Revue Porte Ouverte

50 ans d'implication

Par Jean-François Cusson,
M.Sc., criminologue, collaborateur de l'ASRSQ

L'ASRSQ vue par ses anciens présidents : authenticité, passion et rigueur

Dans le cadre de ce numéro spécial, le Porte ouverte a tenu à rencontrer plusieurs anciens présidents qui ont su, chacun à leur façon, marquer l'ASRSQ. Ce fut un exercice facile puisque tous ceux qui ont été approchés ont spontanément accepté l'invitation de venir partager le souvenir de leur passage à l'ASRSQ.

Un peu d'histoire

Fondé en 1962, l'ASRSQ résulte du regroupement de la Société d'orientation et de réhabilitation sociale de Montréal, de la Société John Howard et du Service de réadaptation sociale de Québec. Jusqu'à l'année 78-79, Pierre Couturier (1984-1988) rappelle que c'est Emmanuel Grégoire qui, à titre de secrétaire de l'ASRSQ tenait les livres de l'Association et en était le gardien. « C'est cette année-là que le secrétariat permanent fut créé et que Reneault Tremblay fut embauché comme premier directeur général. À partir de ce moment, l'Association s'est fait connaître, a pris de l'expansion et a favorisé le développement des services sociaux dispensés aux délinquants adultes », explique l'ancien président.

Gaston St-Jean (1981-1984) se rappelle que ce sont des raisons discutables qui l'ont mené au C.A. de l'ASRSQ. « À l'époque, le secteur communautaire vivait des difficultés financières et l'ASRSQ était responsable de distribuer certaines sommes d'argent. Toutefois, ça n'a pas été long avant que je reconnaisse tout le potentiel de l'ASRSQ. J'y ai rapidement pris goût », confie celui-ci.

Au cours des années, l'essor de l'ASRSQ et de son réseau a été constant. Pour Réjean Bernier (1994-1996), la force de l'ASRSQ est d'assurer la cohabitation d'univers très variés (santé mentale, CRC, toxicomanie, organisme de foi, travaux compensatoires, justice réparatrice, surveillance en communauté, etc.) tout en maintenant une excellente crédibilité aux yeux des partenaires et des bailleurs de fonds.

« Rapidement, ajoute Yves Proteau (1996-2001), j'ai réalisé combien un réseau communautaire comme le nôtre pouvait faire beaucoup avec peu. Malgré les difficultés financières et la présence d'un environnement complexe, l'ASRSQ et ses membres ont toujours trouvé le moyen de faire des choses surprenantes. D'ailleurs, j'ai pu constater le dévouement des intervenants qui travaillent souvent avec des moyens réduits. »

Guy Dalphond (1988-1994; 2001-2004) se rappelle avoir été impressionné lorsqu'il a réalisé tout ce que le secrétariat, avec le support des membres, pouvait accomplir. « À mon arrivée à titre de président, je me suis rendu compte de l'ampleur de l'action de l'ASRSQ. J'ai vite réalisé que ça prenait beaucoup d'effort pour bien faire fonctionner la machine. »

Une contribution responsable

La professionnalisation du secrétariat de l'ASRSQ a été un moment marquant dans son histoire. « Avant, on se rencontrait sans trop d'objectifs, se rappelle Gaston St-Jean. Tranquillement, on a vu le souci de s'organiser. Entre autres, on a pu créer des occasions d'échange qui ont aussi favorisé le développement de collaborations. En s'organisant encore mieux, on a réalisé qu'on pouvait faire un meilleur contrepoids aux organisations gouvernementales. Par exemple, ça devenait plus facile de négocier, autant avec le provincial que le fédéral. Cette réalisation nous a aussi rendu très fiers puisqu'on sentait une meilleure reconnaissance de notre contribution. Il y a aussi tout le travail sur les normes minimales qui a été effectué qu'il ne faut pas passer sous silence. »

Selon Guy Dalphond, l'ASRSQ a su se positionner comme un organisme qui a toujours eu la capacité de mettre la main à la pâte pour régler des difficultés rencontrées. « Ce n'est pas un réseau de contestataires professionnels et nous n'avons jamais fait de job de bras. Le réseau a compris que pour faire véritablement avancer des dossiers, il faut travailler dans un esprit de collaboration avec tous les partenaires », explique t-il.

