Revue Porte Ouverte

50 ans d'implication

Par Éloïse Meunier,
Coordonnatrice aux programmes et aux communications par intérim de l'ASRSQ

Entretien avec Johanne Vallée : Miser sur le partenariat et la participation citoyenne

La parution d'un numéro spécial du Porte ouverte dans le cadre du 50e anniversaire de l'ASRSQ veut mettre à l'avant-scène les personnes ayant oeuvrées au sein de l'ASRSQ au cours des années. Un entretien avec Madame Johanne Vallée s'est imposé de lui-même. D'abord chargée de projet à l'Association, puis directrice générale pendant 18 ans, elle a vu évoluer l'ASRSQ à travers divers changements structurels et politiques. Aujourd'hui sous-commissaire au Service correctionnel du Canada pour la région du Québec, nous sommes allés à sa rencontre pour connaître sa perception de l'ASRSQ et pour l'interroger sur ce qui l'a marquée au cours de son important mandat. Comme pour confirmer notre élan de départ, elle aussi mettra l'emphase sur des personnes marquantes de l'ASRSQ.

Place au partenariat

Mme Vallée estime qu'aujourd'hui, l'Association des services de réhabilitation sociale du Québec peut être fière du chemin parcouru. Elle considère que dans la prise en charge des contrevenants, tout le continuum des services est couvert au sein des membres de l'Association. « L'ASRSQ a su, au fil des cinquante dernières années, tenir compte des nouvelles politiques, surmonter le défi du financement pour les organismes communautaires, développer un vaste réseau et le consolider », affirme-t-elle.

Le partenariat avec les instances gouvernementales est essentiel dans la pleine réalisation de la mission de l'ASRSQ. C'est ce que Mme Vallée explique : « Lorsque j'ai commencé à l'ASRSQ, c'était une période où il y avait tout un débat sur le partenariat avec les gouvernements. Relever les défis liés à la criminalité est une tâche immense et l'Association croyait fortement que cela ne pouvait se faire sans partenariat. On avait la conviction que les deux paliers de gouvernements devaient travailler en collaboration avec les citoyens et, à l'inverse, que les citoyens devaient être impliqués dans l'administration de la justice. » L'ASRSQ représentait l'instance par excellence pour intégrer le citoyen à son action.

Cette vision est encore d'actualité aujourd'hui. « Au SCC, nous sommes conscients qu'on ne peut accomplir notre mission sans le soutien du réseau communautaire. Le SCC donne toute une gamme de services et il en va de même pour le réseau communautaire. En ce sens, l'offre de services est complémentaire et il existe un relais naturel dans l'accomplissement de nos missions respectives », ajoute-t-elle.

Des citoyens engagés

L'engagement bénévole des citoyens dans le maintien de la force de la vie associative est primordial pour Johanne Vallée. Elle dit : « Un des moments charnières pour l'ASRSQ, fut à la fin des années 90, lorsqu'on s'est interrogés sur la mission de l'ASRSQ et le rôle que pouvait jouer le citoyen. Notre réflexion nous a conduit à modifier la charte afin d'assurer une place aux citoyens sur le conseil d'administration. À mon avis, c'était un tournant important car cela a permis à l'Association de gagner en crédibilité. Dès lors, quand l'Association se positionnait sur un sujet, elle le faisait au nom des citoyens impliqués dans le système de justice pénale et non plus seulement au nom de quelques individus salariés. Comme directrice générale à l'époque, j'y ai vu un changement. Le regard était différent. J'ai senti que l'Association s'était dotée d'une plus grande force. »

Johanne Vallée considère que les années passées au sein de l'Association furent particulièrement formatrice et très enrichissante, tant au niveau professionnel que personnel. La rencontre de personnes investies dans une mission et profondément engagées l'a beaucoup touchée. « Il y a des personnes qui sont disparues aujourd'hui et qui ont joué des rôles importants dans le développement de l'Association; des gens engagés, des gens rassembleurs, des gens extrêmement présents dans leur communauté », confie la sous-commissaire. Elle se souvient notamment du dévouement de membres du conseil d'administration de l'ASRSQ. Elle garde particulièrement en mémoire l'engagement de Geneviève Tavernier, qui a aidé à mettre en place Porte ouverte ou encore Gilles Plamondon, qui en plus d'oeuvrer sur la Société Saint- Vincent-de-Paul, siégeait aussi sur le C.A. de la Maison Painchaud, à Québec, ou encore Marie Beemans, militante infiniment impliquée auprès des personnes incarcérées. Elle renchérit : « Ce sont des gens qui étaient très présents dans leur communauté. Je me souviens, j'étais en train de déjeuner chez-moi et je vois Gilles Plamondon à la télévision. Il faisait très froid ce matin-là et il était à Québec, dans les rues, en train de solliciter les gens pour amasser des fonds pour le Club des petits déjeuners du Québec. À un autre moment, c'était pour le matériel scolaire des enfants. À 77 ans, il faisait encore du bénévolat. »

Madame Vallée poursuit : « Au delà des dossiers, il y avait une leçon de vie sur l'engagement de ces gens. C'est dans ces moments qu'on se dit que le citoyen peut faire une différence dans la société. Ce n'est pas seulement le gouvernement, pas seulement les entreprises privées. Il y a des citoyens, qui, de par leur force et leur dynamisme, font une profonde différence. Ce sont des choses que j'ai apprises des gens que j'ai nommés, mais de bien d'autres personnes ayant côtoyé l'ASRSQ aussi. Leur exemple d'engagement va me rester toute ma vie. »

Ultimement, même si chacune des organisations a sa mission propre, l'importance de la réhabilitation et de la protection du public représentent le lien unissant les institutions. La sensibilisation du public envers la problématique de la criminalité et de la prise en charge des contrevenants demeure un défi tant pour le SCC que pour l'ASRSQ.

L'entretien avec Johanne Vallée nous rappelle qu'en matière de réhabilitation sociale et de prévention de la criminalité, la concertation et la collaboration entre les différents intervenants constituent un pas essentiel vers la réussite.