Porte Ouverte Magazine

Loi sur le système correctionnel du Québec

By Catherine-Eve Roy,
ASRSQ

La CQLC au cœur de la Loi

Dernièrement, les discours entourant la Loi sur le système correctionnel du Québec faisaient surtout mention de l’entente de partenariat reliant les Services correctionnels du ministère de la Sécurité publique et les organismes communautaires œuvrant dans la réinsertion sociale des personnes contrevenantes. Remarquable, cette association devait obligatoirement être soulignée à grands traits. Toutefois, un acteur important a été passé sous silence, bien que sa présence dans l’équation de la réinsertion sociale soit fondamentale! Nommée à la toute première clause des principes généraux de la nouvelle loi, la Commission québécoise des libérations conditionnelles (CQLC) aura, dorénavant, une plus grande emprise dans le processus évaluatif des contrevenants désirant bénéficier d’une mise en liberté et ce, au profit de la crédibilité du système de libérations conditionnelles québécois.

«Littéralement, la CQLC est en formation continue? Si, en temps normal, les employés suivent une formation annuellement, il y en a déjà sept qui sont prévues cette année.»

Afin d’en apprendre davantage sur les changements majeurs qu’apporte la loi sur les activités de la CQLC et de connaître les répercussions qu’ils engendrent pour l’organisation, l’ASRSQ a rencontré M. André Vincent1 et M. David Sultan, respectivement président et viceprésident de la Commission.

Les nouveautés

Désormais, les personnes contrevenantes pourront bénéficier, sous certaines conditions, d’une nouvelle mesure de mise en liberté : la permission de sortir. Selon M. Vincent, celle-ci «se situe dans un cadre à la fois légal et philosophique». Il s’agit d’une sortie préparatoire à une libération conditionnelle qui s’effectue sur demande et à l’initiative de la personne, comparativement à la sollicitation d’une libération conditionnelle qui est établie à une date fixe. La requête pour une permission de sortir est donc une démarche personnelle qui nécessite des efforts supplémentaires de la part du contrevenant. La sortie doit être revendiquée pour un seul motif, tel que l’emploi, qui est relié à la problématique du demandeur. Sa durée ne peut excéder 60 jours.

Quant aux victimes, celles-ci doivent être informées d’un ensemble de dates, de décisions et d’événements relatifs à la personne contrevenante. La Commission québécoise des libérations conditionnelles, pour ce mandat communicationnel, doit ainsi divulguer à une victime la date de l’admissibilité de la personne contrevenante pour une permission de sortir préparatoire à la libération conditionnelle, une permission de sortir pour visite à la famille et une libération conditionnelle, ainsi que les décisions rendues, les conditions qui y sont rattachées et la destination de la personne lors de sa sortie. Elle doit également partager toute révision d’une demande, le délai d’examen et la décision prise. Afin que les victimes maîtrisent davantage leurs droits en matière de mise en liberté, le ministère de la Sécurité publique a produit un dépliant à leur intention : Les victimes et la Loi sur le système correctionnel du Québec.

M. Sultan note également un autre apport des nouvelles normes. «Avec la mise en application de la loi, un policier pourra, sans mandat, procéder à l’arrestation d’une personne, s’il a de bonnes raisons de croire que cette personne brise des conditions de sa libération conditionnelle.» La validité de cette arrestation sans mandat est de 12 heures. La communication entre les corps policiers et la CQLC revêt donc un caractère d’importance.

En terme de ressources humaines, la Loi sur le système correctionnel du Québec assure également une augmentation des effectifs. En plus des membres à temps plein et des commissaires issus de la communauté, une nouvelle catégorie de personnel a donc été annoncée : les commissaires à temps partiel. Au nombre de 15, ces derniers siègeront au besoin sur les comités.

Indéniablement, la Commission québécoise des libérations conditionnelle est sujette à des bouleversements. Tel que le stipule M. Sultan, ceux-ci ne se manifestent pas seulement dans le mandat de l’organisation. «Les impacts ont également été considérables en matière de logistique : il a fallu doubler les activités de la Commission et son personnel, afin d’assurer la réalisation des nouveaux principes d’application.» De plus, l’organisation a dû mettre sur pied un programme de formation rigoureux, tant pour les nouveaux membres du personnel que «Littéralement, la CQLC est en formation continue? Si, en temps normal, les employés suivent une formation annuellement, il y en a déjà sept qui sont prévues cette année.» Loi sur le système correctionnel du Québec pour les anciens, qui devaient se familiariser avec les récentes mesures, telles que la permission de sortir. Littéralement, la CQLC est en formation continue! Si, en temps normal, les employés suivent une formation annuellement, il y en a déjà sept qui sont prévues cette année.

