettront de préserver une autonomie collective de l'ensemble du réseau. Cette autonomie doit s'affirmer à l'égard des partenaires puisque les organismes communautaires ne doivent pas uniquement être considérés comme des contractants. En ce sens, l'autonomie collective est plus forte que l'autonomie individuelle de chacun des organismes.

Les membres suggèrent que la tenue d'ateliers permettant de développer et de renforcer le sentiment d'appartenance des organismes communautaires pourrait être grandement bénéfique. Ces ateliers permettraient de clarifier et de consolider la définition d'un noyau commun. Après 50 années d'existence, il est clair que le réseau, tel qu'on le connaît, a atteint une maturité. Cette maturité passe par le souci de développer une approche commune pour tous les organismes communautaires œuvrant auprès des personnes contrevenantes.

La réinsertion sociale : une redéfinition

La réinsertion sociale et/ou la réhabilitation sociale, de par leur définition, nécessitent une action mutuelle entre l'individu et la société, c'est-à-dire un accueil partagé de la part de chacune des parties. Cet accueil mutuel doit se faire entre la personne contrevenante et la communauté d'accueil.

En discutant autour de ces définitions, les membres suggèrent une remise en question de ces deux termes utilisés par le réseau, et proposent plutôt l'utilisation du terme «intégration sociocommunautaire» ou «ré-intégration sociocommunautaire». En fait, il semble que le terme «insertion» soit contraignant et que le terme «intégration» permet d'y inclure les liens que la personne tisse avec sa communauté. Cette nouvelle définition implique la solidarité qui sous-tend la spécificité du communautaire, par son approche inclusive et fraternelle.

Un mandat de prévention

L'aspect préventif de l'intervention communautaire est également une caractéristique de sa spécificité. L'intervention auprès des personnes contrevenantes fait partie d'une prévention tertiaire, visant entre autres, à réduire la récidive. À cet égard, les organismes communautaires et le réseau ont la responsabilité de faire connaître le volet prévention de leur mode d'intervention. Puisque la prévention fait partie intégrante de la mission des organismes communautaires travaillant auprès des personnes judiciarisées, une meilleure diffusion de cet aspect agirait comme un levier favorisant l'enracinement dans la communauté.

La responsabilité clinique de l'intervention communautaire

En matière de responsabilité clinique, les membres font une distinction entre les exigences fédérale et celles du provincial. Au fédéral, selon la majorité des membres, les rôles semblent mieux définis grâce à la distinction établie entre la surveillance directe et la surveillance indirecte : la surveillance directe faisant référence à la responsabilité clinique tandis que la surveillance indirecte fait plutôt référence à la responsabilité légale.

C'est principalement au niveau provincial que l'exercice de la responsabilité clinique pose problème. Lors de l'atelier, les membres sont amenés à se poser les questions suivantes : «À partir de quel moment et à quelle étape de la réhabilitation le professionnel devient imputable de son intervention? Est-ce à partir du moment où il évalue son client ou à partir du moment où il fixe les objectifs à atteindre?» De plus, un autre questionnement émerge : «Qu'est-ce que la responsabilité partagée? En cas d'échec, comment faut-il départager les responsabilités?»

Entraves à l'exercice de la responsabilité clinique

Les membres se disent inconfortables à assumer un plan intervention qu'ils n'ont pas eux-mêmes planifié. Certains vont même jusqu'à dire, qu'en suivi communautaire, ils refusent d'être cliniquement responsable d'une personne contrevenante qu'ils n'ont pas eux-mêmes évaluée. Ainsi, les intervenants communautaires pourraient se consacrer à l'évaluation clinique, en plus d'élaborer les objectifs et à la mise en action des stratégies d'intervention. Ils seraient alors à même d'assumer l'entièreté de la responsabilité clinique.

Les membres soulèvent que les «évaluateurs», c'est-à-dire les agents de probation, ne tiennent pas toujours compte de la réalité des personnes contrevenantes; le libellé des objectifs fait parfois abstraction de la capacité réelle du contrevenant à pouvoir les atteindre. Dans la mise en action du plan d'intervention correctionnel (P.I.C.), les intervenants communautaires se butent souvent à cette difficulté ce peut amener le client à une situation d'échec.

