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The importance of rehabilitation

Au cours de l’été, le gouvernement a adopté en toute hâte une partie du projet de loi C-23 pour empêcher que Karla Homolka puisse obtenir sa demande de pardon ou de réhabilitation. Sur la base de cette situation hypothétique, le délai d’attente pour obtenir un pardon en cas de crimes « graves » est passé de 5 à 10 ans. Hypothétique car il n’est pas évident que Mme Homolka aurait effectivement demandé un pardon et de plus les commissaires de la Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC) pouvaient utiliser leur pouvoir discrétionnaire pour refuser cette demande.

Cet automne, le gouvernement revient à la charge et espère faire adopter le projet de loi dans son intégralité. Le projet de loi C-23B propose de remplacer le terme « pardon ou réhabilitation » par « suspension du casier judiciaire ». Cette suspension ne serait plus accordée aux personnes coupables d'un crime à caractère sexuel envers un mineur ni à celles ayant été condamnées pour plus de trois actes criminels quel qu’il soit. La CLCC disposerait d’un pouvoir discrétionnaire total pour accorder, refuser ou révoquer une suspension du casier judiciaire. La période d'inadmissibilité passera de 3 à 5 ans pour certains crimes mineurs, et de 5 à 10 ans pour les crimes plus graves. En outre, le demandeur devra prouver qu'une suspension facilitera sa réhabilitation.

Si on examine les chiffres, on s’aperçoit que selon la Gendarmerie royale du Canada (GRC), près de 4 millions de Canadiens ont un casier judiciaire, soit environ 15% de la population adulte. Depuis 1970, selon la CLCC, un peu plus de 400 000 Canadiens se sont vu accorder un pardon et environ 97% de ces pardons sont encore en vigueur (un pardon est automatiquement révoqué en cas de récidive). Donc, une minorité de contrevenants (10%) obtiennent un pardon et la grande majorité (97%) ne commet pas un nouveau délit.

Alors, pourquoi vouloir resserrer les conditions d’accès au pardon, voire le rendre impossible? Le gouvernement avance l’argument suivant : « l’État n’a pas à pardonner, cela revient aux victimes de le faire ». Cet argument est irrecevable puisqu’en matière criminelle, c’est à l’État que notre société a donné la responsabilité d’agir lorsqu’un acte criminel a été commis. Si l’État condamne, il doit aussi pouvoir pardonner ou réhabiliter (il s’agit d’ailleurs du terme officiel dans la loi). Rendre le pardon plus difficile ne fera qu’augmenter les difficultés pour les personnes contrevenantes de se réinsérer dans la société. Autre argument utilisé par le gouvernement : « il faut dorénavant penser d’abord aux victimes ». Nous ne voyons pas en quoi ce projet de loi apportera un soutien supplémentaire aux victimes. Les victimes ont besoin d’aide et de support or, le 19 avril 2010, dans une entrevue exclusive avec l’Agence QMI, Steve Sullivan, l’ombudsman des victimes de crime, indique que les fonds visant à contrer la criminalité résultent en une baisse du financement pour les programmes et services offerts aux victimes. Des millions de dollars ont été supprimés en subventions pour les services et pour divers projets venant en aide aux victimes de crime, bien que les conservateurs mettent de l’avant diverses initiatives visant à accroître la sécurité publique comme l’élargissement du registre d’ADN, selon Steve Sullivan. Il existe des moyens d’aider les victimes mais ce n’est pas toujours en durcissant le système pénal…

Selon Le Petit Robert, pardonner signifie : «Tenir une offense pour non-avenue, ne pas en garder de ressentiment, renoncer à en tirer vengeance». Pardonner est une des pratiques informelles les plus courantes en société : elle fait partie du savoir-vivre collectif. Le pardon peut toutefois prendre un caractère beaucoup plus formel dans des situations considérées comme étant plus problématiques. Par exemple, tel a été le cas en 2008 lorsque le premier ministre Harper a formulé officiellement les regrets les plus sincères de la société canadienne et une demande de pardon aux Premières Nations dans le dossier des pensionnats indiens.