La foi du système

Avec la Loi, le ministère de la Sécurité publique témoigne de sa foi envers le système de mises en liberté québécois, en valorisant entre autres celui-ci pour assurer la protection du public. Manifestement, cette reconnaissance est un gage de réussite pour la Commission, tel que souligne son viceprésident. «Le programme fonctionne très bien. Pas parfaitement. Pour la simple et bonne raison que ce sont des humains qui sont gérés. Pas des machines. (…) Il y a donc quelque chose qui doit fonctionner au Québec, car on a le taux de criminalité le plus bas et celui-ci est encore à la baisse.»

Pour son processus décisionnel, la Commission québécoise des libérations conditionnelles procède à des pronostics basés sur un ensemble de critères. La décision doit d’abord voir à ce qu’il y ait un équilibre entre l’évaluation du risque acceptable pour le public et profitable pour le contrevenant. La demande doit également répondre à trois questions fondamentales et interdépendantes. Existe-t-il un réel danger pour la sécurité publique? Quel est le potentiel de réinsertion de la personne? Existe-t-il des ressources, en communauté, qui pourront l’appuyer? Finalement, l’évaluation doit être effectuée dans une perspective d’ensemble. À cet effet, M. Vincent mentionne que les commissaires ne sont pas des cliniciens; ils prennent en compte tous les éléments du dossier afin de prendre leur décision. En ne faisant qu’appliquer les lois. «Il ne s’agit pas de faire plaisir aux gens.» Dans l’optique de conserver la neutralité et la sensibilité d’un comité, M. Sultan affirme que sa composition demeure importante. «À force de baigner dans le sujet de la criminalité, on finit pas la banaliser. Le regard nouveau et la sensibilité du commissaire issu de la communauté sont donc fondamentaux. Ce membre représente le gros bon sens, M. et Mme Tout-le-monde.»

L’implication du réseau communautaire

La Loi sur le système correctionnel du Québec est un engagement entre différents acteurs de la réinsertion sociale. Une entente qui nécessite une étroite collaboration entre ceux-ci. Pour certaines mises en liberté, le rôle des organismes communautaires revêt une grande importance, car ce sont eux qui auront le mandat de surveiller et d’encadrer les personnes contrevenantes. Dans cette perspective, la CQLC estime que la coopération doit transcender les relations entre les partenaires impliqués. De plus, le président et le vice-président de la Commission signalent avoir des attentes envers le milieu communautaire. Entre autres, ils comptent sur eux pour voir au respect des différentes conditions imposées à leurs clients et pour dénoncer les manquements, s’il y a lieu. Ils s’attendent également à une certaine transparence dans la gestion des cas.

Les défis de la CQLC

Bien que la loi ait été officiellement mise en application, les ajustements sont loin d’être terminés, d’autant plus que d’autres modalités ne sont pas encore effectives. La Commission est donc sous le mode «rodage».

En portant leur regard vers l’avenir, M. Vincent et M. Sultan formulent quelques défis que la Commission aura à relever. «Le principal défi de la CQLC se réfère à sa crédibilité : les perceptions du public, leurs confusions quant aux types de libération (libération provisoire, sursis, sentences discontinues, etc.). Une éducation populaire est définitivement à faire. Il faut expliquer pour que les gens comprennent.» Ce mandat n’étant pas sans danger, les deux hommes demeurent conscients qu’ils devront exercer une forme d’influence non-réciproque. «Il ne faut surtout pas perdre notre autonomie décisionnelle en étant entraînés par la population, les organismes communautaires, les groupes de pression…» La neutralité semble être la clé de la réussite de la Commission québécoise des libérations conditionnelles.


1 Au moment de l’entrevue, M. Vincent était toujours président de la CQLC. Depuis, il a quitté son poste. Il est désormais juge de la Cour supérieure du Québec pour le district de Montréal. C’est Mme Marie-Andrée Trudeau qui a été nommée présidente de la CQLC.