Revue Porte Ouverte

La (ré)intégration sociale et communautaire

Par David Henry,
Coordonnateur aux programmes et aux communications, ASRSQ

La disparition des cercles de soutien et de responsabilité : une perte importante pour la sécurité de nos communautés

La disparition annoncée du financement accordé aux Cercles de soutien et de responsabilité au Canada met en péril leurs existences. Dans un contexte où le gouvernement fédéral ne cesse de se réclamer « Tough on Crime » et de vouloir protéger la communauté des criminels, il est incroyable que ces cercles qui servent justement à prévenir la récidive des délinquants sexuels soient abolis. L'efficacité de leurs services ont été démontrés et leurs coûts de fonctionnement sont minimes, comment justifier alors la fin de ces services ? Le Service correctionnel du Canada doit revoir sa décision et cet article veut rappeler l'historique, le fonctionnement et les résultats des cercles de soutien et de responsabilité (CSR).

Historique

Les cercles de soutien et de responsabilité (CSR) ont vu le jour en 1994. La libération d'un délinquant sexuel condamné à une longue peine et ayant été maintenu en incarcération jusqu'à la fin de son mandat est à l'origine de ces cercles. Le jour de sa sortie de prison, une foule mécontente s'était massée devant l'établissement, scandant des slogans et brandissant des pancartes demandant des collectivités sures. C'est dans ce contexte qu'un pasteur mennonite, aidé de quelques paroissiens, à formé un groupe de soutien pour encadrer l'individu et faire en sorte qu'il ne récidive pas.

Aujourd'hui, il existe plus de 150 cercles dans 19 villes, dans neuf provinces. Chacun d'eux est constitué de trois à quatre bénévoles qui s'engagent à soutenir, émotionnellement et de façon pratique, un délinquant sexuel qui réintègre la société après une peine d'emprisonnement. Les délinquants sont libres d'y participer ou non. S'ils le font, ils doivent s'engager par écrit à participer au programme pour une période d'un an. Leur décision doit être motivée par le désir de ne pas être incarcéré à nouveau et, surtout, de ne pas récidiver. Les bénévoles, une fois sélectionnés, reçoivent une formation de base de 15 heures. Plusieurs autres formations durant l'année approfondissent cette formation de base. De plus, ils sont secondés par des spécialistes et travaillent en collaboration avec des organismes communautaires et des professionnels tels des psychologues, des agents de libération conditionnelle ou de probation, la police et les tribunaux.

Fonctionnement

Avant la libération, les bénévoles rencontrent une première fois le membre principal qui parle de ses délits et de son cycle d'offense. À la fin de cette première rencontre, tous les participants décident s'ils sont prêts à s'engager. Après la libération, le cercle se rencontre chaque semaine. Le partage commence toujours par les bénévoles afin d'habituer le membre principal à écouter les autres. Entre les réunions, les bénévoles restent disponibles aux besoins du membre principal de façon à fournir une présence au moment où elle pourrait le plus compter. Le CSR assure également un suivi sur les décisions et les engagements. Le cercle contribue au développement d'une confiance entre ses membres et d'empathie, choses primordiales pour aider le membre principal à vivre en société.

Par ailleurs, l'un des grands avantages des CSR est qu'ils nécessitent peu d'investissement monétaire puisque dirigés par des bénévoles.

Selon le guide à l'intention des candidats bénévoles, Manuel de formation 2002, disponible sur le site du SCC, les valeurs fondamentales des CSR sont :

  • Nous affirmons que c'est à la collectivité qu'incombe la responsabilité de la réparation sécuritaire à l'égard des victimes et de leur guérison de même que de la réinsertion sociale « sans risque » des délinquants sexuels.
  • Nous croyons en un Dieu d'amour et de réconciliation qui nous appelle à être des agents de guérison. 
  • Nous reconnaissons la peine continue des victimes d'agressions sexuelles et leur besoin de guérir. 
  • Nous cherchons à « recréer une collectivité » responsable, sécuritaire, saine et donneuse de vie en collaboration avec des ex-délinquants.
  • Nous acceptons l'appel à une hospitalité totale, partageant nos vies les uns avec les autres dans la collectivité et prenant des risques au service de l'amour.