Le pardon constitue donc un des fondements tant de notre vie sociale que de notre système de justice. On considère ici qu’une personne qui a fait la preuve qu’elle s’est reprise en main de façon responsable peut faire l’objet d’un pardon de la part de la société. Dans ce cas, le pardon se situe alors à l’étape ultime d’un long processus de normalisation des rapports de la personne contrevenante avec la société, processus au cours duquel celles-ci cherchent à se réconcilier. La question du pardon ou de la réhabilitation nous ramène fondamentalement à un choix : celui de la vengeance ou celui de la réconciliation. Malheureusement, le gouvernement de par son discours alimente le conflit lorsqu’un délit est perpétré. C’est pourquoi nous ne pouvons soutenir les orientations mises de l’avant dans ce projet de loi. En lieu et place, nous invitons plutôt les parlementaires à trouver d’autres voies permettant de réformer le système de réhabilitation afin qu’il soit mieux à même de restaurer les liens sociaux qui ont été mis à mal par la commission d’un délit.

Ont approuvés et signés ce texte :

  1. Professeurs et chargés de cours de l’École de criminologie de l’Université de Montréal : (14)
    Sylvie Archambault Marie-Andrée Bertrand Pierre Tremblay Dianne Casoni  Estibaliz Jimenez Jean Poupart Marion Vacheret Jo Anne Wemmers Mylène Jaccoud Marie-Marthe Cousineau Benoît Dupont Valérie Préseault  Samuel Tanner Massimiliano Mulone
  2. Professeurs du département de criminologie de l’Université d’Ottawa : (10)
    Véronique Strimelle, Ph.D. Jean-François Cauchie, Ph.D. Jennifer Kilty, Ph.D. Daniel Dos Santos, Ph.D. Dominique Robert, Ph.D. David Joubert, Ph.D. Line Beauchesne, Ph.D. Bastien Quirion, Ph.D. Sandra Lehalle, Ph.D. Joanne Cardinal, Ph.D.
  3. Guy Lemire, ex-directeur de l’établissement de détention de Cowansville et ex-directeur de l'École de criminologie de l'Université de Montréal
  4. Me Debora De Thomasis, vice-présidente, Association des avocats de la défense de Montréal
  5. Marie-Marthe Cousineau, présidente, Société de criminologie du Québec
  6. Pierre Lord, directeur, Centre d’hébergement l’Entre-Toit
  7. Conseil des églises pour la justice et criminologie du Québec
  8. Bernard Cartier, directeur, Corporation maison Charlemagne
  9. Daniel Bellemare, directeur, Maison Radisson
  10. Marc Meloche, directeur, Transition centre Sud
  11. Marcel Veilleux, directeur, société Emmanuel-Grégoire
  12. Anne Simard, directrice, CRC Le Pavillon
  13. Jean-François Albert, directeur, Centre d’intervention Le Rond Point
  14. André Labelle, directeur, Maison jeun’aide
  15. Hélène Gagnon, directrice, La Jonction
  16. Richard Gagnon, directeur, CRC outaouais
  17. Léo Croteau, directeur, Centre de ressources pour délinquant inc.
  18. Michel Gagnon, directeur, Maison Cross Roads
  19. Josée Rioux, directrice, RIMAS
  20. Yannick Faucher, directeur, Carrefour Nouveau Monde
  21. Gaétan Cloutier, directeur, SAPC
  22. François Bérard, directeur, Maison St-Laurent
  23. Sylvie Lagacée, directrice, CRC Arc-En-Soi
  24. Guy Serge-Ducharme, directeur, CRC Curé-Labelle
  25. Nicole Raymond, directrice, SACO
  26. Christian Morin, directeur, ACSM Saguenay
  27. Michèle Michaud, directrice, Réhabilitation de Beauce
  28. Centre de service de justice réparatrice
  29. Jean-Claude Bernheim, président de l’Office des Droits des détenu -e-s (ODD)
  30. Yves Boileau, directeur, Maison l’Intervalle
  31. Serge Béchard, directeur, CRC Amos
  32. Cinthia Bourque, directrice, Centre sur l’Autre-Rive
  33. Madeleine Ferland, directrice, Corporation de la Maison d'accueil le Joins-toi
  34. Diane Picknell, directrice, ROCRQ
  35. Sara Martinet, directrice, CIVAS Estrie et Montérégie
  36. Bertrand Gagné, directeur, Diogène
  37. Pierrette Cliche, directrice, Expansion-Femmes de Québec
  38. Johanne Michel, directrice, CRC Essor
  39. Service Relance
  40. Centre de placement spécialisé du Portage, 
  41. Luc Forest, directeur, Centre de jour l'espadrille
  42. Raymond Charlebois, directeur, CRC Joliette
  43. Suzanne Gravel, coordonnatrice, Groupe de défense des droits des détenus
  44. Derek Tremblay, directeur, Auberge du cœur sous mon toit