C'est avec un exemple lié au financement qu'Yves Proteau illustre comment l'ASRSQ a su gagner en crédibilité. « Je me souviens d'une négociation lors de laquelle nous avions demandé à nos membres de faire la preuve de leur bonne gestion en réduisant leurs dépenses. En le faisant, nous avions pu démontrer notre saine gestion et notre sérieux. Ça devenait alors beaucoup plus facile de demander un meilleur financement pour nous aider à mieux faire notre travail. Je me souviens que nos interlocuteurs ont été déroutés par cette approche. Ils n'étaient pas habitués à des actions semblables », dit M. Proteau.

D'ailleurs, il insiste pour rappeler la force des bénévoles lorsqu'il s'agit de discuter financement avec les bailleurs de fonds. « Le fait que des bénévoles qui n'ont aucun intérêt personnel à gagner s'impliquent a toujours favorisé une meilleure écoute. Quand on s'assoit à une table de négociation, on a probablement plus d'impact que lorsque ce sont uniquement des salariés », affirme celui-ci. De façon générale, les présidents interrogés n'ont que de bons souvenirs de leur passage à l'ASRSQ. Toutefois, au travers des beaux moments, des situations plus difficiles ont été rencontrées. La relation houleuse entre l'ASRSQ et l'Association des résidences communautaires du Québec ne peut être passée sous silence.

Réjean Bernier (1994-1996) se rappelle du malaise qui l'habitait à voir deux associations regrouper en partie les mêmes ressources sans réussir à s'entendre. Yves Proteau ajoute : « Cet épisode a nui à la crédibilité du réseau communautaire et nous a faitperdre beaucoup d'énergie. J'avais parfois l'impression que certains oubliaient le sens de notre mission et de notre travail. » Autant Réjean Bernier que Yves Proteau sont très heureux de constater que cet épineux épisode était maintenant résolu.

La force des bénévoles

Avec le temps, l'ASRSQ est véritablement devenu un point central permettant de diffuser de l'information et de favoriser la formation des professionnels. Selon Guy Dalphond, la stabilité du réseau et l'expertise des professionnels qui le composent sont aussi une force qu'il ne faut pas négliger. Après toutes ces années, l'ASRSQ n'a connu que trois directeurs généraux : Reneault Tremblay, Johanne Vallée et Patrick Altimas. Il en est de même pour les membres. Plusieurs ont choisi de faire carrière dans le réseau et ainsi contribuer à sa bonne réputation. « C'est un peu à cause de cette stabilité que l'ASRSQ a acquis une bonne réputation, notamment auprès de différents partenaires. Même les médias ont réalisé notre sérieux et ont commencé à nous interroger de plus en plus. »

Ce qui marque, lorsque l'on côtoie un réseau comme celui de l'ASRSQ, c'est le mélange qu'on y retrouve entre les bénévoles et les professionnels. Cette réalité se retrouve bien sûr au sein de son conseil d'administration, laissant place à une expérience des plus enrichissantes.

D'emblée, Guy Dalphond avoue que les bénévoles lui ont énormément appris. « Mon passage à l'ASRSQ m'a permis de constater combien ils sont nombreux et combien ils ont des expériences et des compétences des plus variées », exprime t-il. « Ce qui est fantastique, ajoute Gaston St-Jean, c'est que l'ASRSQ est un des rares regroupements qui donne une place aussi importante aux bénévoles. »

Yves Proteau s'est rapidement rendu compte qu'il y avait beaucoup de bénévoles qui gravitaient autour de l'ASRSQ. « C'est rassurant de voir des citoyens qui s'engagent bénévolement dans un réseau comme celui de l'ASRSQ. Leur participation sur les conseils d'administration fait toute la différence puisqu'ils ont plus de facilité à prendre du recul. D'ailleurs, la présence de bénévoles et de salariés sur le C.A. amène une dynamique très intéressante. C'est fascinant de voir la complémentarité de l'expérience de chacun », précise t-il.

