Revue Porte Ouverte

Prison privée

Par Mélissa Mitchell,
Agente de communication

Dossier privatisation : Un jeu de serpents et d’échelles?

Si pour l’ASRSQ le dossier de la privatisation est un dossier de la plus haute importance, tous n’ont peut-être pas suivi avec autant d’intérêt le cours des événements. Voici donc une rétrospective des éléments percutants entourant le projet du gouvernement du Québec de privatiser un centre de détention en Montérégie afin de faciliter la compréhension de ce dossier spécial du Porte ouverte.

6 mai 2004

Les PPP dans la mire du gouvernement

La ministre Monique Jérôme-Forget dévoile son intention de recourir aux partenariats public-privé (PPP) pour les services que doit rendre le gouvernement du Québec. Déjà, on annonce la construction d’une prison en Montérégie afin de remplacer deux prisons de la région. Cet exemple spectaculaire est l’un de ceux énoncés afin d’illustrer l’idée derrière les PPP, soit «d’en avoir plus pour son argent». (Le Soleil)

18 juin 2004

Porte ouverte invite le ministère de la sécurité publique à présenter son projet

Dans une lettre adressée à la sous-ministre associée au ministère de la Sécurité publique, Mme Christine Desforges, Porte ouverte offre la possibilité au ministère de présenter ses réflexions et intentions concernant le projet de privatisation, pour le Porte ouverte d’automne 2004. Mme Desforges décline l’offre dans une lettre datée du 6 juillet. La lettre mentionne que la Direction générale des Services correctionnels élaborera sous peu un plan de communication pour ce projet et que l’offre du Porte ouverte et qu’à ce moment la demande pourra être reconsidérée.

16 juillet 2004

La gestion de prisons par le secteur privé : un choix éthiquement judicieux?

M. François Bérard, titulaire d’une maîtrise en criminologie et d’un DESS en administration sociale et chargé de cours à l’École de criminologie de l’Université de Montréal publie un article dans Le Devoir, soulevant les enjeux éthiques entourant la privatisation d’une prison. (Le Devoir)

Il est scandaleux de vouloir dépenser 100 millions $ alors que le gouvernement refuse d’investir les 30 millions $ nécessaires à la mise en oeuvre de la réforme des services correctionnels adoptée à l’unanimité. 
Jean-Pierre Charbonneau

21 octobre 2004

Le ministre de la sécurité publique lorgne du côté de la Rive-Sud

Le ministre Jacques Chagnon annonce qu’une prison à sécurité minimum pouvant loger jusqu’à 500 détenus sera érigée à Longueuil où à Sainte-Julie, grâce à des investissements privés de l’ordre de 100 millions $. Le projet du ministre de la Sécurité publique devrait être proposé dès que sera établi le cadre législatif des partenariats public-privé, probablement en février 2005. L’Assemblée nationale inscrit ce cadre dans son agenda parlementaire de la nouvelle session. (Presse Canadienne)

L’ASRSQ invite le gouvernement à la prudence

Par voie de communiqué, l’ASRSQ invite le gouvernement à la prudence et lui demande d’examiner toutes les facettes de la gestion d’un établissement carcéral sans négliger l’aspect de la réinsertion sociale, puisqu’il s’agit avant tout de la sécurité du public. Les analyses en ce qui concerne les expériences semblables dans d’autres pays suscitant des préoccupations au sein de l’ASRSQ, l’Association annonce qu’elle a procédé à la création d’un comité d’experts afin d’étudier la question.

