Revue Porte Ouverte

50 ans d'implication

Par Patrick Altimas,
Directeur général de l'ASRSQ

Les grands dossiers depuis 1962

L'Association des services de réhabilitation sociale du Québec (ASRSQ) a débuté son action au début des années 60, une période de l'histoire qui fut très effervescente dans tous les secteurs de la société québécoise, incluant le domaine de la prévention de la criminalité et de la justice pénale. Comme l'a si bien dit l'un des fondateurs de l'ASRSQ, Emmanuel Grégoire : « Devant l'évolution de la pensée pénale au Canada et dans notre province, les services sociaux intéressés au bien-être des délinquants et des prisonniers sentaient le besoin de se grouper pour mieux coordonner leurs efforts et unifier leurs pensées dans ce domaine. » L'action communautaire s'est développée autour de deux grands pôles : les services directs aux personnes et l'action sociale et politique non partisane. L'ASRSQ, au cours de ses 50 ans d'existence, a été impliquée activement à défendre des positions communautaires dans différents dossiers majeurs touchant la prévention de la criminalité et la réinsertion sociale des personnes délinquantes adultes. Voici un bref aperçu de ces dossiers :

Peine de mort

Le combat pour l'élimination de la peine de mort au Canada s'est livré depuis les débuts de l'ASRSQ et il a mené à l'adoption, en 1976, d'un projet de loi abolissant cette mesure. L'Association poursuit son implication en s'associant avec Amnistie internationale lors d'activités de sensibilisation sur le sujet, car la peine de mort existe encore dans plusieurs pays.

Participation des citoyens

La participation des citoyens dans les domaines de la prévention de la criminalité et de la réinsertion sociale des personnes délinquantes adultes est au coeur même de l'action communautaire telle que définie par les membres de l'ASRSQ. Il s'agit d'un dossier mobilisant des énergies et des efforts constants se traduisant dans diverses activités citoyennes. Par exemple, chaque année, l'Association soumet des projets de forums communautaires qui lui permettent d'organiser des assemblées de cuisine, des rencontres publiques et des tables rondes dans le but de sensibiliser le public sur les questions touchant la réhabilitation sociale et, plus largement, la justice pénale.

Reconnaissance des organismes communautaires

L'Association a été fondée dans la foulée des recommandations du rapport Fauteux, datant de 1955, qui suggéraient que « les organismes bénévoles d'assistance aux prisonniers devraient être assujettis à certaines exigences minimales et à certaines épreuves en ce qui a trait aux services rendus. » D'autant plus qu'avait débuté une période de développement de services financés en grande partie par l'État. L'ASRSQ s'est donc attaqué à travailler en vue de faire reconnaître les organismes communautaires au plan professionnel et financier. Cela a mené à différentes négociations permettant un financement plus stable de services, la mise en place de normes et de standards et une reconnaissance de l'expertise développée par les organismes communautaires.

Réformes en matière de justice et de services correctionnels

Les années 60 et 70 ont constitué une période de grandes réformes en matière de justice criminelle et de services correctionnels. L'ASRSQ a été active à divers niveaux en vue de participer à ces réformes et de réaffirmer sa philosophie et ses valeurs en matière de prévention de la criminalité et de la réinsertion sociale. Ses efforts se sont poursuivis tout au long des décennies suivantes et ont culminé, au plan provincial, lors de la mise en place d'une réforme majeure par le gouvernement du Québec en matière de services correctionnels et lors de l'adoption de la Loi sur le système correctionnel du Québec en 2002 et de son implantation en 2007.

Incarcération et mesures de rechange

L'Association des services de réhabilitation sociale du Québec a, au cours des cinq dernières décennies, fait plusieurs interventions pour dénoncer le recours excessif à l'incarcération au Canada et, corollairement, le manque d'enthousiasme par rapport à des mesures de rechange à l'incarcération qui ont des effets bénéfiques en matière de sécurité publique. L'ASRSQ s'est également élevée, au début des années 2000, contre la volonté exprimée par le gouvernement du Québec de construire plus de prisons en confiant au secteur privé ce mandat.

La libération conditionnelle

L'ASRSQ a été fondée trois ans après l'adoption de la Loi sur la libération conditionnelle des détenus par le gouvernement du Canada. Cette mesure, la libération conditionnelle et, par la suite, la libération d'office, a subi diverses attaques dès son entrée en vigueur et l'ASRSQ s'est positionnée au front pour en défendre la pertinence et la nécessité de la maintenir. Le défunt journal, Montréal-Matin, rapportait le 5 juillet 1963 : « Laisser le délinquant libre de choisir si oui ou non il se fera traiter pour son problème de délinquance reviendrait à nier à la société ses droits, devoirs et responsabilités à l'égard des individus qui la compose, car ce serait admettre que le délinquant est libre de continuer sa vie de "hors-la-loi" ou de réintégrer son rôle de citoyen. C'est ainsi que pourraient se résumer les conclusions d'une journée d'étude tenue par l'ASRSQ lors de sa première assemblée générale annuelle. » Il s'agissait là d'une reconnaissance que « la peine d'emprisonnement ne pouvait se suffire à elle-même et que, dans l'intérêt même de la société, une période de transition et d'encadrement était souhaitable1 ».

