Porte Ouverte Magazine

Loi sur le système correctionnel du Québec

By Jean-François Cusson,
ASRSQ

Négociations entre les SCQ et le réseau communautaire : Transparence, honnêteté et partenariat

Lorsque le ministre de la Sécurité publique a annoncé, en avril 2006, l’implantation de la Loi sur le système correctionnel du Québec, après que le gouvernement ait accepté d’investir les sommes nécessaires, il fallait maintenant, pour les SCQ, tout mettre en branle pour respecter l’échéancier du 5 février 2007. Il y avait moins d’un an pour réaliser une profonde réforme des services correctionnels. Gilles Soucy des SCQ signale que les services correctionnels avaient commencé le travail bien avant. «Parce qu’on y croyait, on avait déjà amorcé les efforts pour qu’elle puisse être implantée progressivement et ce, dès 2002. N’oublions pas que l’implantation est progressive et elle devrait se terminer au printemps 2008.»

Le souffle coupé

«Lorsque nous avons su que nous avions huit mois pour assurer la mise en vigueur de la Loi, rapporte Nicole Quesnel des SCQ, plusieurs ont eu le souffle coupé. Comment réussir un travail colossal si rapidement?» Afin d’éviter ce genre de question propice à susciter le doute, celle qui était chargée d’orchestrer l’implantation a préféré accepter la date du 5 février 2007. «Ce n’était pas le temps de savoir si les délais étaient réalistes. Je ne m’intéressais pas à ce qui allait m’empêcher de réussir. Je voulais connaître ce que ça nous prenait pour y arriver.»

Pour les SCQ, la préparation visant la mise en vigueur de la Loi s’est avérée être un exercice complexe. En effet, elle impliquait des changements majeurs dans tous les secteurs de l’organisation et des retards pouvaient facilement paralyser la machine.

De front, les SCQ devaient traiter, en même temps, de plusieurs éléments : le recrutement du personnel, les relations de travail et les questions liées au code de déontologie, le respect des normes légales et administratives, l’immobilisation, l’informatique, l’implantation d’un outil actuariel, la redéfinition des rôles des professionnels et de la philosophie d’intervention, les négociations avec le communautaire et consolidation des liens, l’implantation de programmes correctionnels, l’amélioration de la recherche, l’accès à de l’information de qualité pour les intervenants, etc.

Les négociations avec le communautaire

La Loi insistait sur la collaboration avec le réseau communautaire. Le ministre ayant annoncé qu’il désirait confier 52 % des cas de suivi en communauté aux organismes communautaires, il fallait maintenant négocier une entente de partenariat entre les deux réseaux. La présente démarche avait comme objectif de confier environ 8 000 délinquants au réseau communautaire pour une enveloppe budgétaire supérieure à 8 M $.

Daniel Bellemare avait participé activement, pour l’ASRSQ, aux démarches qui ont mené à la mise en vigueur de la Loi. Il avoue qu’il a été surpris d’apprendre que le ministère désirait confier autant de délinquants au réseau communautaire. «J e ne m’attendais pas à ça et sur le coup, j’ai trouvé ça énorme. Mais je savais que le réseau communautaire pouvait aider les SCQ à réduire les irritants qu’ils connaissaient.»

Gilles Soucy, qui représentait les SCQ lors des négociations (avec Solange Bastille, Nicole Quesnel et Maryse Allard), était bien conscient de l’ampleur de la tâche puisqu’il n’existait pas de précédent en la matière au Québec. Pour lui, il était essentiel que le communautaire réalise pleinement l’importance de son nouveau statut et la ferme volonté du gouvernement de collaborer avec lui. «Au départ, explique Gilles Soucy, je craignais qu’il ne réalise pas les enjeux et qu’il adopte une attitude de grande méfiance face au gouvernement.»