Aucune raison valable de construire une prison privée selon l’ODD

Le président de l’Office des droits des détenus, M. Jean-Claude Bernheim, estime qu’un tel établissement ne sera qu’un inutile stationnement à détenus qui ne présentent pas de danger pour la société, d’autant plus que 80 % d’entre eux sont libérés à l’intérieur de trois mois. Selon lui, c’est uniquement par les salaires consentis aux agents que l’État pourrait réaliser des économies. Il redoute qu’un personnel inadéquat soit embauché. (Presse Canadienne)

27 octobre 2004

Le critique de l’opposition officielle s’oppose aux PPP

En commission parlementaire, le critique de l’opposition officielle, M. Sylvain Simard, s’oppose au «dépeçage des activités normales de l’État». Il prévient qu’on verra émerger «des prisons américaines, des écoles françaises et des hôpitaux asiatiques» si le gouvernement s’engage dans la voie des PPP. (La Presse)

L’ASRSQ dévoile son comité d’experts 

L’ASRSQ dévoile les noms des 12 experts en matière correctionnelle et en gestion d’établissements de détention chargés d’étudier le projet du gouvernement. L’ASRSQ renouvelle sa mise en garde à l’effet que de nombreux enjeux sont à considérer dans ce dossier, notamment en ce qui concerne l’aspect de la réinsertion sociale, les programmes d’intervention disponibles, l’encadrement et la discipline.

10 novembre 2004

Québec s’intéresse au modèle ontarien

Étudiant les divers modèles de prisons construites en PPP, Québec se tourne vers l’Ontario, qui a construit en 2001 le tout premier centre de détention privé au Canada, dirigé par une compagnie américaine de l’Utah. Le Central North Correctional Centre de Penetanguishene recevra la visite des fonctionnaires québécois chargés de préparer, pour le ministère de la Sécurité publique, la proposition de prison réalisée en PPP qui sera présentée au Conseil des ministres au début 2005. (La Presse)

15 novembre 2004 

L’ASRSQ rend publique l’analyse de son comité d’experts

Dans un premier temps, le comité de l’ASRSQ affirme que la diminution du taux de criminalité, le vieillissement de la population et le recours accru aux alternatives à l’incarcération sont des facteurs permettant de confirmer que le Québec n’a aucunement besoin d’une nouvelle prison. Dans un second temps, l’étude réalisée par le comité amène l’Association à s’opposer à la construction d’établissements privés de même qu’à la privatisation des services de surveillance et de gestion des sentences. L’Association convie le gouvernement à examiner d’autres alternatives afin de résoudre le problème de vétusté de certaines cellules, notamment de développer une entente avec le gouvernement fédéral. Finalement, devant l’ensemble des questions soulevées, l’ASRSQ demande au gouvernement du Québec un moratoire de 2 ans dans le but de permettre un véritable débat public.

25 novembre 2004 

L’ASRSQ questionne les chiffres du ministre et propose la création d’un comité tripartie

Dans une lettre transmise au ministre de la Sécurité publique, l’ASRSQ réagit aux propos tenus par le ministre, lesquels laissent croire que la population carcérale s’accroît. L’ASRSQ ne partage pas la lecture du ministre et lui demande de rendre publiques les études mentionnées par les Services correctionnels du Québec afin de justifier la position d’un besoin pour de nouvelles cellules. Étant donné les enjeux complexes et diversifiés entourant le dossier de la privatisation d’un centre de détention, l’Association propose au ministère de la Sécurité publique du Québec la création d’un comité tripartite composé de représentants des ministères de la Sécurité publique du Québec et du Canada et de l’ASRSQ.

9 décembre 2004

Pour répondre au crime organisé, Québec veut une prison privée

Pour continuer à mettre de la pression sur le crime organisé et pour réduire la surpopulation, le ministre de la Sécurité publique croit que la prison privée demeure la seule solution. Pourtant, le rapport du comité d’experts de l’ASRSQ souligne les dangers de la privatisation et remet en doute la notion de surpopulation carcérale que défend le ministre. (La Presse)

Prison privée : les Québécois auront-ils droit à un débat éclairé?