Ces valeurs se veulent dans la continuité de l'idée de la justice réparatrice définie comme :

  • Une redéfinition des rôles au sein du système de justice pénale, les victimes de crime occupant une place centrale.
  • Une approche particulièrement indiquée pour les crimes graves, comme les interventions auprès des libérés conditionnels sous responsabilité fédérale. 
  • Une approche indiquée pour les délits mineurs, mais qui convient encore mieux pour les crimes graves où les besoins des victimes sont comparables et sont plus urgents.
  • Une tentative en vue de remédier aux causes du crime en répondant aux besoins qui en résultent. Cette tentative est fondée sur deux principes fondamentaux :
  • Préjudice - La justice réparatrice vise à réparer le préjudice causé par le crime en répondant aux besoins des victimes et en tenant le délinquant responsable du mal qu'il a fait.
  • Mobilisation - La justice réparatrice mobilise les victimes, les délinquants et la collectivité aux fins de la réparation du préjudice causé par le crime.

Résultats

Selon le Rapport de recherche Cercles de soutien et de responsabilité : Reproduction à l'échelle nationale des résultats obtenus, de 2008 No R-185 du Service correctionnel du Canada (SCC), «Dans le système correctionnel fédéral canadien, les délinquants présentant un risque très élevé de récidive restent généralement incarcérés jusqu'à la fin de leur peine (c'est-à-dire la date d'expiration du mandat), après quoi ils sont mis en liberté sans plus de supervision. Le projet des CSR cible des hommes mis en liberté après avoir purgé la totalité de leur peine et dont on a jugé qu'ils présentaient un risque élevé de récidive. Plus précisément, les CSR visent des individus que le manque de soutien prosocial dans la collectivité semble vouer à l'échec. Les CSR appuient également des délinquants qui sont susceptibles d'attirer beaucoup d'attention de la part des médias». Depuis quelques années, les CSR accompagnent aussi des hommes qui, à leurs sentences, ont été désignés délinquant à contrôler. Cette ordonnance de surveillance de longue durée prolonge, au-delà de la date d'expiration de la peine, la période durant laquelle le Service correctionnel Canada (SCC) peut surveiller et soutenir un délinquant sexuel dans la collectivité.

« L'objectif premier des cercles de soutien et de responsabilité est de faire en sorte qu'il n'y ait « plus de victimes ». Le but, par conséquent, est de « promouvoir la réinsertion sociale des délinquants libérés en leur assurant un soutien et le respect de leurs droits et en leur montrant comment se comporter de façon responsable; en échange, on attend d'eux qu'ils vivent sans présenter de danger pour la collectivité» (SCC, 2002). Se faisant, on renforce la sécurité dans la collectivité, particulièrement là où il y a des risques pour les femmes, les enfants et autres personnes vulnérables. Plus simplement, le CSR aide à assurer la sécurité pour les victimes (passées ou potentielles) en validant leurs besoins de guérison et de sécurité, tout en tenant ces ex-délinquants pour responsables de leur conduite. En retour, leurs droits en tant que citoyens sont protégés. En appuyant les ex-délinquants et en les tenant responsables de leurs choix dans la collectivité, on réduit le danger».

Toujours selon le Rapport de recherche du SCC, « les délinquants qui ont participé à un CSR présentent, pour tous les types de récidive, un taux notablement inférieur à celui des délinquants du groupe témoin qui n'ont pas participé au CSR. Plus précisément, on trouve chez les premiers une réduction de 83 % dans la récidive sexuelle par rapport au groupe témoin (2,1 % vs 12,8 %), une réduction de 73 % pour tous les types de récidive avec violence (notamment sexuelle : 8,5 % vs 31,9 %) et une réduction globale de 72 % dans tous les types de récidive (notamment avec violence et sexuelle : 10,6 % vs 38,3 %). En tout, les participants au projet des CSR étaient responsables de beaucoup moins de cas de récidive sexuelle, avec violence ou générale, que les membres du groupe témoin. Ces constatations indiquent que le lieu ne joue pas de rôle particulier dans l'incidence de la participation au CSR.

De plus, ces résultats prouvent encore davantage qu'avec une formation et une orientation appropriées, des bénévoles de la collectivité peuvent aider à améliorer la réinsertion sociale des délinquants ». De plus, les perspectives pour la communauté sont positives. Ainsi, seulement 10 % de la population sondée était à l'aise avec l'idée qu'un agresseur sexuel vive dans leur quartier mais 85 % étaient heureux d'apprendre l'existence des Cercles de soutien et de responsabilité. Et les deux tiers des répondants ont indiqué que leurs sentiments à l'égard d'un agresseur changeraient s'ils apprenaient qu'il participait à un CSR.

Ce programme est un exemple pour les pays étrangers : il s'est vu exporté dans cinq états des États-Unis, en Angleterre, en Lettonie, en Norvège, aux Pays-Bas et en Italie.