Revue Porte Ouverte

Travaux compensatoires et pauvreté

Par Sylvie Hudon,
Coordonnatrice et agente de placement, programme de travaux compensatoires, Alma

Le rôle de l’intervenant

Le programme de travaux compensatoires est une mesure permettant aux personnes ayant une réalité financière précaire de payer leurs amendes en se responsabilisant, c’est-à-dire en faisant une démarche auprès des percepteurs municipaux et/ou provinciaux. Une évaluation financière est demandée aux futurs participants. Les principaux objectifs sont de régulariser leur situation; 80 % des demandes de service visent à remettre en vigueur un permis de conduire ou à en éviter la suspension. 20 % sont reliées aux amendes de l’article 736 du Code criminel (mode facultatif de paiement d’une amende).

L’agent reçoit les participants en entrevue, au bureau ou par téléphone. Il explique clairement son implication au programme de travaux compensatoires. Les rencontres permettent de mieux orienter les participants qui peuvent alors s’exprimer librement sur leurs champs d’intérêts, leurs compétences, leur environnement physique ou leur mobilité afin de faciliter le placement. De plus, l’agent se doit de les informer, les motiver et effectuer du renforcement positif, en plus de les sensibiliser aux conséquences de la conduite sans permis.

Le programme de travaux compensatoires permet à certains organismes d’effectuer des tâches qu’ils devraient autrement reporter aux calendes grecques faute de personnel, de budget ou de temps.

Notre rôle ne se limite pas qu’à faire le jumelage entre l’organisme et le participant. En tant qu’agent de placement, nous sommes confrontés aux réalités quotidiennes de l’individu (problèmes d’alcool, de toxicomanie ou de santé mentale, monoparentalité, horaire scolaire, charge financière excessive, etc.). D’autres facteurs reliés à leur mode de vie doivent également être pris en considération, notamment, dans certaines régions, celle de l’inexistence du transport en commun. L’agent de placement doit également produire les statistiques, les rapports mensuels et annuels et les faire parvenir au Ministère et au Regroupement des organismes communautaire de référence du Québec (ROCRQ).

Nos partenaires de première ligne sont les organismes d’accueil. Sans eux, le programme de travaux compensatoires n’existerait pas. Ce dernier prévoit une accréditation formelle des organismes d’accueil selon les critères exigés par le ministère de la Sécurité publique. Leur soutien financier nous permet d’entretenir un suivi permanent de l’évolution de notre banque d’organismes en maintenant des liens de confiance et en étant toujours au fait des changements.

Le soutien aux organismes est tout un défi car les besoins sont importants. Les organismes rencontrent les personnes référées pour expliquer la nature des tâches à effectuer, ainsi que leurs exigences (ponctualité, respect, honnêteté, prévenir d’une éventuelle absence, etc.). Les superviseurs des travaux doivent nous prévenir de tout manquement, ce qui engendre des mesures (appel téléphonique ou envoi d’un avis écrit). Toutes ces démarches nous assurent une relation continue essentielle à la bonne marche des travaux.

Le programme de travaux compensatoires n’est pas le seul qui sollicite la collaboration des organismes d’accueil : il y a aussi les travaux communautaires, les projets d’insertion sociale, les centres locaux d’emploi, les subventions salariales et autres. Les organismes apprécient la main-d’œuvre car les besoins sont criants et elle apporte une aide précieuse. Les gens proviennent de différentes cultures et ont un bagage d’expériences variées. Il arrive que l’organisme qui supervise le participant lui offre du travail ou de la formation suite à son passage. Le programme de travaux compensatoires permet aussi à certains organismes d’effectuer des tâches qu’ils doivent reporter aux calendes grecques faute de personnel, de budget ou de temps.

L’intervenant doit aussi savoir motiver le participant. Si une demande de service de sept heures sera perçue comme étant peu ardue à réaliser, 1500 heures auront un impact plus marqué sur la motivation de ce dernier! Le participant passera plusieurs mois à effectuer ses travaux; de plus, l’organisme devra aussi effectuer une supervision et une gestion à long terme. Les problématiques mentionnées plus haut sont toutes également des facteurs influents sur la motivation ainsi que sur la réussite ou l’échec de la demande de service. Finalement, les participants ne sont pas toujours conscients des conséquences attribuables à la fermeture de la demande de service en échec. Depuis le 16 mai 2004, la loi a été modifiée et l’incarcération n’efface plus automatiquement la dette envers le gouvernement ou les municipalités. Si le participant refuse de faire des travaux compensatoires ou s’il refuse de façon délibérée de payer ses amendes pour des infractions relatives au Code de la sécurité routière, il aura toujours une dette à sa sortie de prison...

En somme, le programme de travaux compensatoires offre beaucoup plus que la possibilité de s’acquitter de ses contraventions. Il permet aux participants de développer et renforcer leur confiance et leur estime de soi, de récupérer leur permis de conduire et dans certains cas de stabiliser leur situation ce qui, parfois, peut les ramener sur le marché du travail.