Les impacts du casier judiciaire et le pardon

L'ASRSQ a dépensé énormément de temps et d'énergie, surtout depuis le début des années 2000, en vue de sensibiliser les employeurs, les organismes et les citoyens de la société par rapport aux impacts du casier judiciaire sur la personne qui en est détentrice. Grâce à la collaboration de partenaires, tels le Comité consultatif sur la clientèle judiciarisée adulte (CCCJA) et Emploi-Québec, l'ASRSQ a pu produire des documents de sensibilisation, donner des conférences à près de 2 000 personnes un peu partout au Québec et mettre sur pied un site internet offrant de l'information aux citoyens par rapport aux impacts du casier judiciaire. Finalement, l'ASRSQ a déposé un mémoire exhaustif sur la question de la réhabilitation (pardon) au Comité de la Chambre des communes étudiant un projet de loi modifiant la notion de « pardon » et les règles s'y rattachant. L'expertise et les outils développés, en collaboration avec le CCCJA, font en sorte que plusieurs demandes d'information sur le casier judiciaire de la part de citoyens nous parviennent régulièrement.

Implantation de la Loi sur le système correctionnel du Québec

L'adoption et l'implantation de la Loi sur le système correctionnel du Québec ont été une pièce majeure dans le monde des services correctionnels québécois au cours de la dernière décennie et l'ASRSQ a joué un rôle extrêmement important à ce chapitre. Il est d'abord important de souligner que la Loi a fait en sorte de reconnaître, dès le premier article de la Loi, les organismes communautaires comme partenaires du ministère de la Sécurité publique au niveau de son mandat prioritaire de réinsertion sociale des personnes contrevenantes qui lui sont confiées par les tribunaux. De plus, l'implantation de la Loi a permis le développement de nouveaux services de suivi dans la communauté dans le réseau communautaire. L'ASRSQ a joué un rôle majeur dans la négociation et l'élaboration d'ententes maintenant connues sous le vocable « Ententes de partenariat ». Il s'agit là d'un modèle de collaboration unique au Canada, voire même au-delà. L'ASRSQ poursuit son rôle en ce qui a trait aux suivis des impacts de l'implantation de cette Loi en participant à un Comité conjoint de liaison avec la Direction des services correctionnels du ministère de la Sécurité publique.

Autres dossiers

Les femmes délinquantes : l'ASRSQ a travaillé sur plusieurs dossiers touchant la situation et les besoins particuliers des femmes dans le système de justice pénale. Plusieurs interventions ont été menées en collaboration avec la Société Élizabeth Fry du Québec ainsi que l'Association des Sociétés Élizabeth Fry du Canada. 

Délinquance sexuelle 

L'ASRSQ est appelée à intervenir régulièrement dans ce dossier et s'associe souvent avec le Regroupement des intervenants en matière d'agressions sexuelles (RIMAS). 

Formation des intervenants et des bénévoles 

L'ASRSQ a mis sur pied un programme de formation très élaboré qui permet de rejoindre environ 120 personnes par année dans des activités de formation et de perfectionnement et ce, à travers la province. 

Justice réparatrice 

L'ASRSQ est intervenue à maintes reprises dans le dossier du développement d'approches privilégiant la justice réparatrice dans le système de justice pénale. 

La déficience intellectuelle et la justice : l'ASRSQ participe depuis plusieurs années à des tables de concertation en matière de déficience intellectuelle au sein du système de justice pénale.
Les cinquante premières années de l'existence de l'ASRSQ, comme on a pu le constater, ont été très fertiles en ce qui a trait à plusieurs grands dossiers touchant la prévention de la criminalité et la réinsertion sociale des personnes délinquantes adultes. Les cinquante prochaines années s'annoncent aussi, sinon plus, fertiles. Le menu législatif des six dernières années du gouvernement du Canada devrait avoir des impacts majeurs pour les prochaines décennies dans le domaine de la prévention de la criminalité et de la réinsertion sociale. L'action communautaire de l'ASRSQ, dans ce contexte, deviendra encore plus nécessaire. Pour cette raison, entre autres, elle s'est dotée d'un Comité politique2, lui permettant de développer des outils et des moyens en vue d'améliorer sa capacité d'offrir des avis éclairés, basés sur l'expertise de ses membres, aux différents législateurs et administrateurs publics. De plus, le recours grandissant à l'incarcération, résultat de différents projets de loi adoptés ou en voie de l'être, posera des défis importants au réseau communautaire, qui devra certainement collaborer avec les services publics en vue d'innover en matière de solutions communautaires à proposer et à mettre en place. Les cinquante prochaines années risquent donc d'être très occupées.


1 Tiré d'une lettre au journal Le Devoir, 7 février 2000, intitulée « La libération conditionnelle sous enquête – La perfectible prise de décision » et signée par Sylvie Durand, Guy Lemire et Johanne Vallée.

2 À ce sujet, voir l'article de François Bérard du présent numéro.