Porte Ouverte Magazine

Vieillir et mourir en prison : Refuser l'inacceptable

By Howard Sapers,
Enquêteur correctionnel du Canada

Délinquants âgés et vieillissants dans le système correctionnel fédéral

Conformément au vieillissement général de la population canadienne, les établissements fédéraux sont de plus en plus le foyer de délinquants âgés et vieillissants. À l'heure actuelle, près du quart (23 %) de la population carcérale sous responsabilité fédérale est âgé d'au moins 50 ans (2 % ont au moins 71 ans)1. Cette population a augmenté de 101 % depuis 2003-20042. Bien que la définition d'un délinquant âgé varie, le Service correctionnel du Canada (SCC) place habituellement la barre à 50 ans pour désigner un délinquant âgé. Tant le style de vie que l'incarcération tendent à accélérer le vieillissement des délinquants.

Plusieurs facteurs entrent en ligne de compte pour ce qui est du nombre croissant de détenus plus âgés dans les établissements fédéraux :

  • Un plus grand nombre de délinquants sont condamnés à des peines d'emprisonnement plus tard dans la vie.
  • L'âge moyen d'un délinquant à l'admission dans un établissement fédéral augmente graduellement (il se situe maintenant à 33 ans).
  • Les condamnés à perpétuité s'accumulent derrière les barreaux (maintenant un détenu sur quatre).
  • De nos jours, les détenus purgent une plus grande partie de leur peine avant la première mise en liberté.

La réponse du SCC aux besoins uniques des délinquants âgés et vieillissants doit être améliorée. Le SCC n'a pas encore la stratégie nationale pour les délinquants âgés que j'ai recommandée dans mon rapport annuel de 2010‑2011. Il faut une stratégie nationale pour donner une orientation et une réforme à la gestion de cette importante population, qui est trop souvent oubliée. 

En tant que groupe, les délinquants vieillissants ont des besoins différents. Les programmes correctionnels et de formation professionnelle ne sont peut-être pas pertinents ou ne s'appliquent pas aux détenus qui approchent ou qui ont dépassé l'âge de la retraite. Ne pouvant pas participer au travail et aux programmes en établissement, certains délinquants âgés disent se sentir isolés ou marginalisés. Dans certains établissements, ils peuvent être coupés ou isolés du reste de la population en raison de leurs problèmes cognitifs ou physiques. Parmi les autres sujets de préoccupation que les détenus âgés portent à l'attention de mon Bureau, notons les éléments suivants :

  • Déplacements physiques, accessibilité et participation aux activités régulières de l'établissement (p. ex. cour, salle d'entraînement, récréation, repas).
  • Soins pour maximiser l'autonomie.
  • Vulnérabilité physique et intimidation.

Les coûts des soins de santé en milieu correctionnel augmentent en partie en raison des soins qu'il faut prodiguer pour des troubles de santé chronique associés au vieillissement. Certains délinquants âgés purgeant une peine de longue durée nécessiteront des soins palliatifs en phase terminale. En fait, chaque année, environ 35 détenus sous responsabilité fédérale meurent de causes naturelles en établissement. L'âge moyen au décès est de 60 ans; ce qui est bien inférieur à la moyenne canadienne. Bien que l'on puisse envisager des solutions de rechange pour les détenus en phase terminale, en fait, on accorde un soulagement grâce à une prérogative royale de clémence ou une libération exceptionnelle (dispositions de l'article 121 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition) que dans très peu de cas.

Malheureusement, un détenu en besoin de soins palliatifs meurt souvent avant que la paperasse et la planification de la libération soient terminées ou que le cas soit présenté à la Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC) aux fins de décision. Comme je l'ai mentionné dans mon rapport annuel de 2013‑2014, le SCC et la CLCC doivent travailler de concert pour trouver un juste équilibre entre l'application de la justice et les questions de compassion ainsi que pour accélérer l'examen des demandes faites en vertu de l'article 121.

Les établissements n'ont pas été construits en fonction des besoins des délinquants âgés. Ils n'ont jamais été destinés à servir d'hôpitaux ou d'établissements de soins de longue durée. Par contre, alors que la population carcérale âgée continue de croître, le SCC doit s'assurer d'avoir en place les ressources et les services appropriés pour mieux répondre aux besoins des délinquants âgés en matière d'autonomie. Les solutions viables doivent mettre l'accent sur des options de mise en liberté sous surveillance pour les détenus âgés purgeant des peines de longue durée qui ne représentent plus un risque important pour la sécurité publique.


1 Source : Régions du RADAR du SCC, au 14 octobre 2014.

2 Sécurité publique Canada, Aperçu statistique : Le système correctionnel et la mise en liberté sous conditions – rapport annuel (2004 et 2013). Ottawa, Sécurité publique Canada, 2004 et 2013.