La révision du P.I.C. ne se fait que rarement par les agents de probation et les membres constatent que les intervenants communautaires n'ont pas l'autonomie réelle de le modifier et ce, même en fonction de l'évolution de la personne contrevenante. La seule avenue alors disponible est le transfert du client vers un suivi technique ce qui n'est pas souhaitable. La situation se répète lorsque la mise en place du P.I.C. date de plusieurs mois et que les objectifs ont été atteints par le client.

L'idée de l'intervenant unique qui a toujours été priorisée pour favoriser la cohérence et la continuité de l'intervention n'est donc pas applicable. Le transfert de l'intervention, en cours de processus correctionnel, vers un suivi technique apparaît aux yeux des membres difficilement concevable compte tenu de l'importance de consacrer le temps nécessaire pour stabiliser le changement et pour consolider les acquis.

Aussi, les membres s'entendent sur le fait que le P.I.C. est construit de façon trop statique, c'est-à-dire qu'il ne tient pas compte de l'évolution de la personne contrevenante. De plus, sauf en de rares occasions, la cote de sécurité ne se trouve pas modifiée au terme du processus. À cet égard, le registre d'avancement demeure un outil contesté par les membres. Considéré comme inutile par la majorité, cet outil, en plus de ne présenter aucune vertu clinique, n'a aucun impact sur la cote de sécurité du contrevenant.

Une intervention partagée entre l'agent de probation, le suivi professionnel de l'intervenant communautaire et le suivi technique des services correctionnels, divise la responsabilité clinique. Cela a souvent pour effet de diluer l'impact du suivi et le sentiment d'imputabilité des intervenants. De plus, le roulement du personnel, souvent incontrôlable, s'ajoute et hypothèque le déroulement du processus correctionnel.

Les membres font également état des difficultés dans l'échange d'information nécessaire à l'exercice de la responsabilité clinique entre les services correctionnels, le réseau communautaire et les autres organismes affiliés. La diffusion d'une l'information juste et complète est nécessaire à l'intervention, à la gestion du risque et à la responsabilisation du client. Les membres soutiennent qu'il est impératif de rendre plus fluide la circulation de l'information entre les partenaires correctionnels avec l'assurance que l'utilisation de cette information se fera de manière éthique, professionnelle et confidentielle. À cet égard, l'aide d'un expert juridique pourrait permettre d'établir les balises légales à observer.

Arguments en faveur de la responsabilité clinique

Après quelques années d'application de la loi 89, les organismes communautaires ont démontré leur capacité à assumer l'entièreté de l'intervention soit d'élaborer le P.I.C., de le mettre en action, d'y mettre fin le cas échéant et d'en témoigner aux autorités. En ayant la pleine responsabilité clinique, l'intervenant pourrait échanger avec l'agent de probation et élaborer conjointement le P.I.C. à partir d'une analyse dynamique de la personne contrevenante.

Cette maîtrise clinique des organismes communautaires permet d'argumenter et de questionner les conclusions du LS/CMI de manière à enrichir la qualité de l'intervention et ce, dans un climat de respect. Cette liberté de remettre en question les décisions cliniques des partenaires est malheureusement, trop souvent reliée à la personnalité des intervenants. Il existe une valeur ajoutée au fait de sauvegarder les outils d'évaluation et les stratégies d'intervention du réseau communautaire. Cette qualité transparaît dans les rapports et les sommaires de fermeture.

Modèles et outils de l'intervention communautaire

Dans le cadre de l'atelier portant sur les modèles et les outils d'intervention utilisés dans les pratiques cliniques communautaires, les membres ont été amenés à se prononcer sur les questions suivantes. En quoi le recours à des modèles, approches et techniques permet de contribuer au caractère spécifique de l'intervention communautaire? Comment permet-il une approche plus efficace aux besoins de la clientèle? En quoi facilite-t-il et stimule-t-il le travail des intervenants? Existe-t-il une conception spécifique du phénomène de la délinquance et de son «traitement» propre au communautaire? Les modèles, approches et outils utilisés sont-ils cohérents avec cette conception?