C’est le 19 juillet 2006 que la première séance de négociation eut lieu. En fait, il s’agissait surtout d’évaluer le fonctionnement des douze rencontres qui allaient suivre. C’est avec une certaine curiosité que les représentants du communautaire se sont présentés à la première séance de négociation. «D ’ailleurs, explique Patrick Altimas de l’ASRSQ, nous venions de participer à des négociations qui s’étaient terminées avant la période estivale. Le processus s’était donc bien déroulé, comparativement à l’année précédente où nous avions conclu beaucoup plus tard en décembre. Il s’agissait d’un bon signe pour les négociations à venir.»

Le réseau communautaire, de son côté, réalisait bien qu’il s’agissait d’un moment historique et déterminant pour les relations avec les services correctionnels. Pour Daniel Bellemare (qui représentait l’ASRSQ lors des négociations avec Marc Meloche, Réal Boyer et Patrick Altimas), c’était le moment tout indiqué pour constater «si l’attitude des représentants allait être cohérente par rapport au message de partenariat que proposait la Loi et que le ministre avait annoncé».

Aux côtés de l’ASRSQ, lors des négociations, on retrouvait aussi Nicole Raymond du Regroupement des organismes communautaires de référence du Québec (ROCRQ - travaux compensatoires) qui avait un intérêt à soutenir les SCQ dans les régions éloignées où il serait difficile de trouver des organismes pour assurer le suivi communautaire. «Nous ne voulions pas entrer en compétition avec les ressources déjà existantes, mais certains de nos membres étaient prêts à combler les besoins qui pouvaient se présenter.»

Le début d’une nouvelle ère?

Lors du début des négociations, Marc Meloche s’est dit agréablement surpris de la façon dont les SCQ se sont organisés afin de faire face aux exigences de la Loi et de l’esprit dans lequel ses représentants se sont présentés. «La Loi insistait sur la rigueur. On voyait qu’ils étaient sérieux et qu’ils prenaient les moyens nécessaires. Le choix de Gilles Soucy, par les SCQ, était judicieux. Il s’agissait d’un homme rationnel. Ça faisait du bien parce que par le passé, les discussions étaient souvent émotives. La dynamique de la négociation était différente de celles auxquelles j’avais déjà participé. Cette fois, les négociations concernaient beaucoup plus l’entente sur des textes, des principes et des façons de faire que sur l’aspect financier que nous n’avons pas touché. Dans le fond, il fallait s’entendre sur un accord de partenariat. Comment tout ça allait se traduire?»

Pour Daniel Bellemare, les négociations entre les SCQ, le ROCRQ et l’ASRSQ ont permis de bien cibler les enjeux et les objectifs de la nouvelle Loi. «Chacun travaille à un même but à partir de son expertise. Lors des négociations, il y a eu une ouverture hors du commun des SCQ. Il était possible de mettre les enjeux sur la table afin de trouver les solutions. Pour moi, c’est phénoménal. Il n’était plus nécessaire de faire autant appel au politique… Le lien de confiance entre le réseau et les SCQ était au plus bas (voir texte précédent). J’ai maintenant l’impression que nous avons parcouru tout un chemin. La Direction générale des services correctionnels a démontré une grande cohérence autant en parole qu’en action. Les démarches ont été honnêtes et transparentes. Je lève mon chapeau aux représentants des SCQ, ils ont relevé brillamment le défi.»

Cette ouverture, Gilles Soucy l’a aussi constatée chez les représentants du réseau communautaire. «Ce qui nous rallie tous, c’est que ces changements se font dans l’intérêt du contrevenant. J’ai beaucoup apprécié le climat de transparence et de confiance dans lequel les négociations ont été tenues. Tout ça s’est effectué dans un esprit de partenariat. C’est la complémentarité du communautaire aux activités des SCQ qui représente la pierre angulaire de ce partenariat. Je considère que la mise en application de cette loi est une bouffée de fraîcheur pour le système correctionnel. Il s’agit d’une page d’histoire qui donne des lettres de noblesse tant au communautaire qu’aux SCQ. Je souhaite que les gens du communautaire croient en la reconnaissance que le gouvernement leur a donné dans la loi. Le communautaire n’est pas qu’une option dans la gestion du contrevenant. C’est une nécessité incontournable. Un véritable acteur dans le système correctionnel.»

