Porte Ouverte Magazine

Travaux compensatoires et pauvreté

By Propos recueillis par Jean-François Cusson,
ASRSQ

Des conseils pour des carottes! Confidences d’une cuisinière de maison de transition

C’est à titre de cuisinière que Constance Laflamme a découvert le milieu de la justice pénale. Après un remplacement de congé de maladie de trois semaines au Centre La Traverse situé à Sherbrooke, elle a inauguré la cuisine du CRC L’Étape en 1988. «Je ne connaissais pas ce milieu, se rappelle-t-elle, mais ça ne m’énervait pas vraiment. Les gens de mon entourage me demandaient comment j’allais faire pour côtoyer des tueurs et des violeurs. J’ai adoré cette expérience. En tant que cuisinière, je n’avais aucune autorité et c’est pour ça que les résidents venaient me voir». 

Ils venaient à la cuisine pour raconter leur vie et demander conseil. Évidemment, elle acceptait les confidences, mais à une condition : qu’ils se rendent utiles en épluchant les carottes… «Il arrivait même que certains me confient des choses assez spéciales. Dans ce temps-là, je leur demandais d’aller en parler à leur intervenant».

Un des moments les plus stressants qu’elle a vécu à la maison de transition a été l’arrestation d’un résident par la police. «Je me souviens de l’avoir vu sortir les deux mains attachées dans le dos. Cette image m’est restée et me revient lorsque nous faisons de la sensibilisation auprès des jeunes. S’ils pouvaient seulement savoir tout ce que ça peut faire vivre d’être menotté ainsi. À ce moment là de ta vie, tu n’as plus rien».

Suite à un accident, Constance Laflamme a dû quitter son emploi. Toutefois, elle aimait la corporation et le contact avec le personnel et les résidents. C’est pourquoi elle a accepté, à partir de 1993, de siéger sur le conseil d’administration du Service d’aide en prévention de la criminalité. Depuis 2000, elle en est la présidente.

C’est une fois menotté, les deux mains dans le dos, que plusieurs réalisent qu’ils n’ont plus rien.

Son expérience lui a fait voir que même chez ceux que l’on considère comme des délinquants, on retrouve de bonnes personnes. «J’ai une grande préoccupation pour ceux qui vivent des problèmes de santé mentale. Je me rends compte que nous ne sommes pas toujours bien équipés pour les aider. En transition, depuis peu, nous avons la collaboration d’un médecin et d’un psychiatre qui peuvent nous aider, au besoin».

Constance Laflamme se montre bien fière du Programme de travaux compensatoires que gère sa corporation depuis plus de 20 ans. «Il faut que les gens réalisent qu’en plus d’offrir aux personnes en difficulté financière la possibilité de payer leurs amendes en faisant des travaux, le programme profite à une multitude d’organismes. 

Bon an mal an, en Estrie, il y a environ 700 placements réussis, ce qui représente plus de 38 000 heures de travail accompli que partagent 250 organismes. Étant donné qu’ils n’ont pas à payer ceux qui effectuent des travaux compensatoires, il est possible d’évaluer que les organismes de l’Estrie bénéficient de près de 400 000 $ de travaux gratuits (à un taux horaire de 10 $). Cette manne leur permet de mieux réaliser leur mission et aussi d’accomplir des tâches multiples telles que des travaux de peinture, l’entretien intérieur et extérieur, de l’aide de tout genre, etc. Pour eux, parfois cela peut faire la différence entre vivre et survivre».

Le Service d’aide en prévention de la criminalité reçoit de nombreux témoignages de l’apport du Programme de travaux compensatoires pour les organismes d’accueil. Parmi les commentaires reçus, il ressort qu’il permet souvent de réduire l’essoufflement du personnel des organismes qui reçoivent des personnes qui effectuent des travaux compensatoires.

«On le voit, les travaux compensatoires aident de bien des façons. Aider les gens, c’est ce qui me motive à continuer et investir temps et énergie».

Pour plus d’informations sur le Service d’aide à la prévention de la criminalité, visitez le www.sapcriminalite.com.