Diversité des approches

Il semble d'abord que les modèles et outils d'intervention préconisés par le communautaire soient variables d'un organisme à l'autre. En effet, certains disent favoriser la thérapie de la réalité dans leur approche ou encore l'approche motivationnelle, tandis que d'autres mettent de l'avant une approche cognitivo-comportementale plus appropriée à une problématique très spécifique chez un client. Le travail sur les habiletés sociales favorisant l'accompagnement du client dans le quotidien est également une approche préconisée par les organismes travaillant en hébergement et en suivi communautaire. Toutefois, il semble qu'en ce qui a trait au suivi en communauté, l'approche soit moins spécifique, c'est-à-dire que l'intervenant peut davantage être laissé à lui-même notamment en raison d'un roulement de personnel assez important dans ce volet de l'intervention. Néanmoins, tous s'entendent pour dire qu'il existe un danger à laisser l'intervenant à lui-même dans son intervention. À cet égard, les modèles et les outils d'intervention viennent faciliter l'encadrement de l'intervenant et l'aident à baliser sa pratique clinique tel que le mentionne le rapport : «Les modèles, approches, techniques et outils cliniques constituent un filet de sécurité, notamment dans les zones grises de l'intervention. Ils sont essentiels.»

Une des difficultés inhérentes à la consolidation des approches et outils d'intervention réside dans la problématique liée à la rétention du personnel. Par exemple, certains organismes disent ne pas avoir été en mesure de conserver une approche préconisant la thérapie de la réalité en raison de la difficulté d'offrir une formation continue et des mises à jour et ce, à cause d'un roulement de personnel trop important. Certains organismes mentionnent attendre au moins six mois avant d'inscrire leurs intervenants du suivi communautaire à des formations plus spécifiques d'intervention, étant donné l'ampleur du mouvement de personnel. Évidemment, les formations obligatoires ou des formations à l'interne sont offertes, mais les formations plus spécifiques sont souvent réservées au personnel du volet thérapeutique.

La programmation neuro-linguistique (PNL) est également un outil d'intervention utilisé par certains organismes du réseau communautaire. L'approche systémique, particulièrement utilisée par les travailleurs sociaux, apparaît aussi comme un mode d'intervention adapté à la clientèle des organismes communautaires du réseau. Effectivement, l'approche systémique ou holistique prend en considération l'être humain dans sa totalité. Dans une optique d'accompagnement de l'individu dans divers aspects de sa vie, cette approche permet alors de considérer l'individu dans son ensemble et non seulement en fonction de ses gestes délictuels. Enfin, certains organismes travaillant en psychiatrie légale auprès d'une clientèle aux prises avec des troubles de santé mentale soutiennent que tous les intervenants doivent être à l'aise avec plusieurs types d'intervention. Le roulement de personnel étant peut-être moins présent dans ces organismes, ils essaient alors de travailler la flexibilité d'intervention et d'approches des intervenants.

Même si certaines approches sont effectivement favorisées chez certains organismes, tous s'entendent sur le fait qu'il n'existe pas d'approche unique. Avec les approches cognitivo-comportementale, humaniste, systémique, motivationnelle, les techniques d'impact et la thérapie de la réalité, il est clair qu'il existe une diversité d'intervention. En ce sens, la richesse de l'intervention communautaire réside certainement dans la multidisciplinarité des équipes de travail. Le modèle unique d'intervention apparaît plutôt contraignant pour les différents organismes.

Avantages des approches sur l'intervention communautaire

Les propos recueillis par les membres s'orientent davantage vers une approche personnalisée. Cette caractéristique de l'intervention communautaire fait partie de sa spécificité : elle s'adapte à la clientèle, elle prend en considération les forces des intervenants et elle permet d'avancer de nouvelles pistes de solutions dans des dossiers qui avancent moins bien. Le fait d'avoir accès à une panoplie de modèles d'intervention permet de les utiliser comme un coffre à outils et c'est cette liberté de choix qui devient propre au réseau communautaire.