Le député de Borduas et porte-parole de l’opposition officielle en matière de Sécurité publique, M. Jean-Pierre Charbonneau, demande la tenue d’un débat public en commission parlementaire sur le projet de la prison privée : «[…] des criminologues, des retraités de haut rang des services correctionnels, des intervenants en réhabilitation et, maintenant, les agents de services correctionnels se sont prononcés contre le projet du gouvernement. […] Le ministre de la Sécurité publique devrait tenir un débat public en commission parlementaire avant de dépenser 100 M$ de fonds publics dans la construction d’un tel établissement et d’engager les générations futures dans cette aventure plus que douteuse». (CNW)

10 décembre 2004

Le syndicat des agents de la paix s’oppose à une prison privée

Le Syndicat des agents de la paix en services correctionnels s’oppose à la construction d’une prison en partenariat public-privé. Le président du Syndicat, Michel Hubert, doute qu’un centre privé insiste sur la réinsertion : «On veut privatiser, donc on veut faire un profit avec l’incarcération. Le critère premier, c’est que la clientèle revienne.» (Le Soleil)

Le ministre Chagnon prône plus de sévérité envers le temps à purger avant l’obtention d’une libération conditionnelle

Dans une entrevue accordée à TVA, le ministre de la Sécurité publique remet en question l’accessibilité des détenus à la libération conditionnelle. Il considère qu’à l’avenir, les gouvernements devront être plus sévères à l’endroit des détenus libérés après avoir purgé le sixième seulement de leur peine. Il mentionne qu’en France, il est impossible pour un détenu d’avoir recours à la libération conditionnelle avant au moins la moitié de sa sentence.

13 décembre 2004

Porte ouverte réitère sa demande au ministère

Ce Porte ouverte hivernal portant sur la privatisation, nous avons adressé une nouvelle requête au ministère de la Sécurité publique afin de lui offrir la possibilité d’expliquer son projet aux lecteurs. Le 6 janvier 2005, la lettre transmise par madame Desforges mentionne que le contexte actuel oblige encore une fois le ministère à décliner l’offre de Porte ouverte, le processus d’évaluation sous l’angle de partenariat public-privé étant toujours en cours. Le ministère préfère attendre les conclusions de cet exercice avant de rédiger un article.

14 décembre 2004

Huntingdon veut la prison privée

Suite aux importantes pertes d’emploi subies par Huntingdon en raison de la fermeture de l’usine de Cleyn & Tinker, le maire Stéphane Gendron souhaite que le ministère de la Sécurité publique y établisse la prison que le gouvernement prévoit confier à l’entreprise privée. (La Presse)

15 décembre 2004

Reportage choc de Radio-Canada : Le désastre de Penetanguishene

Le gouvernement québécois s’intéresse à l’expérience ontarienne. La prison de Penetanguishene, le Central North Correctional Centre, est la seule prison privée au Canada. Radio-Canada a appris l’existence de faits troublants entourant l’établissement à sécurité maximale, géré par la Management and Training Corporation (MTC), firme américaine. La visite des installations a été refusée à l’équipe de tournage, et l’entrevue n’a été accordée qu’après de multiples requêtes. Le journaliste mentionne qu’il est très difficile d’obtenir de l’information sur ce qui se passe à l’intérieur des murs de l’établissement. Le syndicat exprime son inquiétude en ce qui concerne la sécurité des agents et des détenus. Le taux de roulement du personnel est d’ailleurs fort élevé : selon le syndicat, 200 agents ont démissionné depuis l’ouverture du centre, il y a 3 ans. En outre, le syndicat reçoit en moyenne 10 plaintes de gardiens par semaine.

Le ministère de la sécurité publique rejette les demandes de l’ASRSQ

Dans une lettre datée du 15 décembre répondant à la lettre transmise par l’ASRSQ le 25 novembre, le ministère de la Sécurité publique (MSP) rejette les requêtes de l’ASRSQ. Le ministère considère qu’il n’est pas souhaitable, pour l’instant, de rendre publique les études qu’il utilise pour affirmer que la population carcérale s’accroît. Le ministère n’acquiescera pas non plus à la demande de l’ASRSQ de créer un comité tripartite (MSP, SCC, ASRSQ) pour se pencher sur les solutions relatives à la disponibilité des places dans les établissements fédéraux. L’imposition d’un moratoire de 2 ans proposé par l’ASRSQ afin qu’une analyse exhaustive des enjeux inhérents au projet soit réalisée et qu’un débat public se tienne est également refusée.