Les représentants des SCQ se disent aussi extrêmement satisfaits du climat qui a prévalu lors des séances de négociation. Nicole Quesnel précise qu’ils n’avaient rien à cacher autant auprès du communautaire que du syndicat qui s’est opposé à la participation accrue du réseau communautaire, prétextant que le gouvernement créait ainsi une fonction publique parallèle.

Même si elle reconnaît la qualité du travail qui s’est effectué lors des négociations, Nicole Raymond regrette que peu de membres du ROCRQ aient été sollicités pour le suivi en communauté. Le ROCRQ s’attendait à ce que d’autres membres puissent collaborer avec les SCQ en région éloignée lorsqu’il n’y avait pas d’autres organismes communautaires impliqués auprès des délinquants adultes. «C’est dommage parce qu’ils auraient très bien pu faire le travail. Toutefois, nous sommes bien heureux d’avoir participé à cet exercice qui a permis de mettre en place un meilleur partenariat entre le communautaire et les SCQ.»

Tout n’est pas terminé

Même si les négociations sont terminées et que les activités de suivi en communauté sont déjà bien implantées, il reste encore beaucoup à faire. D’ailleurs, l’implantation de la loi devrait se terminer au printemps 2008. De plus, les SCQ et l’ASRSQ ont convenu de mettre en place une structure qui permettra d’effectuer un suivi concernant les activités de suivi en communauté. Gilles Soucy rappelle qu’«au cours des prochains mois, nous rencontrerons des difficultés qu’il faudra discuter au fur et à mesure qu’elles se présenteront. Les défis qui nous attendent sont majeurs. Il faudra aussi maintenir l’engagement et le dynamisme de notre personnel et continuer à développer une relation de confiance avec le milieu communautaire. Je sens beaucoup d’engouement et d’ouverture chez les gestionnaires de part et d’autre. Les gens veulent que ça fonctionne.»

Les représentants des SCQ tiennent à souligner la maturité et le sens des responsabilités dont ont fait montre l’ASRSQ et le ROCRQ au cours des négociations. L’esprit de collaboration qui s’est installé y est pour beaucoup dans le succès de l’implantation du suivi dans la communauté.

Pour Nicole Quesnel, les travaux qui ont entouré la collaboration et la négociation avec le réseau communautaire représentent un virage très important pour les SCQ. «C’est aussi gros que l’implantation des ressources d’hébergement communautaires qui s’est amorcée au milieu des années 70. Il avait alors été nécessaire de prendre le temps d’expliquer leur rôle et leur capacité à bien s’occuper des délinquants. Maintenant, les gens sont très à l’aise avec le fait que ces organismes hébergent des délinquants. Il faut donc faire la même démarche en ce qui a trait au suivi, puisqu’on y rencontre parfois le même genre de résistance.»

De cet exercice, Gilles Soucy (qui a pris sa retraite en juin dernier) retient que «l’être humain va toujours passer en avant de la paperasse. Dans le milieu correctionnel, on retrouve plein de personnes de cœur qui n’ont pas la visibilité et surtout la reconnaissance qu’ils méritent. Ils ont m’on plus grand respect».

Du côté de l’ASRSQ, Marc Meloche conclut en insistant sur l’importance pour l’Association «d’être en mesure de refléter à nos membres le changement de cap majeur de la part des SCQ dont nous avons été témoins. On ne devrait maintenant plus douter de l’importance du réseau communautaire aux yeux du gouvernement. Même si nous savions, par le passé, que nous jouions un rôle essentiel, le tout nous est maintenant confirmé de façon officielle».