Porte Ouverte Magazine

Médias, opinion publique et criminalité

By Lucie Pelchat,
Conseillère en communication, Commission québécoise des libérations conditionnelles

35 ans d'histoire - La CQLC d'hier à aujourd'hui

Il y a de cela 35 ans, soit le 8 juin 1978, l’Assemblée nationale adoptait la Loi favorisant la libération conditionnelle des détenus et créait par la même occasion la Commission québécoise des libérations conditionnelles. Cette initiative constituait la pièce maîtresse d’un système correctionnel intégré permettant au Québec de décider de façon indépendante des mises en liberté sous condition des peines de moins de deux ans. Rappelons que jusqu’alors, cette compétence était exercée par la Commission nationale des libérations conditionnelles, en application d’une loi fédérale.

Les origines

Historiquement, la libération conditionnelle apparaît pour la première fois en Europe, notamment en Angleterre, au début du XIXe siècle, alors que le gouvernement britannique cherche une façon de recruter la main-d’œuvre nécessaire au développement des colonies outre-mer. C’est par le « ticket of leave » que des centaines de détenus sont libérés des prisons surpeuplées d’Angleterre pour être envoyés aux Bermudes et en Tasmanie. Au Canada, le concept de la libération conditionnelle voit le jour en 1899 alors que la Loi sur la libération conditionnelle est inspirée, presque mot pour mot, de la loi britannique. Les prisonniers en liberté conditionnelle doivent accepter d'obéir à la loi, s'abstenir de mener « une vie oisive et dissolue » et éviter de s'associer à des « personnes notoirement de mauvaises moeurs ». À la fin des années 50, à la suite des recommandations du Rapport Fauteux, le Parlement canadien abroge l’ancienne Loi sur les libérations conditionnelles et la remplace par la Loi sur la libération conditionnelle des détenus. Apparaît alors le principe de la réhabilitation.

1959

Adoption de la Loi sur la libération conditionnelle des détenus et création de la Commission nationale des libérations conditionnelles qui exerce une compétence exclusive en matière de libération conditionnelle pour toutes les personnes incarcérées au Canada.

1977

Modification de la Loi sur la libération conditionnelle des détenus habilitant les provinces à former leur propre commission de libération conditionnelle afin de rendre des décisions concernant les délinquants relevant de l’autorité provinciale. Trois provinces se prévalent du pouvoir qui leur est accordé et créent leur propre commission : l’Ontario (1978), le Québec (1978) et la Colombie-Britannique (1980).

Les débuts au Québec

1978

Une réforme en matière de gestion de la peine d’incarcération amène le gouvernement du Québec à adopter la Loi favorisant la libération conditionnelle des détenus et à créer par la même occasion la Commission québécoise des libérations conditionnelles (CQLC). Le ministre de la Justice de l’époque, Me Marc-André Bédard, fonde sa réforme sur :

  • L’importance de la réinsertion sociale des personnes contrevenantes;
  • Une plus grande autonomie en matière d’administration de la justice et de libération conditionnelle;
  • L’examen automatique des cas au tiers de la peine;
  • La participation de la collectivité au processus décisionnel par l’entremise de membres à temps partiel répartis sur tout le territoire du Québec.

La loi provinciale établit les champs de compétence de la Commission et des Services correctionnels du Québec. Les Services correctionnels ont le pouvoir d’autoriser des absences temporaires pour motif de réinsertion sociale à toutes les personnes contrevenantes purgeant une peine de moins de deux ans, entre le 1/6 et le 1/3 de leur peine. La Commission, quant à elle, détient une juridiction exclusive au 1/3 de la peine pour les personnes contrevenantes purgeant une peine de six mois à deux ans moins un jour. Elle peut également se prononcer en appel d’une décision des Services correctionnels du Québec à la suite d’un refus d’absence temporaire pour réinsertion sociale ou de révocation d’une absence temporaire pour un motif médical, humanitaire ou de réinsertion sociale.

L’évolution

1982

L’adoption de la Charte canadienne des droits et libertés relance le débat au sujet du juste équilibre à établir entre les droits de l’individu et les intérêts de la collectivité. Pour une instance décisionnelle comme la Commission, le devoir d’agir équitablement exige que la personne contrevenante puisse faire valoir son point de vue et incite donc à une meilleure transparence notamment en regard des motifs reliés aux décisions.