Ces diverses approches facilitent le travail d'intervention en lui donnant un cadre, un guide, une structure. Pour les intervenants, bien intégrer une technique d'intervention dans le cadre de leur travail fait partie d'un long processus d'apprentissage. Pour la clientèle, le modèle d'intervention peut être un élément motivateur et aide les clients à percevoir le sérieux du processus. En ce sens, il est important que le client ressente le fil conducteur derrière les interventions. À partir du moment où le modèle d'intervention trouve résonnance chez la personne concernée, elle peut ainsi s'approprier les objectifs et s'impliquer dans son processus de réinsertion. Enfin, les modèles et outils d'intervention permettent de donner une direction aux équipes de travail, tant chez les nouveaux employés que chez ceux qui ont plus d'expérience. À titre d'exemple, un organisme mentionne avoir mis de l'avant des exercices permettant d'explorer les valeurs des clients et les valeurs de l'équipe de travail, permettant alors de soutenir et d'enrichir les approches favorisées par l'organisme.

Rencontre des approches avec les milieux institutionnels

Aux dires des membres, l'approche des milieux institutionnels est davantage caractérisée par l'utilisation plus statique d'outils actuariels. Des modèles et des outils font partie des programmes d'intervention, mais c'est au niveau du suivi que leur approche est plus axée sur le contrôle et la surveillance. Il semble qu'en probation, l'aspect légal de l'intervention soit mis de l'avant, au détriment de l'aspect thérapeutique. Néanmoins, ce sont ces outils actuariels qui sont utilisés par les services correctionnels pour mettre sur pied le plan d'intervention correctionnel (P.I.C.) et les organismes communautaires ont l'obligation de travailler avec celui-ci. À cet égard, il existe une disparité importante entre les organismes puisque certains disent avoir la liberté de choix de réévaluer ce plan, alors que d'autres organismes soulignent leur peu de marge de manœuvre. La liberté de réévaluation du plan d'intervention semble effectivement varier d'une région à l'autre. Malgré tout, le regard porté sur la personne contrevenante demeure spécifique au réseau communautaire : un regard centré sur la réinsertion sociale de la personne.

Le modèle d'intervention communautaire se base d'abord et avant tout sur les besoins de la personne contrevenante. Dans la pratique quotidienne, il est important de ne pas perdre de vue cet élément, puisqu'à cause des exigences des services correctionnels, le défi consiste à conjuguer le mandat de surveillance tout en sachant conserver la couleur d'intervention propre aux organismes communautaires. Cela implique de répondre aux besoins de la clientèle pour arriver à un résultat similaire. La transparence, la fluidité, l'accompagnement et la présence font partie des valeurs fondamentales des organismes communautaires. Ce sont ces valeurs qu'il faut arriver à transmettre aux nouveaux intervenants et ce, malgré la difficulté de faire durer et évoluer les approches d'intervention.

Les intervenants communautaires pourraient se consacrer à l'évaluation clinique, en plus d'élaborer les objectifs et à la mise en action des stratégies d'intervention. Ils seraient alors à même d'assumer l'entièreté de la responsabilité clinique.

La qualité de l'intervention communautaire

À défaut de pouvoir élaborer une définition unique de la qualité d'intervention, cet atelier a d'abord permis de mettre en lumière diverses préoccupations des membres à l'égard de la qualité de l'intervention communautaire. Il a également permis de recueillir un ensemble de points de vue permettant d'illustrer les disparités existant d'une région à l'autre.

Préoccupations quant au contrôle de la qualité d'intervention

La qualité de l'intervention doit-elle se mesurer en fonction du processus de travail mis en place par l'intervenant, ou par les résultats atteints par la personne contrevenante? Plus spécifiquement, les organismes communautaires ont-ils, par exemple, le mandat d'accompagner le client vers un retour sur le marché du travail ou plutôt de soutenir sa réinsertion sociale à travers l'acquisition de compétences psychosociales?

Une des préoccupations des membres se manifeste dans la difficulté de pouvoir mesurer de façon objective le processus de changement du contrevenant. Souvent, des résultats quantitatifs, comme le taux de récidive ou l'obtention d'un emploi, servent de référence à la qualité d'intervention parce qu'ils sont facilement objectivables. Toutefois, les membres du réseau communautaire soutiennent que c'est le processus de changement derrière ces résultats qui doit être priorisé lorsqu'il est question de qualité d'intervention. Effectivement, ils sont d'avis que l'aspect quantitatif ne doit pas primer au détriment de l'aspect qualitatif.

