Revue Porte Ouverte

Le réseau communautaire s’ajuste, l’ASRSQ aussi!

Par Johanne Vallée,
Directrice générale ASRSQ

Budget Séguin : Mais où est passée la Loi sur le système correctionnel du Québec?

Au lendemain du premier budget du gouvernement Charest, j’ai cherché, cherché mais en vain, des indices permettant de croire que le gouvernement prenait au sérieux la réforme nécessaire du système correctionnel québécois, qui passe principalement par l’implantation de la Loi sur le système correctionnel du Québec. Malheureusement, rien dans le budget n’indique que le gouvernement mettra en vigueur la Loi sur le système correctionnel du Québec, votée il y a maintenant 2 ans. Non, rien!

Depuis son adoption, cette loi, qui se trouve en quelque sorte suspendue au-dessus du système, prend de plus en plus l’apparence d’un fantôme. On sait qu’elle est là, mais on ne la voit pas. Nos décideurs y réfèrent, prétendant qu’ils trouveront bien les moyens de la mettre en vigueur. Cette Loi habite nos esprits, guide subtilement les intervenants dans leur manière de prendre des décisions concernant la mise en liberté. Cependant, son omniprésence ne suffit pas.

Encore dernièrement, le journaliste Cédilot dénonçait dans La Presse l’importance de la circulation des informations relatives aux antécédents judiciaires. Il notait que ces informations avaient cruellement fait défaut dans le cas de la remise en liberté de Mario Bastien, le meurtrier du jeune Alexandre Livernoche. La nouvelle loi sur le système correctionnel réfère à cette question en proposant des moyens d’action pour assurer que toutes les informations nécessaires sont disponibles pour favoriser la qualité des décisions dans le processus de remise en liberté. Aujourd’hui, ces moyens demeurent toujours inexistants, ou presque.

Elle va plus loin en proposant, aux différentes instances correctionnelles, des objectifs et des principes communs. Elle réduit considérablement le flou artistique entourant la remise en liberté entre le sixième et le tiers de la sentence, en précisant les pouvoirs du directeur de l’établissement et ceux de la Commission québécoise des libérations conditionnelles. Bref, le législateur avait pris très au sérieux l’exercice à l’époque et avait fait un véritable ménage de la loi régissant les services correctionnels du Québec et la Commission des libérations conditionnelles. Le projet de loi déposé en février 2002 ne se limitait pas à des changements cosmétiques, mais proposait une réforme nécessaire.

Malheureusement, l’énergie qui caractérisait l’ensemble de l’exercice semble avoir fondu au soleil. Deux budgets se sont succédés sans que ne se pointe le moindre signe annonçant l’implantation de la Loi. Serait-il possible que les décideurs politiques comptent, dorénavant, sur la bonne volonté des intervenants pour pallier à l’absence de la loi et aux ressources budgétaires nécessaires à son implantation? Si tel est le cas, ils font erreur. Car la bonne volonté ne suffit plus depuis déjà un bon moment. C’est à bout de bras que les intervenants portent ce système et qu’ils acceptent des charges de travail bien au-delà des normes reconnues en matière d’encadrement des contrevenants. On ne peut pas leur demander d’en faire plus.

Dans un autre ordre d’idées, les délais qui entourent l’implantation de la Loi suscitent chez plusieurs des interrogations quant au respect de la démocratie. En effet, les citoyens sont en droit de s’interroger sur la légitimité du choix du gouvernement qui décide de retarder une loi adoptée à l’unanimité par l’Assemblée Nationale du Québec il y a deux ans. Un gouvernement peut-il retarder presque indûment la mise en place d’un outil adopté démocratiquement?

Enfin, ces délais alimentent grassement les ragots des plus cyniques qui croient que cet exercice législatif n’est en fait qu’un subterfuge politique utilisé au lendemain d’une crise, soit le meurtre du petit Livernoche, pour calmer la population. En fait, plusieurs ont vu dans Corbo, le dépôt de l’Avant-projet de loi, le dépôt du projet de Loi, l’étude en commission parlementaire, une série d’actions visant à épuiser l’opinion publique jusqu’à ce qu’elle se taise et qu’on puisse laisser mourir cette réforme.

Bien que l’ASRSQ n’ait jamais opté pour cette vision cynique de la stratégie politique, elle s’interroge sérieusement sur la véritable volonté qui anime nos décideurs dans ce dossier.