« Les bénévoles peuvent vraiment jouer un rôle important puisque l'ASRSQ n'a jamais entretenu une vision réductionniste de ceux-ci, ajoute Guy Dalphond. C'est incroyable de voir tout ce que mon passage dans le réseau communautaire m'a apporté sur le plan professionnel. Ça continue de m'aider dans mon travail de consultant. Je fais maintenant carrière avec ça et j'y fais souvent référence dans mes interventions. »

Yves Proteau explique à son tour comment son engagement dans le réseau communautaire a pu faire écho dans sa vie personnelle et professionnelle : « Le réseau communautaire m'a aidé à être plus terre-à-terre. Au travail, chez Desjardins, je me souviens d'une situation où un employé avait volé un membre. D'ordinaire, on l'aurait mis à la porte. Puisque j'avais intégré les valeurs de l'ASRSQ et que je croyais à la réinsertion sociale, j'avais plutôt proposé un règlement différent inspiré de la justice réparatrice. » De son passage dans le réseau de l'ASRSQ, Yves Proteau retient la nécessité de faire encore plus de place aux citoyens qui peuvent faire la différence. « L'engagement des citoyens est essentiel. Dans notre champ d'activité, il n'y a pas vraiment beaucoup d'opportunités structurées leur permettant de jouer un rôle actif. C'est pour ça que je suis heureux de constater que des citoyens continuent de s'impliquer dans des conseils d'administration », dit M. Proteau.

Selon lui, nous avons la responsabilité de mieux les rejoindre et les médias sont un moyen à ne pas négliger. «Réussir à faire le contrepoids de toute la mauvaise information qui circule au sujet de la réinsertion sociale demeure un défi important. Par exemple, lors d'une période de crise qui suit une récidive, on se retrouve souvent au coeur d'une réaction émotive. Ça dure quelques jours et puis on passe à autre chose. Ne pourrait-on pas encore plus profiter de certaines situations et assurer une présence encore plus visible auprès du public? Une fois que son l'attention a été captée par le côté sensationnaliste, ne pourrait-on pas mieux profiter de la porte qui est ouverte?»

L'union fait la force

Selon Pierre Couturier, l'impact de l'ASRSQ ne se fait pas seulement sentir auprès des membres, mais dans l'ensemble du réseau correctionnel. « L'union fait souvent la force et c'est particulièrement vrai dans le domaine des services sociaux dispensés aux délinquants adultes. C'est une clientèle négligée par trop de monde, en particulier le ministère des Affaires sociales. Trop de personnes considèrent que cette clientèle appartient à la Justice. Je n'ai jamais partagé cette opinion. C'est pour cela que l'ASRSQ est importante. Elle doit continuer à regrouper et à supporter toutes ces petites agences qui offrent des services à cette clientèle. L'ASRSQ c'est l'union et la force de toutes ces agences », assure M. Couturier.

Pour Guy Dalphond, l'ASRSQ se résume en trois mots : authenticité, passion et rigueur. Il y a bien sûr encore beaucoup de défis à surmonter et l'équipe actuelle de l'ASRSQ continue son travail acharné, avec l'engagement des membres, afin de consolider la place de l'ASRSQ sur la scène de la justice pénale au pays. Il est nécessaire de constater qu'au fil des ans, l'ASRSQ a su devenir un incontournable1 pour quiconque s'intéresse à la réinsertion sociale et à la justice pénale. Il y a de quoi être fier!


1 Il est à noter que le mot « incontournable » a été choisi avec soin puisque quiconque connaît bien Patrick Altimas, le directeur actuel, sait qu'il a cette expression en horreur et que nous aimons bien le taquiner à ce sujet. Je vous invite à communiquer avec lui afin qu'il vous explique le fond de sa pensée.