19 janvier 2005

Front commun du syndicat des agents de la paix et du Parti Québécois pour décrier la venur d’une prison privée

En conférence de presse à Sorel, le Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec (SAPSCQ) et le Parti Québécois dénoncent avec force l’orientation du gouvernement libéral qui s’apprête à doter les services correctionnels de la province d’un mode de gestion en partenariat public privé. Le député de Borduas et porte-parole de l’opposition officielle en matière de sécurité publique, M. Jean-Pierre Charbonneau s’insurge contre le projet libéral : «C’est scandaleux, après le décès tragique du jeune Alexandre Livernoche, ici, dans la région, qu’on envisage de dépenser 100 millions de dollars plutôt que d’investir les 30 millions de dollars nécessaires à la mise en oeuvre de la réforme des services correctionnels adoptée à l’unanimité.» Le Syndicat des agents correctionnels estime que le recours à une entreprise privée pour la surveillance des détenus, favoriserait par ailleurs les tentatives de corruption dans un milieu où le code d’éthique fait force de loi. Les membres du Syndicat prennent pour exemple les témoignages en provenance des prisons américaines privées, où l’on observe ce type de situation régulièrement. (Communiqué de presse, SAPSCQ)

Un projet plus détaillé au printemps

Le ministre Chagnon devrait recevoir l’étude concernant la faisabilité du projet de partenariat public-privé pour le centre de détention qu’il souhaite construire en Montérégie au mois de mars. (The Gazette)

20 janvier 2005

Surpopulation carcérale : Le syndicat met les pendules à l’heure

Selon le ministère de la Sécurité publique, les prisons sont surpeuplées à l’heure actuelle avec quelque 4 000 détenus tandis que la capacité normée est de 3 786 places. Le Syndicat des agents de la paix, lors de sa conférence de presse du 20 janvier, a décrié le caractère trompeur de ces chiffres : les données colligées par le syndicat entre le 7 et le 18 janvier montrent qu’il y avait de 416 à 456 places disponibles dans les 18 prisons de la province. D’ailleurs, il existerait dans les prisons québécoises des ailes entières qui sont inoccupées en raison de restrictions budgétaires, selon le Syndicat. (Le Devoir)

26 janvier 2005

Le directeur général des services correctionnels en Montérégie veut une prison

Selon Robert Jacques, directeur régional des SCQ en Montérégie, la croissance démo graphique dans cette région, la désuétude des prisons de Sorel-Tracy et de Salaberry-de- Valleyfield ainsi que le surpopulation chronique qui déborde jusqu’à Montréal justifient la construction d’une nouvelle prison sur le Rive-Sud. Selon M. Jacques, les chiffres du Syndicat des agents de la paix, qui relèvent plus de 400 places disponibles, sont trompeurs puisqu’ils confondent capacité réelle et capacité opérationnelle. M. Jacques affirme qu’une prison est forcée de garder un certain nombre de places vacantes, correspondant environ à 12 % du total, afin de pouvoir isoler les détenus peu populaires tels les pédophiles et délateurs.(Le Devoir)

18 février 2005

Changement de ministre à la sécurité publique

Le départ de Jacques Chagnon ouvre de nouvelles avenues. Selon la directrice générale de l’ASRSQ, il était devenu difficile, depuis quelques semaines, de discuter avec Jacques Chagnon qui semblait être persuadé de la nécessité d’une première prison privée pour le Québec. En questionnant la pertinence des libérations conditionnelles, pour la première fois, un ministre québécois semblait remettre en question le concept même de la réinsertion sociale. La nomination de Jacques Dupuis comme ministre de la Sécurité publique est bien accueillie par l’ASRSQ ainsi que par le Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec. Le président du syndicat, Michel Hubert, espère voir plus clair dans le dossier de la prison privée étant donné qu’il ne comprend toujours pas l’empressement du gouvernement d’aller plus loin dans ce dossier. (Source : Le Devoir)