Évidemment, le contrôle de la qualité passe aussi par la compétence du personnel. Celui-ci doit recevoir la supervision et le mentorat nécessaire à l'accomplissement de ses fonctions. Offrir une formation visant l'approfondissement et le perfectionnement de ses compétences favorise le maintien de la qualité. De surcroît, un climat de travail serein inspire la crédibilité d'une organisation et facilite son développement. Les nouveaux intervenants ont souvent une crainte de prendre des initiatives, tandis que de plus anciens se permettent moins de créativité lorsqu'ils se sont fait réprimander suite à certaines actions passées. Ces phénomènes peuvent nuire à l'amélioration et au contrôle de la qualité d'intervention.

De plus, comme le client doit demeurer le centre d'intérêt de l'intervention, l'évaluation de la qualité ne doit pas servir à sécuriser l'intervention mais bien à permettre au client de progresser vers son autonomie et sa responsabilité à l'égard de son geste délictuel.

Mécanismes permettant d'assurer et d'évaluer la qualité d'intervention

De toute évidence, les propos recueillis par les membres permettent de s'apercevoir que les mécanismes d'appréciation de la qualité varient en fonction des différentes ressources et ne sont pas les mêmes à l'hébergement qu'au suivi communautaire. Cette discussion a tout de même permis d'énoncer des mécanismes à mettre en place pour assurer et évaluer la qualité de l'intervention.

D'abord, le contrôle du travail concret auprès du client varie en fonction de son cheminement, de sa motivation et de sa rapidité d'action. De plus, la qualité du lien de confiance qui se crée entre l'intervenant et la personne contrevenante demeure une considération importante. Ce lien de confiance aura un impact qualitatif non négligeable sur l'intervention.

De plus, le rôle du responsable clinique est primordial, tant pour les nouveaux intervenants que pour les plus anciens. Son travail donne une couleur propre à la ressource au niveau des valeurs organisationnelles, de l'encouragement des employés à l'innovation et du soutien décisionnel. La supervision clinique des plans d'action est également garante de la qualité d'intervention.

Les membres mentionnent également que la tenue et le suivi des dossiers fait partie des outils mis en place par les organismes pour rendre compte de la qualité d'intervention. En plus d'être propres et structurés, la tenue et le suivi des dossiers doivent être clairs et compréhensibles. Ces éléments témoignent de l'image d'une organisation. Quant au contenu des dossiers, il dépend évidemment de l'approche utilisée dans l'intervention et des objectifs établis dans le plan d'intervention. À cet égard, certains membres soutiennent que la créativité dans l'intervention favorise la qualité de celle-ci.

Aussi, les diverses grilles de satisfaction de la clientèle utilisées par les organismes communautaires permettent, d'une certaine façon, de prendre le pouls de la qualité de l'intervention d'une organisation. Par exemple, certains organismes ont créé leur propre grille d'évaluation que les résidents sont invités à remplir au début et à la fin de leur séjour. Toutefois, cet outil ne reçoit pas la satisfaction unanime des membres, même si, la plupart d'entre eux sont d'avis qu'il est nécessaire de mettre en place davantage d'outils permettant d'aller recueillir l'opinion de la clientèle à l'égard des services offerts. Ensuite, en plus de pouvoir être confirmée par les partenaires institutionnels, les forces et les faiblesses de la qualité d'intervention d'un organisme peuvent être interprétées à travers ses statistiques annuelles. Enfin, la réconciliation du délinquant avec sa communauté ou avec sa victime peut aussi être un indice de la qualité d'intervention.

En ce qui concerne l'élaboration d'un guide en matière de qualité, les membres conviennent qu'il serait plus facilitant pour les ressources, soucieuses de garder leurs «couleurs» et leur identité, de pouvoir, au besoin, faire référence à un outil commun contenant des grilles et des mécanismes utilisés par différentes ressources. Le tout pourrait être géré par l'ASRSQ. Ce guide servirait de plateforme commune visant à asseoir la crédibilité du réseau communautaire sans toutefois l'uniformiser.