1992

La Loi sur la libération conditionnelle de détenus (loi fédérale) est remplacée par la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Cette nouvelle loi se caractérise par le fait qu'elle définit l'objectif et les principes de la mise en liberté sous condition. Elle précise que « la mise en liberté sous condition vise à contribuer au maintien d'une société juste, paisible et sûre en favorisant, par la prise de décisions appropriées quant au moment et aux conditions de leur mise en liberté, la réadaptation et la réinsertion sociale des délinquants en tant que citoyens respectueux des lois ». Le premier principe qui doit guider les membres de la Commission dans leurs décisions réside avant tout en la protection de la société.

2002

Adoption à l’unanimité par l’Assemblée nationale de la Loi sur le système correctionnel du Québec qui modifie les pratiques des Services correctionnels du Québec, de la Commission québécoise des libérations conditionnelles, ainsi que des organismes communautaires et de tous les autres intervenants du système correctionnel dans l’exercice de leurs mandats respectifs. Outre la juridiction qu’elle exerçait déjà en matière de libération conditionnelle, la Commission se voit attribuer, par la nouvelle Loi sur le système correctionnel du Québec, de nouveaux pouvoirs relatifs à la permission de sortir préparatoire à la libération conditionnelle à partir du sixième d’une peine d’incarcération de six mois à deux ans moins un jour.

La nouvelle Loi crée également la mesure de permission de sortir pour visite à la famille qui permet aux personnes contrevenantes à qui la libération conditionnelle est refusée, cessée ou révoquée au tiers de la sentence, de demander une permission de sortie d’un maximum de 72 heures afin de visiter leur famille.

2006

La modification de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels permet à la Commission de transmettre, à quiconque en fait la demande par écrit, copie d’une décision qu’elle a rendue. Cette accessibilité aux décisions de la Commission garantit auprès du public et des victimes la transparence des processus de mise en liberté sous condition.

2007

La Loi sur le système correctionnel du Québec entre en vigueur en deux phases soit :

  1. Le 4 février 2007 alors, qu’entre autres, les dispositions relatives aux victimes et à la permission de sortir préparatoire à la libération conditionnelle prennent effet;
  2. Le 3 juin 2007 alors que les dispositions relatives à la permission de sortir pour visite à la famille prennent effet.

L’importance de disposer de renseignements fiables sur la personne contrevenante et une plus grande transparence du processus décisionnel sont de nouveaux éléments qui influencent la Commission. Par ailleurs et pour la première fois, le texte législatif tient compte du rôle et des droits des victimes. La Commission doit prendre toutes les mesures possibles pour communiquer diverses informations aux victimes visées par une politique gouvernementale en violence conjugale, en agression sexuelle et en pédophilie. Les dispositions de la Loi prévoient également qu’une victime peut transmettre des représentations écrites à la Commission qui seront considérées lors de l’analyse du dossier de la personne contrevenante.

Aujourd’hui

La Commission est composée de 54 membres (11 à temps plein, incluant la présidente et le vice-président, 17 à temps partiel, 26 issus de la communauté) et 36 employés répartis dans ses bureaux de Québec et de Montréal.

La Commission québécoise des libérations conditionnelles demeure plus que jamais guidée par des principes essentiels :

  • La protection de la société;
  • Une réinsertion sociale graduelle et sécuritaire;
  • Le respect des principes de droit (justice naturelle, équité et transparence);
  • L’impartialité et l’indépendance décisionnelle;
  • La collaboration avec les divers intervenants du système de justice pénale.

L’avenir présente son lot de défis. Pensons, entre autres, à tous ces éléments qui pourront nécessiter une adaptation de l’ensemble du système et qui auront une influence sur les pratiques de la Commission : les transformations de l’environnement législatif, le développement des technologies, la diversité culturelle, les exigences de plus en plus grandes des citoyens en matière de transparence décisionnelle, la place des victimes dans le processus judiciaire, les changements quant au profil des délinquants. Tous ces éléments constituent autant de facteurs susceptibles de nécessiter que la Commission adapte ses pratiques en conséquence et soit en mesure d’offrir à ses membres des programmes de formation ciblés et répondant aux réalités d’une société en constante transformation.

La Commission envisage l’avenir avec ouverture tout en s’inspirant de ses acquis afin d’élaborer une vision qui lui permettra de contribuer efficacement à l’atteinte des objectifs de la Loi en ce qui a trait à la protection du public tout en favorisant la réinsertion sociale des personnes contrevenantes. La Commission s’engage à maintenir un niveau élevé d’excellence dans la réalisation de sa mission.