Revue Porte Ouverte

Les ressources humaines dans les organismes communautaires

Par Dominique Peschard,
Président de la Ligue des droits et libertés

Le permis de conduire : Plus, une carte d’identité déguisée qui correspond aux exigences des États-Unis

Le lundi 16 mars 2009, Jean Charest annonçait en grande pompe l’introduction du nouveau permis de conduire Plus, censé faciliter la vie aux Québécois voulant traverser la frontière. Le gouvernement du Québec a inséré les dispositions permettant d’introduire le nouveau permis dans la Loi modifiant le Code de la sécurité routière et le Règlement sur les points d’inaptitude adoptée en décembre 2007. Ainsi, celles-ci sont passées inaperçues et ont été adoptées sans débat.

Le nouveau permis de conduire est en fait une façon détournée d’introduire un document d’identité canadien qui répond aux exigences des États-Unis. En effet, un nouveau règlement étatsunien régissant la frontière entre les États-Unis et le Canada, le Western Hemisphere Travel Initiative ou l’Initiative relative aux voyages dans l’hémisphère occidental, est entré en vigueur le premier juin. À partir de cette date, tous les voyageurs doivent présenter un passeport ou une pièce d’identité « sécurisée » qui correspond aux normes des États-Unis.

La capacité d’identifier les individus est devenue une obsession des gouvernements à la suite des attentats du 11 septembre 2001. Le 12 décembre 2001, le Canada et les États-Unis signaient L’Accord sur la frontière intelligente. Le 9 septembre 2002, dans le cadre de cette entente qui comporte un plan d’action en 30 points, Jean Chrétien et George Bush se sont entendus sur l’identification biométrique qui en constitue le premier point : « En ce qui a trait à l’intérêt d’avoir des cartes pouvant être utilisées pour divers modes de voyage, nous nous sommes mis d’accord sur des cartes qui peuvent emmagasiner des données biométriques multiples».

La volonté de mettre en place un périmètre de sécurité nordaméricain répondant aux exigences des États-Unis a trouvé son aboutissement dans la mise en place du Partenariat pour la sécurité et la prospérité (PSP) créé en mars 2005 lors d’une rencontre entre les chefs d’États du Canada, du Mexique et des États-Unis. Dans son Plan d’action 2006-2009 en matière de politique étrangère, le gouvernement Charest a pleinement intégré les objectifs du PSP. Parmi les objectifs de cette politique, on y retrouve la volonté de renforcer « la coopération en matière de sécurité avec les États- Unis » ainsi que « la sécurité des documents d’identité émis par le Québec pour tenir compte de l’évolution des nouvelles normes nord-américaines ».

Ces permis de conduire Plus représentent une menace considérable à la vie privée et pavent la voie à la mise en place, de facto, d’une carte d’identité nationale. Rappelons que la proposition d’introduire une carte d’identité nationale au Canada a été débattue et rejetée en 2003.

Les puces d’identification à radiofréquence qui sont incorporées dans le permis et qui transmettront votre numéro d’identification personnel aux agents frontaliers sont une préoccupation majeure. Ces puces ne contiennent aucune mesure de protection, ne peuvent être éteintes et peuvent être lues à une distance de dix mètres avec un lecteur commercial peu onéreux. Selon les commissaires à la vie privée, ce dispositif pose un danger réel de filature clandestine. Il a été démontré que la chemise protectrice offerte dans plusieurs provinces ne bloque pas les signaux radiofréquence de manière fiable, ce qui représente une menace inacceptable à la vie privée.

Les nouveaux permis de conduire augmentent la quantité de renseignements colligés par les gouvernements et permettent une circulation de ces renseignements entre les différents organismes publics, y compris des gouvernements étrangers qui ne sont pas soumis aux lois canadiennes sur la protection des renseignements personnels. En effet, lorsque vous faites votre demande de permis Plus, vous signez un formulaire de consentement qui autorise l’Agence des services frontaliers du Canada à transmettre vos renseignements personnels aux douaniers américains qui les conserveront pendant 75 ans. Vous consentez également à ce qu’ils puissent «utiliser les renseignements personnels [vous] concernant à d’autres fins que celles qui sont mentionnées au moment de leur collecte».

Face à ces objections, le gouvernement de la Saskatchewan a décidé de suivre la recommandation de son commissaire à la vie privée d’abandonner le permis Plus. Le Nouveau-Brunswick et l’Île-du-Prince-Édouard ont également laissé tomber le nouveau permis et la Nouvelle-Écosse envisage de les imiter.

Au lieu d’implanter ces permis controversés au coût supplémentaire de 40$, le gouvernement fédéral devrait offrir aux Canadiens un passeport à meilleur coût. Et compte tenu des risques que ces permis posent, le gouvernement du Québec devrait suspendre la mise en place de ces permis.