Ainsi, soucieuse des services qu'elle offre à sa clientèle, la majorité des membres ont signifié leur accord à mettre en place une démarche structurée visant l'amélioration de la qualité d'intervention. En ce sens, la septième recommandation du rapport portant sur l'élaboration d'un guide en matière de qualité répond à une préoccupation des membres.

Concernant les recommandations du rapport sur les pratiques d'intervention

Recommandation I, II, VI : sur la spécificité

Les recommandations du rapport touchant à la spécificité de l'intervention communautaire parlent d'actions concrètes visant le développement de la vie associative et de sensibilisation auprès des partenaires afin de réduire les disparités quant à l'autonomie professionnelle des organismes. Aussi, elles suggèrent une intensification de la promotion, par l'ASRSQ, de la réhabilitation sociale pour le bien-être de nos communautés.

Bien que la volonté des membres soit de s'impliquer dans la vie associative, la réalité de la distance et des coûts associés au déplacement apparaît comme un obstacle. Toutefois, les membres considèrent important de se rencontrer annuellement afin d'échanger sur les pratiques d'intervention. De plus, il est proposé que les coordonnateurs cliniques de différentes régions participent à des échanges sous forme de vidéoconférences pour alléger les déplacements et aller au-delà de l'éloignement des régions. Il est aussi suggéré la tenue d'un colloque axé sur l'intervention clinique.

Recommandation III : sur la responsabilité

Cette recommandation suggère la poursuite des travaux de l'Association auprès des partenaires gouvernementaux afin de réduire les disparités à l'égard de l'autonomie professionnelle des organismes. Les membres soulignent l'importance de sauvegarder l'autonomie professionnelle des organismes communautaires, peu importe la région ou les interlocuteurs. Il est tout aussi important de s'assurer que les instances gouvernementales travaillent à réduire les disparités qui existent dans leurs attentes envers les organismes communautaires d'une région à l'autre. Il relève de l'ASRSQ de s'en assurer.

Recommandation IV : sur la responsabilité

Tel qu'indiqué dans le rapport, cette recommandation propose : «Que l'ASRSQ poursuive les travaux visant à clarifier différents aspects de la responsabilité clinique et légale.» À cet égard, malgré une collaboration qui, depuis 2007, a gagné en maturité, il demeure urgent de clarifier les rôles clinique et légal entre les intervenants communautaires et les agents correctionnels. En ce sens, la notion de responsabilité clinique devrait être élargie. Les membres sont d'avis que les conseils d'administration des organismes communautaires du réseau de l'ASRSQ devraient participer aux discussions entourant le partage des responsabilités avec les instances gouvernementales. Il serait également pertinent que cette réflexion soit appuyée de l'avis d'un juriste.

Recommandation V : sur les modèles et les outils d'intervention

La cinquième recommandation suggère que «l'ASRSQ coordonne, en collaboration avec ses membres, la mise en place d'une table permanente sur les pratiques d'intervention laquelle regrouperait plus particulièrement des responsables cliniques des organisations membres.» À cet égard, les membres s'entendent sur le fait que les pratiques d'intervention représentent un sujet motivant et rassembleur. Ils apprécient le fait que les discussions sont toujours animées et qu'elles permettent le partage de compétences et le développement du sentiment d'appartenance. Toutefois, la problématique de la rétention du personnel est un problème considérable qui nuit à l'évolution et la consolidation des modèles et outils d'intervention dans le réseau communautaire.

Recommandation VII : sur la qualité

La dernière recommandation du rapport propose que l'ASRSQ prépare un guide en matière de qualité, comprenant minimalement différentes lignes directrices comme la tenue des dossiers, la formation, le code d'éthique, etc. Les membres sont d'avis qu'un guide en matière de qualité pourrait être un moyen technique pour que les organismes puissent faire connaître leur spécificité. Ce guide en matière de qualité pourrait agir comme une référence pour les ressources plus isolées tout en servant de base aux ressources ayant besoin de créer leurs propres standards d'intervention. Ce guide permettrait aussi de favoriser l'autoévaluation des ressources.

Enfin, le réseau devrait se doter d'outils permettant de mieux mesurer son efficacité. Pour ce faire, il est alors important de mieux définir quels sont les résultats escomptés. Le réseau, en passant pas l'ASRSQ, pourrait se doter d'un outil standardisé de satisfaction de la qualité.